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SURNATUREL - SUSO (HENRI)

relle, Paris, 1938, a refusé toute probabilité à la thèse d’une démonstration rationnelle de la possibilité de la vision béatifique, tandis que le P. Guy de Broglie s’était attaché à montrer la probabilité de la thèse contraire, Du caractère mystérieux de notre élévation surnaturelle, dans Nouvelle revue théologique, 1937, p. 337-376. Un échange de vue, parfois assez vif, a eu lieu, dans la même revue, entre les deux auteurs.

Garrigou-Lagrange, De revelatione, Rome, 1931, t. i, c. vi, p. 191-217 ; Palmieri, De ordine supernaturali et de lapsu angelorum, Prato, 1910, c. i ; Card. C. Mazzella, De Deo creante et elevante, Prato, 1908, n. 662 ; Pignataro, De Deo creatore, Rome, 1904, de angelis, p. 115 sq. ; Chr. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, t. iii, 'de Deo creante et elevante, n. 163 sq. ; Hugon, Tractatus dogmatici, t. ii, Tractatus de gratia, proœmium et, en général, tous les manuels, soit à l’occasion de l’élévation des anges et de l’homme à l’état surnaturel, soit en guise d’introduction au traité de la grâce. On consultera tout particulièrement Billot, De virtutibus infusis, prolégomènes, sur le problème spécial des habitus naturels et surnaturels.

On devra recourir également aux grands commentateurs de saint Thomas (Ia, q. xii : le surnaturel ordonné à la vision béatifique), et à quelques traités spéciaux : Ripalda, De ente supernaturali', l. I ; Scheeben, Natur und Gnade, Mayence, 1861 ; Schrader, De triplici ordine, natundi, præternaturali, supernaturali, Vienne, 1864 ; Bainvel, Nature et Surnaturel, Paris, 1905 ; P. Ehrardt, Le surnaturel, Avignon, 1930, et d’excellentes études du P. Mercier, O. P., Le surnaturel, parues dans la Revue thomiste, 1902 sq.

En ce qui concerne les applications récentes aux problèmes théologiques soulevés par l’apologétique de l’immanence, outre les ouvrages cités au cours de l’article, voir ici même Expérience religieuse ; Réalisme (col. 18811889) ; dans le Dictionn. apol., l’art. Immanence (Méthode d’), d’Aug. Valensin, t. ii, col. 579-593 et de J. de Tonquédec, col. 593-611. Ce dernier article n’est d’ailleurs qu’un extrait du livre Immanence du même auteur, Paris, 1913 (nouvelle édition, 1933).

A. Michel.


SUSO (Le bienheureux Henri), dominicain, écrivain mystique (xive siècle).

I. Vie.

Suso est la transcription latine sous laquelle Surius a fait connaître le frère prêcheur Henri Seuse. Né à Constance vers 1295, Suso était entré dès l’âge de treize ans, comme novice, au couvent des dominicains de cette ville. Ainsi qu’il le déclare lui-même, il ne paraît pas, au début de sa vie religieuse, avoir fait de grands progrès, mais, vers sa dix-huitième année, s’opère en lui une véritable conversion. Son zèle pour la perfection se marque d’abord par un ascétisme plus ou moins prudent ; il sévit très durement contre son corps jusqu’au moment où, vers la quarantaine, Dieu lui fait comprendre qu’il est d’autres moyens que la mortification volontaire pour arriver à la parfaite maîtrise de soi et que l’acceptation résignée des épreuves envoyées par la Providence est de plus de prix que les souffrances les plus raffinées que l’on s’inflige de son propre gré. Si l’autobiographie du serviteur de Dieu nous renseigne assez bien sur les voies par lesquelles il s’éleva à la perfection, sur les étapes mêmes de ses progrès, elle est loin de satisfaire toute notre curiosité en ce qui concerne les circonstances extérieures d’une vie qui paraît avoir été passablement traversée. Sur ces données chronologiques, voir K. Bihlmeyer, dans Hist.- pol. Blätler, t. cxxx, 1902, p. 46-58, 106-117, et dans Hist. Jahrbuch, t. xxv, 1904, p. 176-190. C’est à Constance que Suso a dû commencer ses premières études ; il les a peut-être continuées au studium générale de Strasbourg. En 1324 ou 1325 il a été envoyé, pour se perfectionner en théologie, au studium de Cologne où il a dû encore connaître Maître Eckhardt ; la façon dont il parle de celui-ci, la vénération qu’il lui a vouée ne s’expliqueraient pas sans un contact personnel avec le célèbre mystique. S’il a eu Eckhardt pour maître, il a dû avoir aussi Tauler pour condisciple. En tout cas la dépendance commune de Suso et de Tauler par rapport au maître commun explique au mieux leur parenté. Autant qu’on le puisse conjecturer, Suso revint vers 1329 à Constance, où il enseigna quelque temps la théologie à ses frères, en attendant de devenir prieur du couvent. C’est à cette date, de 1329 à 1336, qu’il aura composé ses deux ouvrages principaux : le Livre de la Sagesse éternelle et le Livre de la Vérité. En ce dernier il prenait plus ou moins ouvertement la défense d’Eckhardt, condamné en 1329. Comme il est question, dans l’autobiographie, de poursuites intentées à Suso à cause de ses idées, comme l’on sait, par ailleurs, qu’au chapitre provincial de Bruges de 1336 un prieur de Constance fut déposé, on en a conclu que ce prieur était Suso. Déchargé de ses fonctions, Suso serait resté dans le même couvent ; c’est à ce moment qu’il aurait surtout prêché, exerçant dans toute la région alémanique un apostolat qui s’adressait tant aux laïques qu’aux religieuses, surtout dominicaines, fort nombreuses en ces parages. Bon nombre de ces couvents n’étaient pas astreints à la clôture et cette circonstance explique un certain nombre des rencontres que fit Suso dans cet apostolat et qui lui permirent une action très continue sur certaines âmes.

En 1339 le couvent des dominicains de Constance, n’ayant pas voulu obéir aux injonctions de Louis de Bavière en lutte avec Jean XXII, fut obligé de se disperser. Suso avec plusieurs de ses frères se transporta à Diessenhofen, en Thurgovie ; il serait devenu en 1343 prieur de cette maison. En 1346 les exilés rentrèrent à Constance ; mais pour des raisons qui ne sont pas bien expliquées, Suso sera obligé, en 1348, de quitter une nouvelle fois Constance pour Ulm. C’est dans cette ville qu’il passa les dix-huit dernières années de sa vie ; c’est là qu’il mourut le 25 janvier 1366. Le culte qui lui était rendu de temps immémorial chez les frères prêcheurs a été approuvé par le pape Grégoire XVI en 1831 et sa fête fixée au 2 mars pour l’ordre dominicain.

II. Écrits et doctrines.

L’œuvre littéraire de Suso n’est pas fort considérable. Lui-même aux dernières années de sa vie, vers 1362, avait pris soin, pour éviter de fausses attributions, de fausses lectures, de fausses interprétations, de réunir ses œuvres antérieures dans un ms. unique, l’Exemplar, qu’il fit précéder de son autobiographie. C’est donc à l’Exemplaire, rédigé en dialecte alémanique, qu’il faut toujours se reporter pour une étude scientifique de Suso. En voici le contenu :

La vie.

Elle a pour base la rédaction qu’une fille spirituelle de Suso, Elisabeth Staglin, dominicaine du couvent de Toss, avait faite des confidences personnelles de son directeur. Pour faire entendre à sa dirigée les voies de la perfection, Suso n’avait pas craint de lui confier les moyens qu’il avait employés lui-même, les mortifications qu’il s’était imposées, les grâces qu’il avait reçues, les obstacles qu’il avait rencontrés, la façon dont il en avait triomphé. La pieuse fille avait recueilli tout cela par écrit. D’abord très fâché de la chose — il s’était fait livrer une partie du manuscrit et l’avait brûlé — Suso jugea plus tard que le récit de ses expériences personnelles pouvait être utile à d’autres âmes ; il revit et retoucha lui-même le texte d’Elisabeth Staglin. Il y ajouta comme seconde partie un petit traité didactique de spiritualité exposant d’abord la voie que doivent suivre les commençants — quelques récits anecdotiques viennent encore ici rompre l’ordonnance de l’ensemble — tandis que les huit derniers chapitres (c. xlix-lvi) essaient, mais sans parvenir à une vraie rigueur de composition, d’analyser ce qu’est la vraie vie d’union à Dieu et de réfuter les fausses conceptions que s’en font certaines personnes. L’authenticité de la Vie a été attaquée ; des critiques modernes y ont voulu voir un simple roman