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plus jeune que Luther, il grandit dans une atmosphère encore pleinement catholique et semble avoir eu du penchant à la piété. Il fréquenta d’abord l'école de Liegnitz, puis passa à l’université de Cologne, en 1505, mais en qualité d'étudiant libre. On le trouve, en 1507, à Francfort-sur-lc-Mcin. puis plus tard, à Erfurt. Il étudiait les arts libéraux, la théologie SCOlastique, le droit canonique, un peu en amateur, et sans songer a entrer dans les ordres, car il ne fut jamais prêtre. Vers 1510-1511, il entra au service du duc de Munsterberg, à Gels ; puis du duc de Brieg ; enfin à celui du duc Frédéric II de Liegnitz. vécut de la vie de courtisan, tout en dirigeant l’exploitation de son domaine d’Ossig. C'était une nature idéaliste, un caractère libre et indépendant, un esprit élevé et délicat. Les premiers écrits de Luther le séduisirent, dés 1519, par la condamnation qu’il y trouvait d’une religion tout extérieure et par l’appel à une vie plus profonde fondée sur le contait assidu avec la parole de Dieu. Il semble avoir été imbu des doctrines mystiques de maître Eckart, de Jean Tauler et de l’auteur anonyme de la Théologie allemande. Et c'était l'écho de ces doctrines qu’il croyait entendre dans les oeuvres de Luther. Il ne quitta pourtant la vie de cour qu’en 1522 ou 1523, pour se donner tout entier à ce qu’il regardait comme sa vocation divine. En 1519, il s'était mis à lire la Bible, à raison de quatre chapitres par jour. Il aida puissamment le duc de Liegnitz, son maître, à opérer la « réforme » de ses États, en prêchant lui-même, en agissant sur les membres du clergé et notamment sur l'évêque Jean de Salza. Il trouva un auxiliaire précieux en Valentin Krautwald, Domleklor, c’est-à-dire chanoine-directeur de la maîtrise de la collégiale Saint-Jean, à Liegnitz. Ce fut Krautwald qui lui apprit le grec. Schwenckfeld avait faille voyage de Wittenberg, en décembre 1521 ou au début de 1522. Il y avait pris contact avec Mélanehthon, Bugenhagen, Justus Jonas, Karlstadt, les prophètes de Zwickau, mais n’avait pas vu Luther, alors enfermé au château de la Wartbourg. Il est assez probable qu’il fut déjà choqué par le mélange trop visible d'éléments bons et mauvais, dans le mouvement de la Réforme. Ce qui est sûr, c’est que, dès 1523, il se plaint que l’on remarque peu de progrès moral, parmi les soi-disant « réformés », et que ceux qui se font gloire de l'Évangile n’en mènent pas moins une vie scandaleuse. L’année même où le duc de Liegnitz établissait officiellement la Réforme dans ses États, en 1524, il lui dédia un livre intitulé : Avertissement de l’abus qui est fait de plusieurs articles importants de l'Évangile, dont l’inintelligence conduit l’homme commun à la liberté charnelle el à l’erreur. Ce livre est considéré, par les historiens, comme une source très précieuse d’informations sur l'état religieux et moral, au sein de la Réforme naissante. Luther, de son côté. avail été écœuré de la vulgarité des motifs qui lui a aient amené un trop grand nombre de ses adhérents. Il avail même songé à constituer des groupes séparés de rais chrétiens'. La même idée poursuivait Schwenckfeld, Vers la fin de 1525. ce dernier revint à Wittenberg, Entre lui et Luther se déroulèrent, en présence de Bugenhagen et Justus Jouas, de longues conversations, sur le sujet brûlant de l’organisation de l'Église. ( >n saii que Cah in <U ail affronter, plus tard, le même problème, el [aire un usage sévère de l’excommunication, pour expurger la communauté chrétienne

des membres pourris. Sehwenkfeld l’avait précédé dans celle voie. H proposa à Luther de faire marcher

l’exc munication « de pair avec l'Évangile ». Il

insista sur la nécessité de revenir à l'Église apostolique. Luther concéda que beaucoup de chrétiens étaient indignes de l'Évangile, qu’il y aurait lieu de grouper à pari les bons, d’en l’aire un regisl re soigneux,

de les réunir au « Couvent noir », où il habitait luimême, et de laisser la masse à la paroisse, où un chapelain prêcherait. Il se lamentait sur le manque de charité envers les pauvres. Il n’avait pas pu trouver même la moitié d’un florin pour les indigents ! Mais comme Schwenckfeld insistait sur l'établissement de l’excommunication, Luther lui répondit : Oui, cher Gaspard, mais les vrais chrétiens ne sont pas encore assez nombreux : je voudrais bien en voir seulement une paire ensemble, mais je n’en connais pas un seul ! » Et la discussion en resta là. A partir de ce moment, Luther évolua vers une Eglise de masse retenue par une forte discipline d'État. Calvin, du reste, ne se . ferait pas faute non plus de faire appel à la police, pour le maintien des mœurs et de la pratique religieuse. Schwenckfeld. au contraire, resta fidèle à son idéal désespéré de retour à l'Église apostolique. Entre lui et Luther, la brouille devint complète, quand éclata la querelle sacramentaire, voir Sacramentaire (controverse). Dès le 4 janvier 1526, Luther, après avoir dénoncé, dans une lettre aux chrétiens de Reutlingen, les erreurs de Karlstadt et de Zwingli-Œcolampade, sur la présence réelle, dénonçait Schwenckfeld et son ami Krautwald, sans les nommer « comme la troisième tête de la détestable secte sacramentaire ». Lulhers Werke, éd. de Weimar, t. xix, p. 123. A partir de ce moment, Schwenckfeld fut classé par les luthériens parmi les fanatiques de gauche », les illuminés, les suppôts de Satan. Pour ne -pas créer de difficultés à son duc, il s’exila volontairement en 1529. Rien ne pouvait l’arracher à son rêve d'Église de parfaits chrétiens et il avait écrit en 1528 : Voici qu’un monde nouveau se lève, l’ancien meurt ! Il poursuivit donc son apostolat, au long d’une vie désormais errante et fugitive, à Strasbourg, Esslingen, Augsbourg, Spire, Ulm et en de nombreuses autres villes, critiquant toujours le relâchement des Églises luthériennes, gagnant des individualités énergiques à ses idées, formant de petits groupes partout où il passait, écrivant des lettres, des opuscules, et développant incessamment la doctrine mystique qui va être analysée ci-après. Il essaya, à maintes reprises, de regagner Luther, mais se vit toujours repoussé avec le dernier mépris. La dernière tentative se place en 1543. Voir la lettre très humble et très respectueuse de Schwenckfeld à Luther, dans Luthers Briefwechsel, éd. Enders, t. xv, p. 244-250. Luther repoussa durement les avances du théologien dissident. Il répliqua au messager qui lui apportait la lettre de Schwenckfeld : « Cher homme, tu diras à ton maître, Gaspard Schwenckfeld, que j’ai reçu de toi son libelle et sa lettre. l’Iaise à Dieu qu’il cesse ! Car, il a allumé, en Silésie, un incendie contre le Saint-Sacrement, qui n’est pas encore éteint et qui brûlera éternellement sur Iii, …et voici qu’il y ajoute sa doctrine cutychienne, trompe les Églises, alors que Dieu ne l’a pas envoyé, el ce dément (unsinnig Xarr), possédé du démon, ne sait pas ce qu’il bafouille. S’il ne veut pas cesser, qu’il me laisse la paix avec son bouquin, par lequel le diable crache et l’inm… par son intermédiaire. Et voici mon dernier jugement sur lui : » Que le Seigneur frappe en toi Satan et que i l’Esprit (mauvais) qui t’a appelé, et la course que tu g accomplis, el tons ceux qui son ! d’accord avec toi, « les sacrament aires et les eut vcliicns. avec tous vos i blasphèmes, soient en perdition, selon ce qui est écrit : Ils couraient et je ne les envoyais pas. ils « parlaient et je ne leur mandais rien. (Jérémie, xxiii, 21). « El à sa table. Luther, répétant les mêmes

propos, s’exprima en termes si vulgaires, que dame

Catherine lui cria : « Oh ! cher maître, c’est trop grossier 1 A quoi, Luther répliqua : « Ce sont eux qui m’apprennent à être grossier. C’est ainsi qu’on doit parler avec le diable ! Voir Luthers Tischreden in der