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28Il SUPERSTITION. VAINES OBSERVANCES, APPLICATIONS 2812

2. Connivence avec le démon.

C’est peut-être le mot qui dit le mieux cette seconde attitude superstitieuse : car l’acte ne comporte pas l’intelligence avec l’ennemi, niais une imprudence qui lui permet de s’insinuer dans notre conduite. Pacte tacite, dit saint Thomas : invocation ta.it ?. insiste t ijttan : en n’alité., il n’y a pas invocation, puisque le démon intervient prteter pelitionem hominis, et pourtant son intervention n’est pas tout à fait spontanée, s’insérant à point nommé dans une action qui l’appelle. L’acte ne comporte aucun pacte formel, mais un dérèglement réel qui engage le démon à s’en mêler. Etsi hoc non inlendat homo, id tamen agit vel dicit quod ad nihil aliud videtur ordinabile. II » -II", q. xcvii, a. 1. L’acte attend un complément.

a) De quoi s’agit-il en effet ? « D’actes bizarres ou ne rimant à rien, actus distorti aut inordinati, de certaines rencontres d’hommes ou d’animaux, des temps, des lieux ou des paroles qui, de l’aveu de tous, portent bonheur ou malheur. A l’origine, si l’on a trouvé quelque exactitude dans ces observations, c'était pur hasard. Mais, dans la suite, les hommes s'étant laissé prendre à ces observances, il y a bien des faits à l’appui de ces observations qui sont dus à la tromperie des démons… » II"- !  ! **, q. xc.vi, a. 3, ad 2um. Telle est la position fort plausible de saint Thomas : les démons n’ont pas eu à inventer les vaines observances, mais ils n’en sont que des agents provocateurs. Q. xcv, a. 1, ad 2um ; xevi, a. 1.

b) Ainsi les démons n’ont pas besoin d'être appelés pour intervenir : ils s’ingèrent d’eux-mêmes dans les vaines recherches des hommes… Et il y a vaine recherche lorsqu’on tente de faire ou de savoir par des procédés qui ne peuvent donner ce qu’on en attend. Q. xcv, a. 2. Point d’appel précis, mais une simple attente imprudente de la réussite inexplicable. C’est, ni plus, ni moins, cet acte à la fois vain et confiant, que nous avons signalé à propos du recours aux forces inconnues. Si, parmi ces forces inconnues, celle des démons n’existait pas, ou si elle n'était pas soupçonnée, il n’y aurait point avec lui de pacte possible, même implicite. Mais le diable existe et nous surveille. Dès lors, en abandonnant une tentative impuissante à toutes ces inconnues, on risque de se faire aider par le démon. C’est lui qui se charge de faire réussir l’observance, et sans qu’il ait été invoqué, pour mieux enliser l’homme dans la vanité.

c) Mais comment déceler une connivence si implicite. De deux façons : l’absurdité du but à atteindre, car il en est qui dépassent d’emblée toute force naturelle imaginable : « Vouloir deviner des événements fortuits ou prédire avec certitude les actions des hommes, cela procède d’une fausse et vaine opinion. C’est ainsi que le diable s’en mêle. » Ibid., a. 5. Et puis, très souvent, les moyens employés sont notoirement insuffisants par eux seuls, et, par conséquent, sont en rapport — pour un supplément d’efficacité — avec des pactes signifiés aux démons. Q. xevi, a. 2. Knlin, ce sont parfois de simples signes sans aucun genre d’efficacité possible : des figures, des caractères, ibid., ad l un ' : ad 2um ; a. 1, Corp., ad 2 ura et 3um, sans destinataire désigné, supervacua signa, et que le démon peut prendre pour lui.

d) Insistons sur la différence essentielle entre le pacte dans le noir avec le pacte explicite en pleine lumière :

[1 y a loin des images dites astronomiques aux images nécromanciennes : dans celles-ci — dans le spiritisme,

dirions nous on fait des invocations expresses et cci laines pusses, fasingia, qui les rattachent aux pactes explicites conclus avec les démons ; au contraire, dans les images astr uniques, il n’y a que des pactes

I.h ites, un moyen de certains signes muets : des dessins

caræl i res. Et l’indice qui insinue que ces images

n’ont d’efficace que par l'œuvre des démons, c’est qu’il est indispensable d’inscrire sur ces cartes du ciel certains caractères graphiques, qui naturellement ne servent à rien. » Ibid., a. 2, ad 2um. Alors, si la moindre imprudence de conduite, dans les actions les plus ordinaires, peut nous faire pactiser avec le diable, l’homme doit à chaque instant se surveiller ? C’est assez l’avis de saint Thomas ; c’est d’ailleurs une recommandation fort sage, que les proverbes ont popularisée. Altiora ne quxsieris… lîccli-, iii, 22. Ce qui nous rassure, c’est que, comme nous le verrons plus loin, ces fausses démarches n’ont plus de danger, quand notre espoir est faible ou que nous prêtons à nos pratiques une efficacité naturelle quelconque.

Application des principes.

1. A une superstition

concrète. — Inutile de répéter que, dans une même superstition, on peut trouver mêlés des éléments justifiables par les forces naturelles et d’autres qui ne relèvent que des pactes diaboliques. Un théologien qui a consacré un livre entier à extraire du spiritisme les pratiques explicables par la psychologie, conclut sagement son étude par ces quelques mots : Nul n’est victime du démon s’il n’a donné au démon, par imprudence ou décision formelle, barre sur sa pensée, sur son cœur ou sur ses sens. Si donc un chrétien, malgré les avertissements de l'Église, se résout à sauter dans l’inconnu et à marcher droit devant soi, prêt à tendre la main à toute main qui, au sein de ténèbres, la saisira, il court risque de se trouver un jour, en face, non des morts qu’il invoquait, mais du démon, toujours prêt à interpréter en sa faveur, les vœux troubles des mortels. » Th. Mainage, La religion spirite. p. 184. Voilà bien le pacte tacite ; et voici le pacte formel : i Et, lorsqu’on voit précisément) dans les cercles spirites, se réaliser certains phénomènes qui, dans l'état actuel de nos connaissances, résistent à toute analyse scientifique, … lorsqu’on voit nombre d’adeptes du spiritisme glisser insensiblement sur les pentes de la folie, ou perdre la foi, ou se rendre à des conseils qui révoltent le sens moral, on ose se demander si, par-delà le spiritisme naturel, il n’en est pas un autre qui est, celui-là, l'œuvre occulte du démon. » Loc. cit., p. 185. Au reste, « l'Église n’a rien décidé sur les explications possibles : elle attend, et nul n’a le droit de l’accuser d’enrayer l’investigation des vrais savants ». Loc. cit., p. 178.

Les théologiens prudents ne procèdent pas autrement : s’ils veulent rester objectifs, ils doivent dire, avec saint Thomas et saint Augustin, quc. dans toutes pratiques, il y a du meilleur et du pire, des procédés tout à fait naturels et d’autres bien anti-scientilîques, et puis des éléments nugatoriæ vel noxise superstitionis, qui peuvent donner prise à des interventions démoniaques ou même à des appels plus conscients aux forces mauvaises. Entre les anciens et les modernes, il n’y a qu’une nuance, importante d’ailleurs, qui est la suivante.

2. Présomptions d’origine.

Dans les cas fort nombreux où une étude sérieuse d’une pratique ne permet pas de dire si les moyens employés ont une vertu naturelle ou surnaturelle de produire tel effet, il est nécessaire aux moralistes, a l’Eglise parfois, de se faire une opinion spéculative sur l’origine vraie de cette prétendue superstition. Voici, dit Nohlin, Theol. mor., éd. 1936, t. ii. p. 161, la double règle qu’il faut tenir : « Première règle : quand on se demande si tel résultat provient d’une cause naturelle ou du démon, il faut l’attribuer aux forces de la nature, parce que beaucoup d’entre elles sont inconnues, même pour les saVantS. d Mais, ferons nous observer, les ruses du démon ne sont pas moins inconnues, même pour les théologiens, et la puissance de Dieu est infinie. « Deuxième règle : si l’effet n’est certainement pas dû à une cause naturelle, le doute est celui-ci : vient-il de