Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/598

Cette page n’a pas encore été corrigée
2697
2698
SUAREZ. THÉOLOGIE PRATIQUE, I. A MORALE


grande précision la distinction des quatre manières d’agir propter ftnem : j>cr relationem aciualan, virtualem, habituaient, interpretativant ; l’intention virtuelle, plus Dettement caractérisée qu’elle ne l'était générale ment jusqu’alors, est expliquée sommairement : virius interior censetur durare in ipso efjectu, n. 1, p. 25 ; ailleurs, dans le même ouvrage, tract. 111. disp.VI, sect. v, n. ii, ]>. 370, et dans le De sacramentis, disp. XIII, sert. m. n.."> et t>. t. xx. p. 251, une explication par la subconscience est plus explicitement

proposée.

2. -- Le rôle de la tin dernière dans l’activité morale est aussi étudie en détail, t ræl. 1. disp. III, p. 25 sq., de manière à préparer la théorie des péchés mortel et véniel et la discussion de la question sur l’option fondamentale : nous y reviendrons plus loin.

3. — Au sujet de la béatitude, matière qui se rapporterait peut-être plus exactement à la théologie spéculative, nous signalerons la position prise par Suarcz dans la célèbre question de l’essence de la béatitude, disp. VII, p. 09 sq. ; sans abandonner proprement la position intellectualiste de saint Thomas (cf. n. 2 ! '. p. 79 : Dico essenlium beatitudinis formalis primo et formaliter consistera in visione Dei dura, in qua quasi in fonte et radiée Iota perfeclio beatitudinis continetur), il admet cependant (n. 31, p. 79) que amor caritatis et amiciliæ divinæ est simplicitcr necessarius ut homo sit supernaturaliler perjecte beatus et absolule dicendus est de essentia ipsius beatitudinis. C'était entendre autrement que la Somme l' essentia beatitudinis.

4. — Dans le tract. II. De voluntario et involuntario et ses 10 disputatiunes, nous noterons l'étude de l’acte libre et la défense de la liberté reconnue comme de foi par l'Église, contre le déterminisme de la philosophie antique. Disp. I, sect. ii, p. 162.

Le voluntarium in alio est défini comme virtuellement contenu dans un acte volontaire in se ; sa psychologie est étudiée, mais sans les précisions de ses conditions que les casuistes postérieurs y apporteront. Disp. I. sect. iv. n. 8 sq., p. 175 sq. Quant au volontaire indirect présenté comme étant une omissio, il est longuement discuté et déclaré pouvoir exister sans un acte explicite et formel. Ibid., sect. v. p. 17ti sq.

Comme tous les moralistes de son temps, Suarez s’en tient sur les empêchements de la liberté à la division aristotélicienne et thomiste des quatre empêchements élémentaires. Sur celui de la concupiscence, la formule qu’il adopte est la suivante : minuit liberum seu libertatem in actu voluniatis, disp. III, sect. iii, n. 7. p. 207. mais auget voluntarium intrinsece seu intensive. Ibid., n. 10, p. 207.

Le IIIe traité, De bonitate et malitia actuum humanorum. s’ouvre par d’abondantes discussions sur ce qu’est l’esse morale soit dans l’acte de volonté, soit dans les autres choses appelées morales ; cf. surtout disp. I, sect. i. n. 15, p. 284, par rapport à l’acte : Modus [denominatio extrinseca] cujusdam emanationis seu cujusdam moralis dependentim a ratione udverlente ad regulam morum et a voluntate libère opérante ; la formule sera souvent reprise par les auteurs de philosophie morale.

Très fortement. Suarez insiste sur la boulé et la malice morales objectives : cf. disp. II. p. 288 sq. ; c’est dans ces pages qu’il l’a définie comme une convenientia objecti honesti perseipsum ml naturalem rationalem qua talent, expression où il ne voit certainement qu’une précision apportée à renseignement de saint Thomas.

(/est d’après cet enseignement qu’il étudie la dérivation de cette bonté dans les éléments de l’acte (objet, circonstances et fini. sect. in. p. 297 sq., ce qu’est la bonté formelle de l’acte intérieur ou extérieur,

disp. X. p. 12 1 sq., ainsi que l’indifférence des actes. Disp. IX, p. 115 sq.

5. - Sur la règle objective de la moralité, la loi, si dans le traite De bonitate et malitia, nous n’avons que des vues tout a l’ait sommaires, disp. XI, p. 430 : comment la volonté humaine, pour cire bonne, doit se conformer à la colonie de Dieu ou loi éternelle, les dix livres du De legibus nous donnent en revanche une doctrine particulièrement abondante. Nous n’en retiendrons que quelques points.

a) La notion de loi. - On a reproché à Suarez d’avoir abandonné la conception thomiste de la loi. De fait, examinant si la loi était un acte d’intelligence ou de volonté, De leg., t. I, C. v, t. v. p. 17 sq., il refuse d’y voir essentiellement et uniquement un acte d’intelligence, trouve admissible qu’on l’estime constare ex actu rationis et voluniatis et préfère la dire actus voluniatis justse et reclæ quo superior vutl inferiorem obligare ad Ime vel illud, 1. 1, c. v, n. 24, p. 22 ; il critique donc la célèbre définition de la Somme : Ordinatio rationis, etc., t. I, c. xii, p. 52 sq., et propose celle-ci ; Commune præeeptum juslum et stabilc, sufficienter promulgatum. Ibid., n. 4. p. 51..Mais il serait inexact de voir ici la liberté donnée au bon plaisir du législateur. La volonté, pour Suarez, joue dans la loi un rôle essentiel en ce sens que finalement, en imposant l’obligation, elle achève vraiment la loi ; il n’en maintient pas moins que la loi suppose un acte de raison, qu’elle doit être raisonnable et juste à tous égards, cꝟ. t. I, c. ix, n. 7, p. 39, qu’elle ne peut être portée qu’en vue du bien commun, c. vii, n. 11, p. 29 sq., que toute loi positive repose en définitive sur la loi naturelle et éternelle et tire d’elle sa force. L. II, c. ix, n. 12, p. 121. Au début même de cette discussion, il marquait que, sur ce point, le dissentiment entre écoles catholiques portait beaucoup plus sur la manière de dire que sur le fond ; cꝟ. t. I, c. v, n. I, p. 17 ; en réalité il admet les mêmes éléments de la loi que saint Thomas, mais appuie davantage sur l'élément volontaire ; leur divergence n’est que secondaire et systématique. Voir E. Jombart, Le volontarisme de la loi d’après Suarez, dans Nouvelle revue théologique, janvier 1932, p. 1 sq.

b) Loi pénale et coutume. — A cause de discussions récentes, signalons aussi dans le De legibus les deux livres V et VI, où sont examinées les questions de la loi purement pénale et de la coutume.

Suarez admet que la loi positive peut être purement pénale, De leg., t. V, c. iv, t. v, p. 423 q. ; il n’est pas l’inventeur de cette sorte de loi, puisqu’il se réfère à Xavarrus, Vitoria, et surtout à De Castro, ibid., n. 2, p. 423, et qu’il dit la théorie communément admise de son temps ; il en cite, comme exemples, de nombreuses règles religieuses, des lois canoniques, par exemple celles de l’interdit et de l’irrégularité, certaines lois civiles ; cꝟ. t. V, c. iv, n. 4 et 5, p. 421. C’est l’intention du législateur, interprétée, s’il est nécessaire, par la coutume, qui permet de la reconnaître, ibid., n. X, p. 425. Actuellement où cette conception de la loi purement pénale est vivement attaquée, il est bon de se reporter à cet exposé où la nature de cette loi et son obligation indirecte et adoucie sont clairement présentées.

Quant à la coutume, le t. VII, t. vi, p. 135 sq.. lui est tout entier consacré ; nous ne pouvons résumer l'étude particulièrement poussée qui y est faite ; nous nous contenterons de renvoyer aux articles de Ed. Janssens, Revue thomiste, juillel 1931, p. 681-726, qui s’efforce de montrer l’opposii ion de la conception suarésienne avec saint Thomas et le (iode de droit canonique ci du P. E. Jombart, Nouvelle revue théolo gique, novembre 1932, p. 769 784, où est revendiqué l’accord foncier des trois doctrines, étant cependant concédé que. Là encore. Suarez met plus en vue l'élé ment volontaire, qu’il diffère de la Somme en des points de détail comme le pouvoir de la coutume d’abroger