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SOTO (DOMINIOI K DK). ŒUVKKS


un laissez-passer ; il demanda que Soto lui fût adjoint. C’est ainsi que ce dernier fut mandé à Yalladolid. Quand il y fut et qu’il eut pris connaissance de l’affaire, il déclara qu’il ne voulait dans la conjoncture collaborer avec personne. On résolut donc de fournir à Cano un autre auxiliaire en la personne de Dominique de Cuevas ; quant à Soto, on essaya de l’utiliser d’une autre manière. Dans la crainte qu’il ne laissât percer la profonde estime qu’il avait de la piété de Carranza, on lui imposa sous peine de censure de « qualifier » le Catéchisme, mais en lui imposant de juger les propositions ut sonant, critère nouveau et absurde, bien digne de procéduriers retors et qui jamais ne s'était appliqué dans l’Inquisition. Tout en protestant de la violence qu’on lui faisait, Soto s’acquitta du rôle qu’on lui confiait et fournit à l’Inquisition la même appréciation que, antérieurement et de manière tout à fait confidentielle, il avait donnée à Carranza luimême, en vue de corriger son texte pour une réimpression. Cette simplicité et cette délicatesse de conscience allaient causer à Carranza un énorme préjudice ; autre chose en effet est de s’expliquer avec un auteur, sous forme d’avis fraternel, pour lui permettre d’amender un texte douteux, autre chose de mettre entre les mains d’un juge d’une évidente partialité des armes contre un accusé. Il est vrai que Soto, au terme de son rapport, rendait témoignage à l’orthodoxie de l’auteur, « de sa rectitude, disait-il, il ne doutait pas plus que de celle d’un ange. » Mais, faisant abstraction de ces réserves, Valdès ne retint que le reste de l’accusation.

Soto avait remis son texte en janvier 1559. Dans les mois qui suivirent, le bruit se répandit que Valdès, utilisant la rivalité entre Carranza et Cano — le premier avait mis son veto à l'élection du second comme provincial — arriverait bien à humilier l’archevêque de Tolède, en condamnant le Catéchisme. Pour dissiper cette rumeur, l’inquisiteur général remit, au milieu de mars, au P. Jean de La Pena, élève de Carranza et très affectionné à son maître, une série de quinze propositions, tirées du Catéchisme, mais sans lui en indiquer la provenance. L’intention de Valdès était évidente. Si on lui reprochait d’avoir remis le sort du Catéchisme aux mains de Cano, il pourrait répondre en s’abritant derrière le disciple préféré de Carranza. Cano sauva l’orthodoxie de l’auteur, comme l’avait déjà fait Soto et comme tout le monde le faisait. Mais l’apparente complicité de Carranza avec ceux qui étaient pour lors détenus à Yalladolid comme suspects de luthéranisme servit de nouveau à l’inquisiteur général pour faire un pas de plus et faire incarcérer Carranza clans les prisons du Saint-Ollicc (août 1559). Ce coup fut profondément ressenti par tous ceux qui connaissaient la profonde piété du primat d’Espagne ; nul n’en fut plus ému que Soto, surtout à cause de la part qu’il pouvait paraître y avoir prise. Ce chagrin empoisonna le reste de ses jours.

Encore qu’il se rendit compte de ce que pouvaient avoir de dangereux quelques phrases du Catéchisme, la disgrâce de son frère, de son compagnon d’armes, dut accélérer sa mort qui arriva à Salamanque le 15 novembre 1560. Dominique Panez qui y assista écrit de lui ces belles paroles : Fuit ejus obitus felicissimus anno Domini 1560, i'> novembris, cui ego ipse interfui, vidique in homine suæ preedestinationis signa non vulgaria, robustissimam fldan summa cum humilitate </< timoré Dei conjunctiim, egrediendique ab hoc sseculo desiderium vehemens. De fl.de, spe et tantale, q, i, a. 7, dub, ti. A ses funérailles assista toute l’Université ; le célèbre poète Louis de Léon, qui avait été son élève, prononça son oraison funèbre en latin — elle fut imprimée à Madrid, 1792. Ses restes furent déposés dans l’ancienne salle capitulaire « lu couvent de Saint Etienne. Son souvenir

demeure dans l’histoire comme celui d’une des plus glorieuses figures qui aient rehaussé l'éclat de l'école de Salamanque. Don Diègue de Covarrubias, évêque de Ciudad-Rodrigo, son contemporain, entre autres éloges, l’appelle : Salmanticcnsis academiainsignis theologiæ professor ; Matamoros le dit unicum ingenuarum artium columen ; Chacon : vir sua létale doctissimus, et le P. Félix Castell Franco : luminare ma jus. La profonde admiration que l’on avait en son temps de la science du théologien de Ségovie s’exprime bien dans une phrase alors courante en Espagne : Qui scil Solum scit totum.

II. Œuvres et doctrines. — 1° Ouvrages d’enseignement. — Parmi les écrits de Soto, ceux qui sont d’origine académique occupent la première place ; ils sont de deux sortes : philosophiques et théologiques.

1. Philosophie.

Les ouvrages de cet ordre constituent un cours presque complet et datent, pour l’essentiel, des années d’enseignement à Alcala (15201521), bien qu’ils aient été publiés beaucoup plus tard. Du fait que Soto a combattu, au commencement de sa carrière, dans les rangs des nominalistes — inter nominales nati sumus, écrit-il, interque reaies enutrili, In Porphyrii Isagogem, q. i — ses premiers écrits reflètent nettement cette tendance. Lui-même le reconnaît et, quoiqu’il s’en éloignât déjà au moment où il préparait l’impression de ses écrits, il jugea qu’il fallait encore sacrifier à la mode du jour pour ne pas détourner la jeunesse de l'étude de la philosophie, ut non simul eradicetur et triticum.

Le cours de philosophie comprend 4 volumes. a) Summulæ (Burgos, 1529) ; b) La logique : In dialecticam Aristolelis, Isagoge Porphyrii, Aristotclis Catégorise, et De demonstratione (Salamanque, 15-13) ; c) Commentaria in libros Phijsicorum (Salamanque, 1515) ; et d) Quæstiones in libros Phijsicorum (ibid., 1545). La l re édition de ces deux derniers volumes a été publiée incomplète, l’auteur étant parti pour Trente avant de l’avoir terminée. Tous ces traités ont été réédités au cours du xvie siècle — au moins une douzaine de fois — et ont servi de manuel dans la plupart des universités espagnoles. Un commentaire sur les trois livres du De anima est demeuré inédit ; il ne s’est pas conservé.

2. Théologie.

Sur les questions t biologiques Soto publia en 1553-1551, à Salamanque, un volumineux traité De justifia et jure qui est devenu classique. Il en donna, en 1556-1557, une autre édition un peu remaniée. Depuis 1 ouvrage a tti ri&dit£ jusqu a vingt-sept fois. Son commentaire sur le 1. IV des Sentences (De sacramentis) a rencontré encore un meilleur accueil, 2 vol., Salamanque, 1557-1558 et 1560, réimprimé au xvie siècle, selon un calcul parfaitement contrôlé, au moins trente-deux fois. Ce commentaire dérive des leçons professées à Salamanque, où l’auteur expliqua la matière des sacrements au moins trois fois, et d’abord en 1533-1531. Il est à noter que, dès ce moment, Soto professait, le premier dans l'école de Sala manque, sa théorie spéciale sur la causalité des sacrements, comme le montrent le ms. 333-166-1 de la bibliothèque île l’université de Scville et VOItob. lot. 1010, qui, bien qu’anonyme, doit lui être attribué, ainsi qu’il ressort de sa coïncidence avec le précédent.

3. Les releetiones.

A côté île cette production académique qui constituait les Icclnnr et formait la base des leçons ordinaires, il faut placer les releetiones, sortes de conférences ou de leçons extraordinaires que chaque professeur titulaire devait donner à raison d’une par cours. Les Releetiones de François de Yitto ria sont demeurées classiques. Contemporaines, au

moins en partie, sont celles de Soto, au nombre de onze ou douze, encore qu’il ne s’en soit conservé en entier que huit. Elles ont pour titre : De merilo Chnsli ; De