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SUPERSTITION. LE MOT


1. I. v. 56-59, du cid et « les dieux », t. VI, v, 61. Enfin Nonius Marcefius notait que les superstitieux,

pour honorer les dieux négligent tout le reste, prit cultura deorum supersedent cetera : De camp, doctrina, v, 36.

Quoi qu’il en soit de l'étymologie du nom. les philosophes romains avaient donné de elaires notions de l'âme superstitieuse. Vairon, cité par saint Augustin, De cir. Det, I. VI, e. îx. n. 2, P. 1… t. xi.i, col. INT. disait que le superstitieux est celui qui craint les dieux comme des ennemis, tandis que le religieux les révère comme des pires. Quintilien, De instit. orator., t. VIII, e. iii, notait que la superstition diffère de la religion ut a diligenti curiosus.

2° Dans l’usage ecclésiastique. 1. Le Xoiweau Testament. — Le mot superstitio. dans la Vulgate, traduit deux expressions grecques fort différentes : dans les Actes, il répond au mot çk'.ff'.^a'.u.ovla. Ait., xvii, 22 ; xxv, lit. crainte religieuse qui porte les populations à garder ou à accepter îles divinités mal connues. Ce n’est pas sans une nuance de respect que saint Paul parle de ee sentiment inquiet des Athéniens, élevant un autel au dieu inconnu, et que le gouverneur I’estus applique la même dénomination à l’ensemble de la religion juive et aux discussions qu’elle soulève. Mais, dans l'épître aux Colossiens, n. 23, superstitio traduit l’expression è0£>.o0pr ( (7y.i.a, qui marque plutôt des pratiques singulières qu’un pur sentiment religieux : nous sommes bien proches ici de l’acception actuelle du mot superstition.

2. Les Pères grecs.

Chez eux. ces deux vocables ont continué d’englober tout ce que nous appelons superstition, mais avec les mêmes nuances que chez saint Paul : SeioiStuu.ovla, c’est, pour Clément d’Alexandrie, l’idolâtrie traditionnelle, Protrept.. P. G., t. vin. col. 221 ; Strom., t. VII, c. I et iv.t. ix, col. 408, 42N : mais, pour Origène, c’est le scrupule judaïque de saint Pierre a Joppé. ('.ont. Cels., 1. II. 2, /'. ( ;..t. xi, col. 800. Au contraire. ÈOsÀoOpr.Txîa et ses synonymes. è6eXœuXa6e(a, êdeXeexpiosia, stigmatisent toujours pour les Pères le caractère capricieux et vain » des cultes de surcroît. Eusèbe, II. / : '.. P. G., t. xx, col. 545 ; Basile, Constit. monast., c. xxv, P. G., t. xxxi, col. 1413 : Épiphane, Ad », tuer.. P. G., t. xli, col. 172 et 1040 sq. Théodoret traite de « superstitieux » les anathématismes de saint Cyrille. Epist.. clxi, P. G.. t. lxxxiii, col. 1460.

3. Les Pères latins témoins fies derniers efforts du paganisme ont bien marqué, eux aussi, la ressemblance extérieure entre superstition et religion : le superstitieux fait des recherches infinies pour trouver la forme de culte la meilleure, il y apporte un sérieux et une minutie qui lui font croire que son devoir est bien rempli envers les dieux ; si la négligence s’y disse, il en a des remords. En un mot pour eux, la superstition est une contrefaçon de la vraie religion, c’est une « religion simulée ». Mais ils ne voient cette contrefaçon que dans les cultes païens : Religio, écrit Lactance. oeri (Dei] cullus est. superstitio falsi. Div. instit. A. IV, c. xxviii, P. I… t. vi, col. 536 Il a fallu qu’une foule d’abus se manifestât dans les milieux nouvellement convertis pour que les docteurs suivants étendissent l’appellation a toutes sortes d’excès religieux, se conformant d’ailleurs en cela a l’indication

des anciennes versions de l'Écriture et des Pères grecs.

4. Saint Augustin. Cultes étrangers et pratiques vaines, crainte religieuse et curiosité profane, contrefaçons païennes ou adjonctions capricieuses au culte chrétien : toutes ces notions disparates entrèrent a leur tour dans le vocable souple de superstition. Il était réservé a saint Augustin d’ordonner toutes ces superfétations religieuses qu’il connaissait bien. Enarrat. in Ps. icv, n.."), P. I… t. xxxvii, col. 1230.

Il les réunit. à l’usage des païens », vers 408-409, sous le signe commun de l’idolâtrie, comme il se devait. Epist., en. ml Deogratias, q. m. n. 18, /'. L., t. xxxiii, col. 377. I.a superstition, c’est d’abord le culte des faux dieux : les sacrifices et les autres rites y peinent être semblables à ceux des anciens.Juifs mais leur destination n’est pas la même : i Malgré leurs interprétations élégantes, tout ce culte des païens s’adressait à une créature. » Lac. cit.. col. 378. Posé ce vice fondamental, toutes les anciennes distinctions historiques entre religion et superstition celles que nous avons données au début — ne tiennent pas. Cicéron ne peut distinguer la consuetudo majorum, le vieux culte des cités, de la mythologie qui y était en germe. Fausses également la distinction de Varron entre la religion nationale et les cultes importés, et celle de Virgile, acceptée par Lactance, entre les religions anciennes et nouvelles. Cf. De eiv. Dei, t. IV, c. xxx, P. L., t. xli, col. 136-138. Saint Augustin en revient donc à la définition de Lactance, lui-même, De divin, instit., t. IV, c. xxviii : IIn’c cum exhibentur Deo, vera religio est ; cum autem falsis, noxia superstitio ; mais, comme il la trouvait superficielle, il y introduisit une variante significative : Cum autem dœmonibus, superstitio. Epist., en, toc. cit., col. 377. Si l’adoration des idoles s’adressait aux démons, rien n’empêchait d’adjoindre à l’idolâtrie proprement dite, et sous le signe des démons, pourrait-on dire, tous les autres abus qui s'étaient glissés dans les religions païennes : la divination, la magie, etc.

5. Le Moyen Age latin, sans donner rien d’original, coordonne pour la théologie catholique toutes les notions précédentes.

a) Voici la description que fournit la Glose ordinaire, à propos du texte classique de Col., ii, 23 : Religio supra modum servata, id est religio simulata, quando traditioni humanæ nomen religionis applicatur. On trouve là, semble-t-il, tout l’essentiel de la définition traditionnelle : 1° le rattachement à la vertu de religion, dont la superstition n’est d’ailleurs qu’un simulacre ; 2° le double caractère, excessif et capricieux noté par les Pères grecs ; 3° le vice commun à tous ces abus, qui est de mêler des inventions humaines aux choses religieuses.

b) Voici maintenant la systématisation de saint Thomas : Du mot il tire cette première notion que superstitio quemdam excessum importare videtur. IIa-IIæ, q. xcii, a. 1, ad 2um et 3um. Il rattache, comme tous ses prédécesseurs et ses successeurs, la superstition à la vertu de religion, mais en précisant que c’est un vice opposé à la religion par excès, définition qui aurait sans doute fort étonné saint Augustin et les docteurs antérieurs : c’est celle qui est devenue classique. « La religion est une vertu morale ; et, comme toute vertu morale, elle s'établit dans le juste milieu. Le vice s’y peut donc opposer doublement : par excès et par défaut. » Le défaut de religion, l’irréligion méprise tout ce qui touche au culte divin », tandis que la superstition fait montre, comme la religion. d’un culte divin », mais elle en fait trop. Sum. theol., IP--II*, q. xcii, prol. « Or, on peut outrepasser la mesure de la vertu, non seulement au point de vue de la quantité, mais aussi selon les autres circonstances de l’action. » Ibiil.. a. 1 ; cf. IP-II", q. i.xxxi, a..">. ad.'{'"". Saint Thomas note toutefois que la superstition se distingue a la lois par l’excès dans la recherche des procédés religieux et par les résultats mesquins auxquels elle aboutit souvent : vilium excedil virtutis médium, non quia ail majus aliquid tendit quam virlus, sed forte ail minus. IL II"', q. xcii, a. 1.

c) Les théologiens postérieurs ont étudié aussi, d’un point de ne plus spécialement ps chologique, ce qu’un peut appeler l’esprit superstitieux. A propos