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SUPERSTITION. VAINES OBSERVANCES ET RECOURS A DIEU

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providentiel, et le procode dos sorts attend seulement un pou de chance.

a) Ou attend un miracle de Dieu. Il est certain que quelques hommes ont reçu de lui « des dons merveilleux et infus », comme on le dit de Salomon, III Reg., m. 11-12. Mais ce don n’est pas accorde à n’importe qui, et par une récolte infaillible. Pas à tous, mais selon le choix du Saint-Esprit, 1 Cor., xxii, 8-11. » l’as par une recette infaillible : car on ne peut tenir ces pratiques et ces invocations « pour des signes institués par Dieu, comme les signes sacramentels ». II*II* q. xcvi. a. 1.

b) Ce que saint Thomas signale c’est l’apparente piété îles superstitieux qui « prononcent des formules sacrées, en vue de certains résultats, comme une guérison : par exemple, un Pater et un Ave, ou toute autre invocation du nom de Dieu », selon cette parole : In nomine meo dœmonia ejicient, etc… Marc., xvi, 17. Ils ne demandent point de miracles, mais une simple protection providentielle, qui semble promise par le Christ. Réponse : « proférer des formules sacrées et invoquer le nom de Dieu, ce sera toujours permis, pourvu qu’on ne s’arrête qu'à la révérence de Dieu, révérence dont on espère l’effet bienfaisant » : c’est alors une prière normale de demande. Mais, si, dans ces patenôtres, « on s’attache à quelque vaine observation, ce sera défendu ». II » -II", q. xevi, a. 4, ad l Bm. Ceci est vrai de la prière formelle envers Dieu ; c’est vrai aussi de toute pratique religieuse : la piété est utile à tout ; « pourvu qu’on n’ait égard qu’aux verba sacra et à la puissance divine, ce ne sera pas défendu. Mais, la plupart du temps, ces incantations, ces charmes comportent des observances illicites… La même distinction vaut pour le port des reliques. Si c’est un témoignage de confiance en Dieu et en ses saints, très bien ; mais si l’on attribuait de l’importance à quelque vain détail, comme la forme triangulaire du reliquaire, sans rapport avec la révérence de Dieu et des saints, ce serait défendu ». Ibid., ad 2um et 3um. Saint Thomas, en ce dernier article des observances superstitieuses, a ramassé une foule de pratiques équivoques : les amulettes, les grimoires, les « prières efficaces », qui ont leurs équivalents bien connus dans nos milieux catholiques, et qu’on est habitué de classer dans le culte superflu. La Somme théologique donne la clef de la distinction : Si respeclus habeatur ad solam Dei revererdiam, mais que ce soit étranger aux bonnes coutumes de l'Église, ce serait un culte excessif du vrai Dieu ; si autem respectus habeatur ad aliguid aliud vane observatum, ce sera une dévotion doublée d’une vaine observance. On voit qu’il ne faut pas se borner à la matérialité de l’acte, mais à la direction de l’appel qu’il exprime.

c) Enfin il y a des recours quasi implicites à Dieu, qui ne demandent pas de miracles, mais une bonne fortune, qui ne sont pas des prières, mais des actes profanes, qu’on laisse inachevés : c’est ce que les théologiens appellent le procédé général des sorts : communem sorlium rationem. Si l’on en attend la réussite du hasard, c’est, nous l’avons vii, un acte vain ; " mais si l’on espère de Dieu comme l’achèvement de son geste, sortialium actuum eventum, ce n’est pas une chose mauvaise en soi, ni vaine non plus : « Les sorts sont jetés : a Dieu d’y pourvoir. Prov., xvi, 33. < Le sort n’est pas quelque chose de mal, mais un procédé qui, dans l’humaine perplexité, indique la volonté de Dieu. Enarr. in psabn. xxx, f. iii, /'. /… t. xxxvi, col. 250. La plupart de ces « estes, à la fois impuissants et surs du sucres, que l’ethnographie signale chez des primitifs qui croient a un Etre suprême, sont un

fait à Dieu, qui répond à leur « este et à leur tacite prière par un secours providentiel. En somme, on peut dire qu’un recours si discret a la Providence, sans

qu’il soit besoin d’une institution positive, est une des données les plus universelles de la religion naturelle.

Evidemment, on peut mal user de cette bonne chose : « On peut pocher dans cet appel de plusieurs façons : 1. Lorsqu’on recourt aux sorts sans nécessité : c’est, en effet, en apparence, une manière de tenter Dieu. 2. Lorsque, même en cas de nécessité, on tire au sort sans révérence pour Dieu qu’on invoque : il aurait fallu prier. 3. Lorsqu’on fait servir les oracles divins aux intérêts terrestres. » « Il en est, écrit saint Augustin, qui consultent le sort dans les pages de l'Évangile. Sans doute, on doit souhaiter qu’ils s’adressent ainsi à Dieu, plutôt que de consulter les démons ! Toutefois cette habitude me déplaît, qui prétend faire servir les oracles divins aux affaires de ce monde et aux bagatelles de cette vie. » S. Augustin, Epist., lv, c. xx, P. L., t. xxxiii, col. 210… Cependant les choses d’icibas, comme le dit saint Thomas par la suite, peuvent, elles aussi, être tranchées par le sort et même par le jugement de Dieu : « En cas de nécessité, il est permis, avec la révérence voulue, d’implorer par le sort le jugement de Dieu, pour départager des demandeurs, pour savoir ce qu’on fera, pour deviner même l’avenir. » II a -II ffi, q. xcv, a. 8. Mais il est plus sûr, étant donnés les dangers multiples de ces sortes d’invocations à la Providence, de ne pas les multiplier, et de ne pas demander des interventions trop importantes. Au reste, comme nous l’avons dit, la tradition catholique n’a jamais été unanime à leur fixer des limites. Il y a toujours un danger de présomption à demander à Dieu même un simple signe de son bon vouloir. Cf. II*II ffi, q. xcvii, a. 2, ad 3um et a. 3, ad 2um.

Pour prémunir les fidèles contre des demandes indiscrètes, l'Église a cru sage d’instituer des prières, des rites et des usages surveillés, qui soient d’une parfaite orthodoxie : l’eau bénite, les bénédictions, les médailles, etc. « On a parfois accusé l'Église d'être l’auteur de superstitions parce qu’elle propage… des pratiques dans le but d’obtenir certains effets d’ordre temporel : les sacramentaux. Elle bénit les Agnus Dei, les médailles de saint Christophe. » Ami du clergé, 1933, p. 658. Évidemment on peut abuser des meilleures choses ; mais, si les chrétiens s’en tenaient là-dessus à la doctrine de l'Église, ils trouveraient dans ces rites, accompagnés de prières, des moyens utiles et pas trop multipliés qui les dispenseraient de recourir à la sorcellerie, au spiritisme, etc.

3. Observation des signes divins.

Si l’on ne peut pas se risquer à demander à Dieu des miracles ou des signes providentiels, il doit être du moins permis d’observer passivement les signes que Dieu donne luimême. Si ce signe est une révélation expresse, il est trop évident que le prophète ou le saint ont le devoir de l’accepter, avec l’assurance qu’elle porte avec elle de son origine. Mais, pour le commun des âmes religieuses, les signes regardés comme divins sont, au contraire des événements anonymes, vulgaires. Pour qu’on puisse leur supposer une origine divine, il faut que les événements n’aient pas de cause naturelle assignable, qu’ils soient fortuits et comme étrangers à nous-même, parce que le hasard, qui est dirigé par Dieu, pourrait nous donner des indications providentielles. « Ainsi donc, secundum prsedeterminata ex divina disposilione, l’attention aux événements fortuits peut avoir quelque efficacité, en tant que la tournure que prennent les choses extérieures est aussi soumise à la divine Providence, qui s’en sort pour diriger notre conduite. » S. Thomas, ! >< sortibus, c. iv. Prudemment exercé et moyennant certaines réserves, il peut donc y avoir un usage légitime des sorts. Les déviations viennent, comme pour l’appel au secours divin, de l’erreur sur la vraie nature de la contingence el <<i ha sanl : soit qu’on pense que tout est li ré dans la nature