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SUAHF.Z. DOGMATIQUK, LA JUSTIFICATION
. 631, 637, 638.

Comme on le voit, Suarez était personnellement fort intéressé à ce que l’on attribuât aux opérations de nos vertus infuses un objet formel surnaturel. On ne pouvait en effet leur en dénier un, sans s’inscrire par là-même en faux contre sa conception spéculative de l’acte de foi. Peut-être se fût-il gardé de faire tant intervenir le dogme en un sujet où il n’a, semble-t-il, rien à dire, s’il avait eu en le traitant l’esprit plus libre de préjugés systématiques.

Ceux de ses adversaires qui tiennent nos actes salutaires pour ontologiquement surnaturels n’ont en effet aucune peine à se disculper de pélagianisme. Admettant que, sans une grâce élevante et qui n’est pas due, l’homme déchu ne fait rien qui vaille pour la vie éternelle, en quoi partagent-ils si peu que ce soit l’erreur que combattit saint Augustin ? Quant à l’utilité de cette élévation de nos bonnes œuvres, s’ils ne l’expliquent point, comme les thomistes, par la perfection inaccessible à nos forces humaines du motif pour lequel elles doivent être pratiquées, au moins la font-ils très suffisamment comprendre par la nécessité où elles se trouvent d'égaler en dignité subjective la vision intuitive qu’il leur faut mériter.

Qu’il demeure, du reste, assez étrange que l’exercice de facultés divinisées apparaisse généralement à notre

conscience de tout point semblable à celui de puissances demeurées purement humaines, ils sont prêts à en convenir. Mais, puisqu’il est surabondamment prouvé par l’expérience qu’il en va bien ainsi, ne sontils pas sages de s’en tenir à un fait patent plutôt qu'à des conclusions métaphysiques beaucoup moins évidentes ? Ce dernier argument qui a de tout temps fort embarrassé ceux qui combattent pour la même thèse que Suarez, ne l’a pas laissé, lui non plus, indifférent. II y répond du mieux qu’il peut en faisant observer que les motifs naturels et surnaturels s’entremêlant toujours les uns aux autres dans notre activité salutaire, il n’y a rien d'étonnant à ce que les seconds disparaissent à peu près complètement sous les premiers. Ibid., n. 35, p. 639 ; cf. c. xiv. Est-il besoin de noter que cette solution n’a pas mis fin à un débat qui se poursuivra sans doute longtemps encore.

VI. La justification.

1° La cause efficiente de la contrition. — Cet acte appartenant nécessairement à l’ordre surnaturel, par quel principe efficient y est-il élevé? Directement par Dieu ? Ou par l’intermédiaire d’une entité qu’il infuserait momentanément dans nos puissances ? On sait qu’excluant ces deux explications, le Docteur angélique n’a pas vu d’inconvénient à ce que la charité soit produite par la grâce habituelle, tout en restant par ailleurs l’un de ses antécédents indispensables. D’après lui, charité et grâce se causeraient et par suite se précéderaient réciproquement l’une l’autre d’un point de vue différent, la charité ayant la priorité à titre de cause matérielle dispositive, la grâce, à titre de cause efficiente. L'école thomiste a, sur ce point, suivi son chef, n’appliquant pas à la préparation prochaine de la justification la théorie de Ventitas /lacns dont elle se sert pour la préparation éloignée. Yasquez qui ne jugeait nécessaire l'élévation surnaturelle que pour la charité, à l’exclusion des autres dispositions plus lointaines, était mieux fondé à se ranger lui aussi à cet avis.

Toutefois, entre son opinion et celle des thomistes, il faut signaler une divergence importante. Car se refusant pour son compte à considérer un effet comme la cause morale de l’existence de son principe efficient, il ne craint pas d’affirmer, sacrifiant d’ailleurs en cela l’enseignement commun de la tradition à la logique de son système, que, loin de nous être accordée par égard pour notre contrition parfaite, la grâce habituelle nous est, à rencontre, donnée pour que nous puissions nous repentir parfaitement. A l’en croire, cette manière de voir ne s’opposerait pas au concile de Trente, qui n’aurait traité que de la justification par les sacrements de baptême ou de pénitence et n’aurait, par suite, jamais voulu parler que de l’attrilion quand il mentionnait l’amour de Dieu parmi les dispositions qui précèdent la rémission du péché. Suivant cette opinion paradoxale, l’acte de charité ne préparerait donc pas à la justification, mais suivrait au contraire l’infusion delà grâce sanctifiante, constituant en partie avec elle la forme qui élève à l’adoption divine.

Il en va tout autrement dans la théorie thomiste où la contrition parfaite se présente sous deux aspects : soit comme produite par la grâce habituelle et lui étant par conséquent, de ce point de vue, postérieure, soit connue cause morale de cette même grâce que, sous ce rapport, par contre, elle précéderait et attirerait dans rame. De grat. Imb., I. VIII, c. ix, n. 3, 4, 6, t. ix, p. 349.

De quelque façon que cela se conçoive, Suarez, lui, n’admet point que l’ultime disposition à l’infusion de la justice surnaturelle puisse être effectuée par cette justice. Toutefois l’opinion de Yasquez lui paraît plus particulièrement condamnable. Car, sans aucun doute, la charité parfaite a été incluse par le concile de Trente dans les actes qui préparent à la rémission du péché.