Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/436

Cette page n’a pas encore été corrigée
2373
2374
SOPHONIE. Al’THENTICITÉ


Malgré sa brièveté, le livre de Sophonie, tout comme ceux des grands prophètes, se compose d’oracles de menace contre Juda et Jérusalem, d’annonces de châtiments contre les nations païennes et de promesses de salut. L’enchaînement des pensées et leur développement logique donne au recueil son unité, bien que, fort probablement, il soit composé de plusieurs discours. Cette unité résulte encore de la pensée dominante du livre, celle du jugement de Jahvé, dont la menace plane sur l’ensemble de la prédication de Sophonie jusqu’au moment où son exécution aura préparé l'ère nouvelle de la restauration messianique, complément nécessaire et inséparable, dans la pensée des voyants d’Israël, des châtiments divins.

Authenticité.

De cette unité de composition,

que n’admettent d’ailleurs pas tous les critiques, peuton conclure à l’unité d’auteur ? Nombreux sont ceux qui ne le pensent pas et qui refusent à Sophonie tel ou tel passage du livre qui porte son nom, pour l’attribuer à une époque plus récente que le vir 8 siècle.

C’est ainsi que la critique de Schwally et de Marti ne laissait guère subsister de l'œuvre primitive que le premier chapitre et quelques versets, 12-15, du chapitre suivant, tandis que les versets 5-Il de ce même chapitre appartiendraient à la période de l’exil et le c. m en entier aux temps qui suivirent. Schwally, Das Buch Ssefanja, dans Zeitschrift fur alttestam. Wissenschaft, 1890, p. 165-240 ; Marti, Das Dodekapropheton, dans Kurzer Hand-Commentar zum A. T. de Marti. Depuis Duhm et surtout Cornill, la critique est en général revenue à une plus juste notion de l’authenticité du livre, dont l’ensemble, à l’exception de quelques gloses et de la fin du recueil, iii, 14-20, est regardé comme l'œuvre du prophète contemporain de Josias.

Si l’authenticité du c. i n’est pas contestée, c’est qu'à lui plus spécialement s’adaptent les considérations tirées de l'état politique et religieux du règne de Josias durant la période antérieure à la réforme. D’autre part l’unité de pensée de ce chapitre, loin d'être contredite par la double menace qu’il formule contre Juda et les nations païennes, s’en trouve au contraire renforcée, car le crime d’Israël, son idolâtrie, n’est que la conséquence de son alliance avec les nations païennes, dont les divinités sont venues prendre place à côté de Jahvé quand elles ne l’ont pas chassé ; c’est pourquoi le châtiment des nations ne sera pas moindre que celui de Juda. Cette pensée sans doute n’est pas nettement formulée, mais elle se dégage des circonstances mêmes de la prédication de Sophonie qui permettent d’en saisire sens et l’opportunité.

Du c. n les trois premiers versets sont parfois refusés au prophète en raison surtout de l’emploi des termes 'anâvlm, les humbles, et 'anâvâh, l’humilité, au sens moral et religieux, qu’ils n’auraient que dans des compositions d'époque assez tardive comme certains psaumes. Étant donnée l’union du ꝟ. 3, où se rencontrent ces expressions, avec les deux versets précédents, on en conclut à la non-authenticité du début du c. ii, d’autant plus que l’idée de repentir qui s’y trouve exprimée comme condition possible de salut ne cadre pas très bien avec tout ce qui précède et ce qui suit sur la menace du jugement. Malgré l’obscurité du ꝟ. 1, dont trois mots sur cinq sont de signification douteuse, l’invitation au repentir en paraît l’interprétation la plus probable ; or, une telle invitation n’a rien d’incompatible avec l’ensemble de l’oracle, puisque le but du jugement, pour Sophonie comme pour les autres prophètes, est non pas l’anéantissement d’Israël mais sa purification par l'épreuve ; l’imminence même du châtiment n’exclut pas la possibilité d’en prévenir les funestes conséquences par le repentir et un retour sincère à Dieu. Quant au terme 'anûuim, littéralement ceux qui se courbent, s’inclinent (devant Jahvé, dans

le cas présent) pour se soumettre à sa volonté contrairement aux impies en rébellion contre leur Dieu, prétendre qu’il faut descendre jusqu'à l'époque de la captivité pour lui trouver le sens de partisans de Jahvé, c’est méconnaître l’emploi de ce mot au sens moral et religieux dans les prophètes antérieurs, Amos, ii, 7 ; vin, 4 : Is., xi, 4 ; xxix, 19. L’idée de Sophonie que, par la pratique de la justice à l'égard du prochain et de l’humilité envers Jahvé, les humbles pourront échapper à l’extermination en vue de jours meilleurs, tandis que les méchants seront anéantis, n’est d’ailleurs pas une idée nouvelle, propre à son oracle ; elle se rencontre déjà dans les messages de jugement chez les anciens prophètes.

Plus discutée encore est l’authenticité du jugement des nations dans les t-4-15 de ce même chapitre, pour la raison surtout que celui-ci ne cadre guère avec l’attitude du prophète dans les c. i et m : »…ce morceau, fait observer L. Gauthier, détourne l’attention du lecteur sur diverses nations païennes et affaiblit l’effet des appels à la repentance adressés à Juda ; on y retrouve de plus la promesse du retour des déportés et des traces de l’influence du second Ésaïe. Aussi plusieurs critiques, même ceux qui admettent l’authenticité de ii, 1-2 et de iii, 1-7, 11-13, rejettent-ils celle de it, 4-15. » Introduction à l’Ancien Testament, 2e édit., p. 517-518. Loin de constituer une anomalie dans l’oracle de Sophonie, le jugement des nations n’est-il pas déjà annoncé à plusieurs reprises dans i, 2-3, 18, dont l’authenticité est généralement admise. S’il se trouve que les voisins de Juda sont spécialement nommés, c’est parce qu’ils ont leur part de responsabilité dans le crime d’idolâtrie de Juda, leurs idoles ayant provoqué jusque dans le temple même de Jahvé la colère divine ; en outre, l’attitude d’Ammon et de Moab envers Israël, dès le temps de l’Exode, ne justifie que trop leur condamnation par le prophète. Ce n’est pas non plus affaiblir l’effet des menaces contre Juda et des appels au repentir que d’annoncer le châtiment des nations voisines car, dans l’intention du prophète, ces oracles contre les nations païennes doivent servir d’avertissement au peuple de Jahvé et la proximité du danger est un stimulant de plus à la résipiscence. Le changement de mètre dans l’oracle contre Moab et Ammon, il, 8-11, où l’on ne retrouve plus le mètre élégiaque de la qînàh, sur lequel est composé l’imprécation contre les Philistins, ii, 4-6, n’est pas davantage une raison suffisante de considérer ce passage comme une addition plus récente, le mètre d’ailleurs ne constitue pas un critérium d’authenticité assez sûr. Seuls les ꝟ. 7 et 9 pourraient être tenus pour des gloses en raison de leur forme et de leur contenu, étrangers au contexte de l’oracle contre les païens. Il n’en va pas de même du t. Il que, pour une raison analogue, la plupart des critiques modernes tiennent également pour une glose. En effet, selon la remarque de J. Calés, « les gloses n’ont coutume d’avoir ni l’originalité puissante de notre passage ni son opulente plénitude de sens. Il est prédit là que l’idolâtrie disparaîtra un jour de l’univers et que toutes les nations se convertiront à Jahvé, sans devoir pour autant ni se joindre à Israël en Palestine, ni venir adorer et sacrifier à Jérusalem, comme tel ou tel oracle messianique, interprété trop servilement, aurait pu le faire croire ; par exemple, 1s., ii, 2, 3 (= Mich., iv, 1-2) ; Jer., iii, 17. » C’est pourquoi l’authenticité de ce verset est à maintenir, mais en le reportant dans un autre contexte, après III, 9, selon l’hypothèse suggérée par ce même auteur et déjà proposée par Huhl, Einige textkritische Jiemerkungen zu den kleinen Propheten speciell zu Zeph., //, 11-14 ; iii, 17-20, dans Zeitschrift fùralttest. Wissenschaft, 1885, p. 182. Dans ce nouveau contexte en effet le t. Il s’enchâsse convenablement, , sinon grammaticalement du moins logiquement, car,