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    1. SCIENCE DE DIEU##


SCIENCE DE DIEU. QUESTIONS CONTROVERSEES

1608 P. I… t. lxxvi, col. 17.")D. Expliquant alors en bonne part l’assertion d’Origène, saint Thomas indique <|iie le docteur alexandrin n’a envisagé qu’un aspect partiel du problème, l’aspect de la connaissance. Or. la connaissance n’est pas cause indépendamment de la volonté.

Quand donc Origène dit que 1)ieu prévoit telles choses parce qu’elles sont à enir. il faut comprendre ce parce « que d’une causalité de conséquence, non d’une causalité quant à l'être. Cette conséquence, en effet, est exacte : si une chose doit être. Dieu la prévoit : mais les choses futures ne sont pas pour cela causes que Dieu les prévoie. I. (|. xiv. a. S. ad l um.

Les théologiens de toutes les écoles catholiques pourraient souscrire à cette doctrine générale. Mais, à côté de la doctrine, il y a place pour des opinions adverses et irréconciliables.

2. Controverses dans l’interprétation du texte de saint Thomas. — Saint Thomas a écrit : scientia Dei est eausa rerum, seeundum <]iioit habei voluntatem conjunctam. La controverse porte sur le rôle de la volonté.

a) Interprétation de l'école thomiste. — Nous entendons ici par école thomiste — cela soit dit une fois pour toutes l'école qui se réclame du patronage de saint Thomas dans toutes les questions intéressant la science divine, les décrets divins, la prémotion physique et leur accord avec la liberté humaine. Nous n’examinons pas si cette appellation est justifiée ou non. Nous prenons simplement le fait de l’appellation, telle qu’on la formule couramment depuis quatre siècles et epæ plusieurs documents pontificaux ont euxmêmes consacrée. Cf. Denz.-Bannw., n. 1090, note 2 ; 1097, note 1.

Dans son exégèse du texte de saint Thomas, l'école thomiste précise que la science de simple intelligence, telle que la conçoit saint Thomas, ne pouvant donner que la connaissance des possibles, la volonté a pour rôle de déterminer la simple possibilité et de donner ainsi, à l'être idéalement représenté en Dieu, le caractère d'être précis et déterminé que sa réalité en dehors de Dieu implique. C’est donc la science de vision qui est cause des choses créées ; cette détermination par le décret de la volonté vaut aussi bien pour les êtres contingents que pour les êtres nécessaires. Ainsi le décret de la volonté divine n’est pas simplement un décret d’exécution, c’est aussi, et avant tout, un décret de détermination. Et, puisqu’il y a priorité du côté de Dieu, sa science ne pouvant être causée par les choses, il faut logiquement dire que ce décret est un décret de prédétermination.

La simple lecture de l’article 8 montre que telle est bien la pensée de saint Thomas : « Puisque la forme intelligible à elle seule a également rapport à l’effet ou à son contraire, vu que la science des contraires est commune, elle ne produirait donc pas d’effet déterminé, si elle n'était elle même déterminée à tel effet par ce qu’on appelle l’appétit. > En effet, explique A. Sertillanges, l’idée d’une chose peut aussi bien servir a la faire qu'à s’en abstenir… et l’idée d’une chose peut aussi bien servir à la faire elle-même qu'à faire une chose contraire, dont l’idée est en corrélation ». Op. lit., ji. 349, note 99. les auteurs citent d’autres textes ; oir (iariigou l.agrange, De Deo uno, Paris, 1938, p. 345-346. Deux textes paraissent extrêmement significatifs : « L’idée divine est déterminée selon le propos de la volonté aux choses qui sont, seront ou ont été ; niais non pas aux choses qui ne sont ni ne seront ni n’onl été. De veritate. q. ni, a. 6. Et encore : « l.a forme (l’idée), selon qu’elle est dans l’intelligence seule, n’est pas déterminée à être ou à ne pas être, elle ne Test que pal' la volonté. [ », q. xi.x, a. I. ad T"".

L'éplthète de décret prédéterminant ne doit pas être un sujet d’hésitation ou de trouble. 'Tout d’abord, l’expression se trouve explicitement ou équivalemment

die/, saint Thomas. Si ce théologien nie constamment dans la volonté libre créée une prédétermination qui l’empêcherait de se déterminer elle-même, il affirme très nettement en Dieu la disposition, la décision, le décret prédéterminant. En parlant du destin (fatum), il n’hésite pas à écrire ces mots significatifs : « En tant que tout ce qui se fait ici-bas est soumis à la Providence divine, comme étant préordonné par elle et prononcé d’avance, nous pouvons parler de destin… » I », q. cxvi, a. 1. Dans le De veritate. q. iii, a. 7, il parle des effets des causes secondes qui proviennent tous ex Dei pradiftnitione. C’est la providence qui définit » ainsi tous les êtres individuels. lbul.. a. S. Voir l’application de la même doctrine et de la même terminologie aux actes libres, q. viii, a. 12 et a. 13. Le Quodlibet . a. 4, est plus net encore : i D’autres ramènent toutes ces choses à une cause supracéleste, savoir la providence de Dieu, par qui toutes choses sont prédéterminées et ordonnées. »

La connaissance des actes peccamineux n’apporte pas une difficulté spéciale à la thèse générale. Dans le mal moral, on peut distinguer la réalité physique de sa déformation morale. L’acte, dans sa réalité physique positive, ne renferme encore pas le mal et par conséquent Dieu le connaît dans son décret prédéterminant ; quant à la déformation morale, qui n’est qu’une privation, Dieu la connaît dans le décret simplement permissif d’une telle déformation morale. Voir PROVIDENCE, t. xiii, col. 1018.

b) Interprétation de l'école molino-suarézienne. — Quand saint Thomas dit que la science divine est causa rerum, seeundum quod habet voluntatem conjunctam, tout le rôle qu’il réserve à la volonté divine consiste, d’après les théologiens de cette école, à exécuter ce qui est déjà déterminé dans la science divine avant tout décret de la volonté. Ainsi la causalité de la science se réfère, non à la science de vision, mais à la science de simple intelligence ou plus exactement à cette partie de la science de simple intelligence qu’ils appellent la science moyenne.

Voici, comment, d’après Suarez, la pensée de saint Thomas doit être comprise. Dieu n’agit pas immédiatement au dehors par son intelligence, mais par sa volonté. Or, la science de vision n’est concevable qu’après le fiât réalisateur de la volonté divine, par conséquent lorsqu’il ne reste plus rien à produire. Aucun élément du monde ne lui doit donc son existence. Dans la production du monde, l’intelligence joue le rôle de conseillère et de directrice : la volonté décide s’il faut ou non réaliser. La science de vision, sans doute, n’est constituée comme telle qu’après un acte libre du Créateur. Mais cet acte libre ne la modifie pas en tant que science : il n’a pas d’autre résultat que de la pourvoir d’un objet ; il tire du néant les choses qu’elle considérera. Par conséquent, la science qui a causé l’univers, c’est la science de simple intelligence. On en trouve la preuve dans l’article même de saint Thomas, dont nous avons donné plus haut le commentaire thomiste. La forme intelligible, dit saint Thomas, à elle seule a ('gaiement rapport à l’effet ou à son contraire (se habet ad opposita). » Les thomistes traduisent : « à des effets opposés encore simplement possibles parce qu’indéterminés > ; les molino-suaréziens traduisent : « à des possibles déjà déterminés, mais qui ne passeront Tordre des réalités que par un décret de la volonté divine, et constitueront alors l’objet de la science d’approbation. Ainsi la science, cause des réalités, que saint 'Thomas appelle ici science d’approbation, avant l'élection libre de la Volonté divine » est utilisable à des emplois opposés, se habet ad opposita. Or, semblable caractère ne convient aucunement à la science de vision qui n’est pas Indifférente, mais déterminée, par nature, à représenter ce qui a déjà fait l’objet de dé-