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ni ESTIONS (.oTU monde des êtres un élé ment tout a tait nouveau et irréductible dont il faut tenir compte. Il faut donc une explication ultérieure, que saint Thomas donne en ces termes : Dieu étant cause des choses par sa science, la science de Dieu a la même extension que sa causalité. El comme la vertu active de Dieu s'étend non seulement aux formes qui, en chaque chose, sont les principes de la nature universelle, mais jusqu'à la matière même…. il est de toute nécessité que la science « le Dieu s'étende aux cas et aux êtres singuliers, qui tiennent leur individualité de la matière. Dieu connaît en effet tout ee qui n’est pas lui au moyen de sa propre essence, selon que cette essence est le type « les choses au titre de principe efficient : il faut donc bien que son essence soit un principe de connaissance suffisant à l'égard de tout ee qu’il lait et cela non pas seulement en général, mais aussi en particulier. Suni. theol., 1 q. iv. a. 11.

Nous avons souligné la raison de causalité efficiente apportée par saint Thomas pour justifier la possibilité de la science divine quant aux êtres individuels et singuliers, c’est à-dire quant aux êtres créés considérés dans leur realité individuelle. On verra plus loin, à propos des controverses théologiques, l’importance de la présente remarque.

5. Connaissance des Sires réels en nombre infini. — A propos « te la connaissance des possibles, nous avons dit que la science divine de simple intelligence embrasse, dans l’essence divine envisagée comme exemplaire de ce qui pourrait être, un nombre actuellement in fini d’objets possibles. Ici. nous devons aller plus loin : il faut admettre que, dans sa science de vision, portant sur ce qui a été. est ou sera. Dieu saisit dans un seul acte d’intuition de son essence, un infini d'êtres réels. Chose au premier aspect étrange, et cependant qui s’impose : Si l’on y regarde de près, on doit dire nécessairement que Dieu, même par sa science de vision, embrasse un infini. Car Dieu connaît même les pensées et les affections des cœurs qui seront, dans l’avenir, multipliées à l’infini, vu que les créatures rationnelles doivent durer sans terme, i Sum. theol., [ », q. xiv. a. 12.

L’explication est la même que pour la science de simple intelligence quant à l’infinité de son objet. C’est, ici comme là. l’infini d’une unité infiniment riche. Mais ici toutefois intervient un nouvel élément en raison d’une difficulté nouvelle :

Il s’agit d’un infini qui sera, bien quc sa réalisation, à l’envisager selon sa nature de chose successive, savoir étape par étape, soit sans terme. S’il s’agissait d’une créature, dont la science, soumise elle-même au temps, ausculterait l’avenir, on dirait : L’infini ne devant jamais être posé en sa totalité, nulle anticipation ne peut le totaliser pour le connaître..Mais Dieu échappe a celle Condition. Sa connaissance est simultanée et non successive : il voit simultanément même hsuccessif, et actuellement même ce qui est., venir. Il connaît donc tout l’avenir dans son intégralité, alors même que cet avenir ne doit jamais être posé intégralement. Il y a la un lointain sans terme, comme tout a l’heure un ahiine sans fond, mais Dieu l’enveloppe, pour l’excellente raison qui] le crée et n’v peut donc trouver <

obstacle. Dieu conçoit et Dieu pose l’accessible et l’inarces ible, le déterminé et l’indéterminé. Il est au-dessus de toute différence. Sertillanges, op. cit., p. 355, noie 117.

III. Controverses. Trois controverses, dont la dernière est de beaucoup la plus célèbre, quoique en réalité elle se soude étroitement aux deux autres, opposent entre eux les théologiens au sujet de la science

divine. Ce sont les controverses relatives : I. a la CRU salité de la science divine par rapport aux créatures ; 2. à la présenlialile des êtres existant dans le temps par rapport à l'éternité divine : H. à la connaissance certaine que Dieu a des fut tirs libres.

1° l 'rentière controverse : lu science (Urine, émise des êtres. 1. Texte de saint Thomas : sa valeur doctrinale en dehors de toute controverse.

l.a science de 1 tien est la cause des choses : car la science de Dieu est a l'égard des choses créées ce qu’est la science de l’artisan pour ses (euvres. Or. la science de l’artisan est bien la cause de ce qu’il fait, vu qu’il agit par son intelligence et que par conséquent la (orme qui détermine son intelligence est le principe de son opération… Mais… la forme intelligible à elle seule… ne produirait pas d’effet

déterminé, si elle-même n'était déterminée a cet effet par ce

qu’on appelle l’appétit… Or, il est manifeste que Dieu cause toutes choses par son intelligence, puisque son être et son Intellection sont identiques. II est donc de toute nécessité que sa science soit cause des choses en tant que s’y ajoute sa volonté. I", q. xiv, a. 8, trad. Sertillaii£e~.

C’est à tout l’article qu’il faut demander de préciser la valeur doctrinale que renferme cet énoncé. Tout d’abord, la question de la causalité de la science divine par rapport aux êtres créés se pose naturellement à l’esprit humain : < Si Dieu connaît tout en soi-même ; s’il a néanmoins de tout une connaissance propre et particulière ; s’il en a une connaissance simultanée et sans aucune causalité d’un terme sur l’autre, des conditions si étranges et si différentes des nôtres invitent a se demander si la relation du sujet connaissant à l’objet connu ne serait [tas ici complètement retournée, seule explication, semble-t-il, d’une si haute et si complète indépendance. Sertillanges. op. cit., p. 349, note itti.

Cette causalité de la science divine peut être entendue d’une double façon : causalité au moins directive de la production des choses, Dieu n’opérant pas d’une manière aveugle, mais conformément aux lumières de sa sagesse ; ou bien causalité effective, Dieu causant luimême les déterminations idéales des êtres, d’après lesquelles se dirigera sa volonté créatrice. La première façon seule relève de l’enseignement dogmatique. La seconde prête à des interprétations différentes, bien que tout le monde s’accorde à reconnaître la science divine indépendante des choses créées elles-mêmes.

Préexistence idéale des êtres créés dans la science divine et influence de ces idées dans la réalisation même des êtres créés : telle est, indiscutable et indiscutée, la doctrine générale qui se dégage de l’article cité.

Pour la démontrer théologiquement, saint Thomas aurait pu invoquer l’autorité de l'Écriture, celle-ci aflirmant à maintes reprises le rôle de la sagesse divine, de l’intelligence divine, de la parole divine, du Verbe divin, dans la création ou la formation des êtres. Cf. Gen., i, 3 ; f’s.. xx.xiii, (i ; civ, 21 : cx.xxvi, 5 ; Sap., vin. ii ;.loa., i. 3 ; llebr., i, 3, etc. Mais il a préféré re courir immédiatement au patronage des Hères, le seul terrain où Ton put rencontrer quelque difficulté. En effet, dans le 1. VII de son commentaire sur Tépître aux Romains, vin. : « >, Origène a écrit : Ce n’est pas parce que Dieu sait qu’une chose doit être, que cette chose sera : mais c’est parce qu’elle doit être que Dieu, avant qu’elle soit, sait qu’elle sera. /'. G., t. XIV,

col. ll. Il C. Auquel texte, il oppose immédiatement le

texte connu de saint Augustin, » ( Irinitate. I. XV, C. xiii, n. 22, /'. /-., t. xi. ii, col. 1076 : Dieu ne connaît pas l’universalité des créatures spirituelles ou coipo relies parce qu’elles sont, niais elles sont parce qu’il les connaît. » On pourrait ajouter aussi les mots de saint Grégoire, Moral., I. XX, c xxxii : I ont ce quie est vu de toute éternité par Dieu, non parce que CI choses sont, mais elles sont parce qu’elles sont VUI