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    1. SCIENCE DE JÉSUS-CHRIST##


SCIENCE DE JÉSUS-CHRIST. L'ÉCRITURE

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qui serait normalement privé de son activité et de ses opérations propres. Si l'âme humaine continue à exister dans l’au-delà, elle doit conserver ses facultés et ses opérations. En retenant la thèse de l’union substantielle de l'âme spirituelle avec le corps, il est facile de conclure, la sensation requérant un sujet matériel comme les objets extérieurs qui agissent sur lui, que le règne des émotions organiques, se termine de toute évidence à la mort : l'âme séparée privée de son corps, ne peut plus jouer le rôle de forme végétative ni de forme sensitive : il n’y a donc plus pour elle de connaissance sensible.

De ces facultés inférieures l'âme séparée du corps ne garde plus que les virtualités : le jour où elle sera réunie à son corps, elle pourra de nouveau les remettre en exercice. Quant aux facultés supérieures, intelligence et volonté, elle en conserve à coup sûr l’exercice, puisque ce sont des facultés spirituelles. Toutefois alors que, dans l'état d’union de l'âme au corps, la connaissance intellectuelle d’ici-bas a son point de départ dans la connaissance sensible et se développe par voie d’abstraction, dans l'état de séparation, la connaissance intellectuelle se fera, comme chez les esprits purs, par mode d’intuition dans les idées que l'âme aura conservées de sa science expérimentale d’ici-bas ou que Dieu lui infusera à l’instant de la séparation d’avec le corps, comme il en a infusé aux anges au moment de leur création. Cf. S. Thomas, De veritate, q. xix, a. 1. N’est-il pas juste qu’il en soit ainsi : « après la mort, puisqu’il est naturel à l'âme d’exister à la manière des substances spirituelles, il lui est comme naturel aussi de comprendre à leur manière, c’est-à-dire par des idées infuses ; et la Providence, qui est toujours libérale, se doit à elle-même de pourvoir aux divers êtres selon leur état et leurs besoins actuels » '? E. Hugon, Réponses théologiques, p. 237.

Ajoutons que la science des âmes séparées pourra recevoir encore quelque complément du langage des esprits entre eux. Par un acte de volonté, l’esprit séparé peut manifester ses pensées aux autres : pour que puisse se réaliser cette communication, il faut admettre que les idées infusées par Dieu représentent à tout instant donné ce qui a trait à l'âme ou à l’esprit pur à cet instant précis : sorte d’harmonie de connaissance établie par Dieu entre les idées des esprits.

L’analogie de l’esprit pur et de l'âme séparée nous fait encore découvrir pour l'âme séparée un autre moyen de connaissance : son essence même, moyen de se connaître d’abord, et d’atteindre par là d’une manière médiate Dieu lui-même. Cf. Hugon, Réponses théologiques, p. 241-243.

2° Applications. - 1. Aux âmes bienheureuses. — Voir ici Gloire, t. vi, col. 1406-1408 ; Intuitive (Vision), t. vii, col. 2380 et 2386-2389.

2. Aux âmes du purgatoire, spécialement en ce qui concerne la connaissance qu’elles ont de Dieu, elle leur vient ou bien par les idées que l'âme emporte de ce inonde ; ou bien par la connaissance au moyen d’idées infusées direct einent par I)ieu ; ou bien par la connaissance de rame séparée qui se voit elle-même et par là connaît Dieu, son auteur et sa fin. Ces trois cxplicaI ions ne s’excluent pas l’une l’aul re et peuvent au contraire se compléter mutuellement. Voir ici PurgaroiRE, t. xiii, col. 1316 1317. Cf. Ami du clergé, 1925, p. II.

3. A ux âmes des enfants dans les limbes. Voir Bap ii mi (Sort des enfants morts sans), t. ii, col. 373-376.

On Indiquera simplement ici, outre les manuels connus (Hugon, Tanquerey, Hervé, Diekamp), les commentateurs de saint Thomas, Sutn, theol., I*, q. liv-lviii, notamment Cajétan ; Jean de Saint-Thomas, De angelis, <lisj>. I ; les Salmantlcenses, ld., dlsp. Il sq. ; Gonet, ld., disp, VII-Xj Billuart, ld., Hiss. ni. On consultera avec profil t.. Jans sens, Somma théologien, t. i. p..VJ8-G96 ; II. Lamiroy, l) intellectu et voluntate angelica, dans Collationes Brugenses 1925, p. 348 sq. ; 379 sq. ; 430 sq. ; Schlvssinger, Die Erkenntnis der Engel, dans Juhrbuch fur Philos, mut spek. Theol., t. xxii, 1907-1908, et xxiii, 1908-1909 ; E. Hugon, L'état de » âmes séparées ; dans Réponses théologiques, Paris, 1924, p. 183-270. Le Commentaire français littéral de la Somme théologique, par le P. Pégues, t. iii, Toulouse, 1908, p. 326-450 sera un guide précieux pour pénétrer la pensée thomiste.

A..Michel.

IV. SCIENCE DE JÉSUS-CHRIST. -- Il n’est pas question de la science que Jésus-Christ a eue comme Dieu ; il s’agit uniquement de sa science humaine. Que Jésus ait eu une science humaine, sans qu’on apporte à cette assertion générale aucune détermination particulière, c’est là un fait que la foi catholique nous oblige à tenir contre Arius, Apollinaire et tous ceux qui, parmi les anciens hérétiques, ont nié que le Verbe ait pris, dans son humanité, une âme raisonnable. Il est également de foi que cette science s’est exercée au moins par certains actes : une telle assertion est contenue dans la formule de foi de Chalcédoine : Salva proprielate utriusque substanliæ, Denz.-Bannw., n. 148 ; plus expressément dans la lettre de saint Léon à Flavieu : I Agit enim ulraque forma cum alterius conununione quod proprium est ; Yerbo scilicel opérante quod Yerbi est, et carne exequente quod carnis est. Ibid., n. 144. Ce texte est repris par le pape Agathon avec une nuance plus accentuée : Opérante ulraque forma cum alterius communione quod proprium habel, Yerbo opérante quod Vcrbi est, et carne exequente quod carnis est. Ibid.. n. 288. Ce que le IIIe concile de Constantinople, plus nettement encore, exprime ainsi, en vue de condamner le monothélisme : Duas vero naturales operationes… divinam opérât ionem et humanam operationem. Ibid.. n. 292. Si l’homme a agi selon l’opération humaine, il faut admettre que l’intelligence du Christ a eu de-. connaissances certaines : « L’esprit qui n’a aucune connaissance, aucune science, est comme s’il n'était pas. Inerte et sans mouvement, il n’existe pour ainsi dire pas. » S. Jean Damascène, De fide orthodoxa, 1. III. c. xviii, P. G., t. xciv, col. 1072 C. D’ailleurs, si le Christ n’avait eu aucune connaissance en son intelligence humaine, il n’aurait pu produire aucun acte moral et méritoire, puisque, pour agir ainsi, il faut savoir auparavant ce que l’on veut faire.

Le fait de la science humaine du Christ ne peut être mis en doute. Le problème théologique est ailleurs, 6 savoir sur la nature de cette science et sur sa perfection. Or, ce problème ne s’est éclairé que progressive ment et après plus d’un tâtonnement. L’hérésie des agnoètes avec les controverses qu’elle a suscitées n’en a été qu’un épisode d’ailleurs mal élucidé, parce qu’il n’a pas été remis dans son cadre historique. Voir ici 1. 1, col. 586-596.

On étudiera successivement : I. Les sources script u raires qui le commandent. IL Les interprétations qu’en ont données les Pères, col. 1633. III. Les systématisa tions théologiques, col. 1649. IV. Les décisions de l'Église, col. 1659.

I. Sources scripturaihes. 1.es textes intéressant la science du Christ, répartis en quatre classes : 1° allir ment la science parfaite de l’Hoinnie-Dieu ; 2° énoncent un progrès dans cette science : 3° laissent entendre, sur certains points déterminés, une ignorance dans l’intelligence du Christ et enfin 1° semblent, sur l’heure du retour du Christ ici-bas, comporter une erreur véritable.

1° Textes affirmant la science parfaite de l’Homme Dieu. 1. Les Synoptiques offrent plusieurs textes on la perfection de la science de Jésus est allirméc sans restriction : Nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ; el nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. Mail !)., xi.