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    1. SCIENCE DE DIEU##


SCIENCE DE DIEU. I. A SCIENCE MOYENN

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œuvres libres étant indiscernables dans leurs causes, la prescience du Créateur ne peut plus les atteindre qu’en ellesmêmes ou dans l’acte de notre volonté qui les détermine.

C’est a eette solution que s’est rallie saint Thomas au sujet

des futurs absolus… A la conception ainsi esquissée de la dépendance des libertés humaines à l'égard de leur cause première, le Docteur angélique demeurera inébranlement lidèle. Dans chacune de ses œuvres principales, il est revenu sur cette question ; loin de se démentir, il a répété avec une conviction de plus en plus terme « pie les futurs libres ne se révélaient a aucune intelligence, fût-elle infinie, par leurs antécédents, m lis par leur présence réelle dans le champ de

sa vision. Le contingent, écrit-il dans la Somme, peut être envisagé sous deux aspects : s >it en lui-même et en tanl qu’il existe actuellement ; ainsi n’appartient-il pas, à proprement parler, à l’ordre futur, mais a l’ordre présent, et il est déterminé, ce qui lui permel d'élre connu avec certitude. Soit dans sa cause, el ainsi siprésente-t-il comme futur el

comme Indéterminé. ! >< ce point de vue, il échappe a toute connaissance certaine. Quiconque ne l’atteint que dans sa cause, ne peut émettre a son sujet que des conjectures. Or, Dieu connatt tous les contingents, non seulement tels qu’ils se trouvent dans leurs causes, mais tels qu’ils sont en euxmêmes, car son éternité coexiste à tous les temps. Il en a donc une science infaillible dans la mesure où ils sont présents sous son regard. 1'. Dumont, op. cit., p. 90-91.

A cette attaque directe, les thomistes répondent de la façon suis ante. Saint Thomas, dans les articles 5 et 8 de la même question xrv a posé des principes qu’il ne renie pas ici. Si Dieu connaît les êtres autres que lui, c’est parce qu’il en est la première cause. C’est le décret de sa volonté qui détermine l'être dont il a la connaissance, en raison même de ce décret. Cf. a. 5 : Cum virlus divina se exlendat ad alia, co quod ipsa est prima causa efjectiva omnium entium, necesse est, quod Deus alia a se cognoscat. Et a. 8 : Manifestum est autan quod Deus per suum iiitelleclum causal res, cum suum esse sit suum intelligere. l’nde necesse est quod sua scienlia sit causa rerum, secundum quod liabet voluntutem conjunctam. Voir aussi q. xix, a. 4 : Efjectus determinati ab infinila Dei perjectione procedunt secundum determinationem voluntatis et inlclleclus. Et aussi : De veritate, q. iii, a. 6 : Dei idea ad ea quæ sunt vel erunt vel fueruni determinutur ex proposilo divinæ voluntatis.

Le principe même de la détermination du futur par le décret divin apparaît donc incontestable. Saint Thomas ne le rétracte pas dans le fameux article 13, objet de la controverse. Il ne fait que donner une doctrine particulière concernant la connaissance des futurs contingents, et il montre que, malgré leur contingence, ils peuvent être connus de Dieu avec certitude. Il n’est pas encore question ici de concilier la déterminai ion très efficace de la volonté divine avec la contingence de la chose voulue par Dieu : ce sera l’objet de la q. xix. de voluntate Dei, a..S. Mais Ici il n’est encore question que de la science divine, el saint Thomas entend montrer comment la connaissance du futur contingent, en tant que connaissance certaine, n’enlève pas la cou tingence de ce futur, précisément pane que ce futur est connu comme présent. tout comme en voyant pré sentement Sociale s’asseoir, je ne lui enlève rien de la liberté de son acte.

Reste a montrer pourquoi ce futur est présent à l'éternité divine, plutôt que le futur contingent qui lui est contraire, si ce futur contingent était présent par

lui-même, independa ient du décret divin, alors il

s’imposerait nécessairement et ne sérail plus contingent. C’est donc, en définitive, le décret divin qui est la raison de sa présentialité. Loin de supprimer le

décret prédéterminant, celle présentialité le suppose : le décret reste le moyen dans lequel est connu le futui continrent comme présent. Vouloir le supprimer c’est, comme le dit fort exactement Gredt, 0. s. H., une pétit ion de principe. Elementa philosophiez aristotelica thomisticæ, t. ii, Fribourg en Dr.. 1932, n. 872, 2. noie. Vinsi donc, dans l’article 13 présentement en discus

sion, saint Thomas ne parle pas iiu moyeu de la prescience divine, mais plutôt de la condition qui rend cette prescience intuitive, en faisant du futur un présent et de la prescience une science. Condition nécessaire. écrit Hugon, op. cit., p. 192-193, pour que la science des futurs contingents soit en Dieu immuable, intuitive, certaine et infaillible.

3° Troisième controverse : la science moyenne. La controverse sur la science moyenne est la suite logique des controverses précédentes ; ou, pour parler plus exactement peut être, les précédentes discussions n’ont été soulevées que pour préparer les positions respectives des écoles touchant la science moyenne.

On a établi plus haut, et la remarque est importante pour situer exactement le point de la discussion, que le fait même d’une science en Dieu ayant pour objet le

futurible est une donnée certaine de la théologie que personne ne songe a révoquer en doute. Le point ne vralgique de la discussion est celui-ci : ces futuribles sont-ils connus, dans leur détermination même, avant tout décret, même simplement hypothétique, île la volonté divine quant à cette détermination même ; ou bien leur détermination, même comme simple futurible. dépend-elle du décret divin. Tout est là.

1. Position moliniste. a) Exposé. a. Fondement. On a rappelé à l’art. MoLINISME, t. x. col. 2116 sq'., la genèse et les différents aspects de la doctrine moliniste. Il sullira ici de marquer les traits essentiels de cette solution. Il s’agissait, pour Molina, de réagi] contre les excès du prédestinatianisme rigide, a fin de mettre en relief à la fois et notre liberté et la dépendance de notre activité par rapport à Dieu. Rejetant l’explication par les décrets divins, Molina s’efforce d’expliquer la science divine des futurs contingents d’une manière différente : tandis que le système thomisle considère comme accessoire la question de la connaissance des futuribles, c’est dans cette connais sance même que Molina va chercher le fondement même de tout son système. Pour tout moliniste, la connaissance divine des futurs contingents passe pour ainsi dire par un triple stade.

Premier moment : Dieu connaît tous les possibles par la science de simple intelligence. Cette science a une priorité logique sur toute autre science. Ainsi, il connaît ce que Pierre, placé dans telle condition possible, dans telles conjonctures possibles, aidé de tels concours possibles, pourrait faire.

Deuxième moment : 1 Heu. en dehors de tout décret de sa volonté, connaît infailliblement tous les futuribles, par cette science qu’on appelle science moyenne. Ainsi, il connaît ce que Pierre, dans telle condition possible, mais aidé de tels secours et placé dans telles conjonctures déterminées, se déterminerait librement à faire.

Troisième moment : Dieu, par un décret simplement exécutif de sa volonté, décide de réaliser un ordre île choses OÙ se trouvent vérifiées les circonstances et les conditions, dans lesquelles il prévoyait que Pierre agi rail de telle façon si elles étaient réalisées. C’est dans ce décret exécutif qu’il connaît ce que Pierre, placé en telles conditions, jcru. Ce futur contingent est, pour Dieu, l’objet de la science de vision.

On le voit, la science moyenne, ainsi placée entre la science de simple intelligence et la science de vision, et indépendante de l’une et de l’autre, est toute la clef du système. D’une pari, la causalité souveraine de Dieu semble sauvegardée, puisque rien n’existera en fail qu’en vertu du décret exécutif de Dieu. D’autre part, cependant, ce décret exécutif ne porte pas sur la libre détermination de la volonté créée, mais uniquement sur la réalisation des conditions dans lesquelles Dieu a prévu (elle déterminai ion libre et sur le concours ne cessaire a la réalisation effective de celle détermination libre.