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Sl’l UITUELS. DANS LA MAHCIIE D’ANCONE


ces ; il n'était ni rigoriste ni trop large. Ce qui lui a alu

le blâme « lis spirituels, c’est le procès intenté contre son prédécesseur, accusé de joacbimisme, et qui eut lieu à Cilla délia l’icve (Onibricl vers 1263. Le retentissement de ce procès trouva sa répercussion dans une prétendue vision de frère Jacques de Massa, dans Aetus H. Francisci, c. i.x.wi, éd. 1'. Sabatier, Paris, 1902, p. 216 sq., et même dans les éditions complètes des Fioretti, c. xi.viii, et dans Anal, franc, t. iii, p. 283 sq., qui tous dépendent d’Ange de Clan no. Trib., 4, Archiv, t. ii, p. 280 sq. Les sources littéraires de l’ordre du xiii c siècle passent sous silence cet épisode pénible ; seul le Catalogue des 14 généraux, attribué à Bernard de Besse, ancien secrétaire de Bonaventure, Anal, franc., t. iii, p. 698 sq., y fait une allusion discrète. L’intervention efficace du cardinal (). Fieschi (plus tard Adrien V) sauva le bienheureux Jean de l’arme de la condamnât ion, selon Ange de Clareno.

III. Les trois groupes des spirituels proprement DITS, A SAVOIR : DE LA MARCHE D’ANCONE, DU

midi de la France, de la Toscane, et leur condamnation en 1317-1318. — Tout ce qui a étédit jusqu’ici ne constitue, pour ainsi dire, que les éléments préliminaires de l’histoire des spirituels proprement dits.

Ceux-ci, sous la pression de leurs adversaires, à partir du dernier quart du xin*e siècle, commencent à se grouper et, s’organisant lentement, finissent par se constituer en groupes distincts de l’ordre. Nous connaissons trois de ces groupes, dont deux dans l’Italie centrale (Marche d’Ancône et Toscane) et le troisième dans le midi de la France (Provence et Languedoc). Chacun de ces groupes a ses particularités, ses chefs, sa tactique, et, bien qu’Ange de Clareno les embrasse tous dans son Histoire des tribulations (Trib., 5 et ti). ils n’ont jamais constitué un corps unique, ni généralement agi de concert. Cependant Uberlin de Casale a travaillé pour la cause en Italie et en France ; de même le provençal Jean de Pierre Olicu (Olivi) a été actif en Toscane et dans sa patrie, lai dehors de ces groupes il y avait, en même temps, des spirituels isolés, tels que le bienheureux Conrad d’Oflida († 1302) et le fameux poète Jacopone de Todi († 1306) et d’autres encore, qui étaient certainement plus que de simples sympathisants, tout en visant cependant au sein de la Communauté. Comment ont ils pu échapper aux persécutions, c’est une question obscure. La narration qu’Ange de Clareno, Trib., 5, Archiv, t. ii, p. 3Il sq., fait à ce propos sur Conrad d’Offida est fort instructive.

1° Les spirituels de lu Marche d’Ancône. C’est le groupe sur lequel nous sommes le mieux renseignés, par le fait que le chroniqueur du mouvement spirituel, Ange de Clareno, appartenait a ce groupe,

Ici, il y a lieu de dire un mol sur le degré de crédit que mérite cet auteur. Après bien des hésitations, les historiens d’aujourd’hui sont d’accord pour reconnaître qu’Ange de Clareno est un chroniste sincère ou au moins de bonne foi, qui a le souci de la vérité et

par conséquent n’invente ni les taits ni les documents. Ceci vaut avant tout pour les événements dont il a clé témoin ou du moins qui lui sont contemporains. Il ne

laisse pas pour cela de faire uuvre de partisan, en lant qu’il donne de la couleur à ses récils ou les exagère. Le jugement sur les Tribulations, 1-3, doit être plus réservé. Ici frère Ange transmet les traditions sur saint Iran çois, sur frère Klic, sur frère Cresccnce de lési. telles qu’elles s'étalent formées dans les milieux spirituels. C’est ainsi qu’Ange est, pour une grande part, les ponsable de certaines légendes sur frère Elle, démen

tics par des sources plus sûres. Mais, même touchant

Elle et Crescence, l’auteur cite des documents qu’on ne peut écarter de parti pris, sans un sérieux examen, et nous n’avons pas hésité à nous en servir dans ce qui

précède. Somme toute, avec la réserve ci-dessus formulée, nous pouvons suivre sa Chronique surtout pour ce qui concerne l’histoire des spirituels proprement dits. I.e même jugement doit être porté sur {'Epistola excusatoria qu’Ange présenta en 1317 à Jean XXI] et où il fait, non sans habileté, sa propre apologie. Il était assez intelligent pour comprendre qu’il ne pouvait s’attendre à un succès quelconque en présentant des pièces falsiliées à l’autorité suprême qui était capable de les contrôler.

Le mouvement des spirituels de la province de la Marche d’Ancône éclata ouvertement en 127 1 à l’occasion du II' concile de Lyon. I ne vague rumeur était arrivée jusqu’aux ermitages franciscains, selon laquelle le pape Grégoire X, d’accord avec le concile, avait l’intention d’attribuer à tous les ordres mendiants le droit de posséder en commun. Il s’agissait sans doute d’un écho confus des discussions sur les ordres mendiants, au cours desquelles le propos signalé par Ange de Clareno avait clé réellement tenu, au moinsau sujet des moniales. I.e canon 23. Mansi. Concil.. t. xxiv, p. 97, sur les ordres fondés après le [V* concile du l.atran (1215), n'était pas de nature non plus à rassurer les religieux. I.e faux bruit fut accueilli très diversement clic/ les religieux franciscains de la Marche. Les uns, et celaient les plus nombreux, étaient prêts à renoncer à la pauvreté absolue, regardée jusqu’alors comme caractéristique de l’ordre franciscain, d’autres au contraire en furent très affectés et même quelquesuns déclarèrent ouvertement qu’ils n’accepteraient

pas un tel décret. Les esprits étaient donc profondément divisés et la séparation se faisait déjà pressentir. Dans la suite, les frères surent qu’il ne s’agissait que d’un faux bruit et la question aurait pu se terminer la. si les amis de la pauvreté absolue ne s'étaient obstinés à déclarer, au chapitre provincial, probablement célébré la même année 127 1, que, dans aucun cas, ils ne se seraient soumis à une décision semblable. Parmi les obstinés se trouvaient un frère Trasniundus, le bienheureux Thomas de l’oient ino. plus tard martyrisé à Tana dans l'île de Salsette aux Indes (dont le culte aété confirmé en 1894), et Pierre de Macerata, dit plus tard Libérât, chef des spirituels des Marches. Le chapitre les condamna tous à être dépouillés de l’habit religieux et à être dispersés dans différents ermitages. L’année suivante les coupables furent cités à comparaître de nouveau devant le chapitre provincial. Après trois jours de discussion sans résultat, un frère Benjamin, qui jouissait d’une grande autorité auprès des deux partis, s’offrit comme médiateur et réussit à ici a blir la paix. Mais celait une paix plus apparente que réelle : les esprits échauffés ne désarmaient pas. Peu après, un nombre considérable de frères se rallia aux idées des spirituels. Alarmes par les progrès du parti rigoriste, les Pères les plus accrédités de la province, cinq ex-ministres provinciaux, se réunirent secrète ment pour délibérer sur la situation ainsi créée pour la province. On en vint à la conclusion qu’il fallait frapper fort pour réprimer un mouvement jugé dangereux à l’union de la province, et qu’il n’y avait d’autre remède efficace quc de procéder par voie de fait contre les principaux fauteurs de troubles, en les punissant de façon exemplaire comme hérétiques et schismatiques. En conséquence, au chapitre provincial suivant, les trois frères mentionnés plus haut. frère Ange de Clareno, qui ici se nomme pour la pic mière fois, et d’autres, dont les noms sont inconnus, furent condamnes à la réclusion perpétuelle et privés (les sacrements de l'Église, de l’usage de tout livre, y compris le bréviaire, ci, à leur mort, de la sépulture ecclésiastique. Les geôliers avaient l’ordre de s’assurer

matin et soir de leurs chaînes, a fin de rendre toute fuite impossible et ils ne pouvaient adresser une seule