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SORCELLERIE. DIFFUSION


farta paclione, ne/arias magicie artis maleficia adhibent. On a remarqué qu' « aucune bulle n’a jamais parlé du sabbat des sorcières », parce que « de pareilles imaginations ne pouvaient rentrer dans le système doctrinal de l'Église. Gardette, art. Magie, col. 1523. Mais l’idée du pacte avec le démon était vraisemblablement dans la pensée des souverains pontifes, comme dans l’enseignement de l'École. On peut dès lors accepter l’appréciation de l’historien Pastor : « Il n’y a pas trace (dans la bulle d’Innocent VIII] de décision dogmatique au sujet de la sorcellerie, » trad. franc., t. v, p. 339 ; mais on doit dire qu’il y a bien un enseignement sur la réalité des pactes dans celle de Sixte V.

On a d’ailleurs, dans le Rituel romain, un document assez autorisé de la croyance de l'Église ; ne lit-on pas encore aujourd’hui dans les conseils aux exorcistes : Jubcat dœmonem dicere an detineatur in Mo corpore ad aliquam operam magicam aut malefica signa ? Avec quelques subtilités on peut encore se débarrasser de ce témoignage ; à chacun de juger si ces arguties ne sont pas excessives.

6. A l'époque actuelle, un auteur qui, par ailleurs, a excédé dans le sens affirmatif, conclut en ces termes : t Croire aux sorciers n’est pas une superstition. Dès lors qu’il y a ou qu’il peut y avoir sorcellerie, il est permis de croire aux sorciers et à leurs sortilèges. Seulement cette croyance peut être plus ou moins mal fondée, en attribuant aux sorciers des malélices auxquels ils sont étrangers et en voyant de la sorcellerie là où il n’y en a pas. S’il y a préjugés ou ignorance dans le peuple, il faut l'éclairer… » Ami du clergé, 1892, p. 739. Sans doute beaucoup de chrétiens instruits, pour se soustraire aux ironies des incroyants, et quelques théologiens sérieux, faussant compagnie à leurs devanciers, professent que la sorcellerie est trop grossière pour avoir affaire avec le démon, ou p„ur que le démon s’en mêle. C’est ce que les croyants, semble-f-il, ne peuvent universellement révoquer en doute. Car le démon n’est point si délicat, ni si paresseux ; et Notre-Seigneur nous demande de prier Dieu pour » qu’il ne nous laisse pas engager dans une tentation [quelconque du démon], mais qu’il nous délivre du Malin. » Matth., vi, 13. Si l’imprudente ironie de quelques rationalistes résout par de simples explications naturelles tous les cas de sorcellerie (cf. Michelet, La sorcière, et maints autres cités par J. Bizouard, Des rapports de l’homme avec le démon, Paris, 1836, t. vi, passim), si d’autres ironisent sur la mystérieuse tolérance de Dieu vis-à-vis des anges déchus, Louandre, Histoire du diable, dans Revue des deux mondes, mars 1842, s’ils traitent de superstition la foi de leurs adversaires, et s’imaginent que le démon n’existe plus qu'à l’Opéra, il reste que Garçon et Vinchon, Le Diable, étude historique, critique et médicale, Paris, 1926, se rencontrent avec les docteurs catholiques qui maintiennent la doctrine traditionnelle fondée sur le sentiment très général des Pères et des théologiens et sur des enseignements exprès de l'Église, qui conserve la pratique des exorcismes.

IV. Diffusion des pratiques de sorcelleiue.

La sorcellerie a fait beaucoup parler d’elle au cours des siècles passés. L’histoire sans doute ne nous renseigne guère sur son efficacité, moins encore sur son caractère démoniaque, parce que les documents qui nous restent, fussent-ils d’ordre judiciaire ou législatif, se basent sur la rumeur publique et non sur des enquêtes sérieuses. Cependant la préhistoire, s'éclairant des données actuelles de l’ethnographie, s’est essayée à démêler les origines de la sorcellerie, peu distincte encore de la science expérimentale à ses premiers débuts. L’histoire des antiques civilisations montre la distinction progressive de la haute magie

et de la magie populaire, ainsi que les emprunts constants de celle-ci à celle-là. La littérature des grands siècles patristiques permettrait de compléter ce qui a été dit précédemment sur le sentiment des autorités ecclésiastiques en la matière. Mais, pour juger du fléau de ces pratiques et des ravages de cette hantise dans les nations barbares converties au catholicisme, rien n’est plus désolant que l’histoire des procès de sorcellerie au Moyen Age et à l'époque de la Renaissance. Nous devrons nous borner pourtant à quelques constatations générales, et parfois à des références.

Chez les primitifs.

La sorcellerie a sa pleine

expansion chez les peuplades primitives ; on y conserve assez vivants les principes qui ont présidé autrefois à l'élaboration de cette superstition. Encore faut-il que l’observateur civilisé obtienne la confiance des indigènes, pour qu’ils veuillent lui confier leurs secrets de clan. On comprend alors que le fondement de la sorcellerie des primitifs, c’est le lien qu’ils conçoivent entre l’homme et la nature : l'âme humaine vient de cette nature, elle en est partie intégrante, elle y retourne ; toutes les puissances animales, végétales, voire minérales, dans leurs activités non comprises, ne sont que les manifestations d’un même dynamisme qui informe tous les êtres. Ce sont ces forces mystérieuses que la sorcellerie s’efforce de capter, pour s’en servir ou s’en garantir. Deux grandes lois président à ses opérations : 1. la loi de similitude ou de correspondance : le papillon, qui folâtre sans but apparent, servira dans un philtre qui donne la folie ; 2. la loi du dynamisme : le sorcier doit prélever les forces qui résident dans les choses à l’endroit et au moment où elles y sont dans leur plénitude : le cœur, la cervelle, la main du guerrier vaincu. Ces forces sont assimilées par le souffle, la parole, le geste, le mimétisme…

Et maintenant, pour prendre sur le fait l’esprit paralogique qui anime le primitif dans la magie sympathique et l’amène à une conclusion fausse, il suffira de citer l’explication que fournit au professeur Malinowski un sorcier renommé des îles Trobriand. « Tu me demandes pourquoi nous mettons de la menthe odorante dans le philtre d’amour, et pourquoi nous couvrons nos corps de noir quand nous voulons attirer les nuages noirs pour faire de la pluie ? Mais l’amour est attiré par les douces odeurs, et nous devons employer de douces paroles et parler de tout ce qui est chaud, fort et tendre, dans nos formules magiques. Nous nous vêtons de noir pour la pluie, parce que la pluie est noire et la couleur noire amène la pluie, comme tu verras les myriapodes noirs traverser les chemins quand la pluie va venir, et les oiseaux noirs voler de tous côtés quand les nuages de pluie se rassemblent. » Cité par J. Frazer, La crainte des morts dans la religion primitive, introduction. D’autres fois, dans des civilisations plus évoluées, une analogie verbale est établie entre des forces vivantes et personnifiées et une force de la nature susceptible d'être ainsi soumise au pouvoir du magicien.

Pour l’ordre d’apparition de la sorcellerie et de la religion, il est important de distinguer la magie naturelle, cjui pourrait bien être primitive dans l’humanité, de la magie à objet religieux. « Le passage de l’une à l’autre est aisé puisque toute les deux se basent sur une causalité occulte et paralogique. Nous admettrions donc que, conceptuellement, il y a magie primaire et indépendante ; que cette magie, lorsqu’elle prend pour objet les puissances surnaturelles, devient le parasite et souvent même le destructeur de tout vrai sentiment religieux. Dans la pratique et psychologiquement parlant, ces magies ne se séparent guère, et de fait la plupart du temps coexistent dans l’homme. » A. ineent, Revue des se. relig., 1938, p. 94. La magie