Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/443

Cette page n’a pas encore été corrigée
2387
2388
SORBONNF.


une réplique des maîtres séculiers et une protestation contre la création des chaires des dominicains et dos franciscains. L’attitude du roi saint Louis en est le plus sûr garant. On connaît sa position très ferme dans le conflit qui mettait alors aux prises les deux éléments de l’Université ; on sait aussi comment il favorisa les ordres mendiants, fit appliquer strictement la sentence de destitution et même de bannissement de Guillaume de Saint-Amour ; fit respecter par l’envoi de ses hommes d’armes les cours des maîtres dominicains au plus fort de la lutte que menaient contre eux les séculiers. Il n’aurait point favorisé de son patronage ni aidé de ses ressources une fondation qui eût pris allure d’hostilité.

Il faut abandonner cette légende ; comme aussi celles qui font de Guillaume de Saint-Amour, Eudes de Douai, Gérard d’Abbeville les premiers associés du collège naissant. Les statuts mêmes de celui-ci réfutent l’allégation, puisqu’il s’ouvrait seulement aux étudiants en théologie tandis que ces séculiers étaient maîtres déjà ; que, pour les deux premiers même, leur carrière se terminait quand s’inaugurait la fondation de Robert.

Ce qui est possible, c’est que l’exemple des ordres religieux ait exercé une influence sur les projets de celui-ci et que le collège procède ainsi d’une pensée d'émulation, non d’une opposition. Il n’existait rien en effet, pour les séculiers, de comparable aux maisons d'étude qui s’ouvraient aux réguliers dans le grand centre universitaire de Paris. Non seulement les étudiants aux facultés des arts, de droit, de médecine ou de théologie trouvaient difficilement gîte et couvert, avaient à se défendre contre l’exploitation de l’habitant chez qui ils logeaient et se procuraient à grand peine les ressources suffisantes à leur entretien, mais, quand ils surmontaient ces obstacles, ils se trouvaient complètement abandonnés pour leurs études mêmes. Officiellement ils devaient s’attacher à un maître dont ils suivaient les cours ; ils s’initiaient sous sa direction ou celle de son bachelier aux disciplines scolaires ; mais à cela se limitait l’aide qu’ils étaient en droit d’attendre. Ni répétitions, ni travail en commun ne leur étaient proposés ; ni locaux, ni bibliothèques mis à leur disposition. Les collèges existant n'étaient eux-mêmes que pensions de famille ou cité universitaire en miniature.

Le but de Robert de Sorbon fut de procurer aux pauvres clercs, étudiant à la faculté de théologie, le soutien d’une vie commune et d’un travail en commun. Et cette idée fait l’originalité de sa fondation. Les clercs formeraient un collège, une communauté. Un règlement suffisamment précis et souple à la fois les défendrait contre eux-mêmes et les soutiendrait. Des possibilités de travail leur seraient olïertes.

Cette pensée hanta assez vite l’esprit de Robert ; car la réalisation de son projet témoigne dés le début — encore qu’elle dût s'étendre sur de nombreuses années — d’un plan soigneusement préparé et parfaitement conçu.

Les premiers achats de terrains, d’immeubles ou de rentes, remontent à l’année 1245 environ. Inlassablement ils se poursuivent pour obtenir une propriété d’un seul tenant. C’est la rue Coupe Gueule (devenue ensuite la rue aux Deux-Portes, la rue aux Hoirs-de Sorbon, puis la rue de Sorbonne) qui est choisie ; et de préférence le côté voisin du cloître Saint-Benoît. Le Cartulaire de Sorbonne (Paris, Bibl. nat., lat. 16 069) transcrit vers 1300 d’après chartes authentiques, comporte 382 pièces, Sur ce chiffre, l il au moins sont au nom de Robert. Un certain nombre <ie transactions sont le lui ! de Guillaume de Chartres, chanoine <le Salnl Quentin, el de Roberl de Douai avec lesquels des le début Robert est étroitement lié pour l'œuvre qu’il

poursuit. Toutes ces démarches et ces achats redoublent en 1254, après le retour de croisade de saint Louis. On a même l’impression que Robert mène alors de front deux entreprises, dont une au nom du roi ; mais que celle de son collège l’emporte.

La reconnaissance officielle, avec les premières donations du roi, ce qu’on appelle parfois la charte de fondation de la maison de Sorbonne, date de février 1257. En 1259 Robert possède une partie considérable des maisons de la rue Coupe-Gueule et le roi l’autorise à fermer de portes celle-ci aux deux extrémités comme pour en faire son fief. En cette année très certainement le collège est fondé et la congrégation des pauvres maîtres s’est installée dans les locaux qu’elle occupera dorénavant. Il se peut que, dès 1253, les premiers étudiants aient été recrutés déjà — car c’est la date cpie la tradition de la maison a retenue comme étant celle de ses débuts — mais logés dans des installations de fortune. Les négociations, achats ou échanges ne cessent pas. Quand Robert mourra, en 1274, presque tout le terrain où s'éleva la première Sorbonne et encore, plus tard, la Sorbonne de Richelieu, lui appartient ; ainsi que de nombreuses maisons sur les deux côtés de cette rue Coupe-Gueule, dans la rue des Maçons et celle des Porrées qui l’avoisinent.

De son vivant déjà des bâtiments nouveaux avaient été construits par ses soins, à côté des maisons qui pouvaient être utilisées telles quelles. Des chambres pour les associés, la cuisine, la chapelle s'élèvent au fond de la cour ; la grande salle aussi et le réfectoire. On avait abattu de vieilles masures, des granges, les écuries de Pierre Pointlasne. « Les escuries deviendront ruches », se serait écrié alors quelque étudiant prophète. Méthodiquement, après sa mort, les travaux se poursuivent comme les achats. Vers 1326 la construction d’une nouvelle chapelle s’amorça ; et sa consécration se place en 1347. Au siècle suivant, viennent les écoles extérieures, en 1470 ; en 1 180 ce fut le tour d’une bibliothèque, dans un bâtiment isolé, entouré de ses portiques, sans parler de maintes reprises, en sousœuvre, des constructions trop vieilles ou trop étroites.

Quand l'œuvre fut solidement assise et logée, Robert obtint pour elle toutes les approbations : du roi, qui la considérait comme sienne et la recommandait au pape Alexandre IV ; du Saint-Siège, de qui arrivent félicitations et encouragements, et même quin 1262) concession de cent jours d’indulgences à qui viendrait en aide au collège naissant ; de l’Université enfin. La Sorbonne ne se dressait pas en face de celle-ci ni en dehors d’elle. Cette congrégation d'étudiants ne prétendait à aucun droit, à aucune chaire (la fondation de la première date de 1532 seulement). Les maîtres es arts qui la composent suivent, comme tous les autres, les cours de la faculté de théologie ; ils fréquentent les écoles de maîtres reconnus par l’Université et se soumettent à tous les règlements scolaires ; ce n'était donc en aucune façon une institution s'érigeant en face de la Faculté OU de l’Université. Plie ne pouvait non plus être ignorée, car elle entendait faciliter à ses membres la fréquentation des cours et la préparation des grades. L’Université, le corps constitué comme son nom l’indique pour prendre soin des intérêts de tous ceux que rassemblent les études à Paris, Universitas magistrorum et scholarium Parisius studentium, ne peut se désintéresser de cet effort. Un document de 1266 (dans Chartul. unit'. Paris., t. I, n. 413) la montre intervenant pour des fondations de bourses faites par Nicolas de 'fouinai, (.'est a elle qu’il appartient, suivant les conditions fixées par le pape Clément IV (23 mais 1268), de veiller à la nomination du procureur. Et c’est à un sage dessein (le ri Iniverslté que, dans sa lettre du 2'2 juin 1262 déjà, l 'rhain IV avait attribué la réussite de cette fondation. Le collège de Sorbonne fut tou-