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SOMMES. CLASSIFICATION


des contemporains, quitte à les classer idéologiquement suivant les principaux chefs doctrinaux. Le nom qu’on leur donne demeure hésitant. C’est, pendant la première moitié du xii° siècle celui de Sentences ; bientôt ensuite de Summa ; et souvent aussi de Summa sententiarum, comme c’est le cas pour le fameux recueil étudié par Chossat, la Somme des Sentences, œuvre de Hugues de Morlagne, vers 775.5, I.ouvain, 1923, mais dont l’attribution demeure toujours douteuse.

C’est cette dernière branche, on le devine, qui, se développant, donnera naissance aux sommes proprement dites. Voir à leur propos toutes les études menées autour de l'école d’Anselme de I.aon par Fr. Bliemetzrieder et H. Weisweiler.

L'œuvre littéraire de Pierre le Chantre olTre un exemple intéressant de toute cette première catégorie de sommes-compilations. La notice que lui consacre Albéric des Trois-Fontaines, ad ann. 1197, lui attribue en effet les ouvrages suivants : …hujus habentur libri multi : Magna summa de conciliis et rébus ecclesiasticis ; L’num ex quatuor innovatum ; Yerbum abbreviatum ; Summa de contrarietatibus theologicis ; Quedam glossatura super psalterium et multa alia. Summa que dicitur Abel ipsius nomine intitutatur. La Magna summa… est intitulée parfois aussi : Summa de sacramentis ; avec ses 1C5 chapitres elle se classe dans le troisième des groupes qu’on vient de suggérer ; le Verbum abbreviatum dans le premier ; la (ilossalura super psalterium dans le deuxième ; de même que la Summa Abel. Par contre la Summa de contrarietatibus theologicis relèvera plutôt de la seconde catégorie dont il va être question maintenant.

II. soMMES-ABitÉoÊs.

Quid enim summa est ? Nonnisi singulorum brevis comprehensio. C’est Robert de Melun qui donne cette définition, Summa, t. I, ms.de Bruges, l’Jl, fol. 1. Sans doute est-ce le sens qui se présente le plus spontanément à la pensée. Une somme est un résumé très bref qui retient les traits principaux d’une doctrine ou d’un traité, un compendium. Le nom et la chose reviennent fréquemment dans la littérature du xiie au xive siècle, avec cette signification d’abrégé ou résumé. Abélard dira du Symbole des apôtres, Expositio fidei, P. L., t. clxxviii, col. 619, qu’il contient l’essentiel des vérités de la foi : summa /idei ; ou dans sa Dialeclica, éd. Cousin, p. 229, que son traité contiendra l’essentiel des sept ouvrages alors en usage dans l’enseignement de la dialectique : quorum omnium summam nostræ dialeclicæ textus plenissime concludet. Appliquant cette notion au résumé qu’il entreprend de l’histoire universelle, à commencer par l’histoire sainte, Honorius d’Autun (s’il en est l’auteur) rappelle que sunt namque plurimi qui velul juslas suæ ignorantiæ causas obtendunt dum sibi congeriem librorum abesse ostendunt. His pie consulens de lola Scriptura hoc collegi compendium in quo ad patriam vitæ properanlibus su[]iciens judicavi stipendium. Ht ideo hoc summam totius placuit vocitari cum in eo séries lutins Scripturw videutur summatim notari.

Cette deuxième catégorie d'écrits se caractérise donc par le souci de la brièveté. File entend ne retenir dans ses sommes que les éléments essentiels, les traits principaux de la discipline qu’elles résument.

Sous cette préoccupation commune qui établit entre elles l’unité, on ne peut s’empêcher de percevoir à nouveau des distinctions et des subdivisions comme dans le genre précédent. Certains de ces abrégés en effet — et nous nous en tenons ici aux productions relevant de la discipline théologique ont une tendance doctrinale nettement accusée, d’autres au contraire une tendance d’ordre plutôt moral. Parmi les premiers on rangera non seulement ces exposés catéché tiques qui groupent les principales notions essentielles de la foi chrétienne, à l’usage des humbles, des rudes,

mais aussi tel ou tel compendium qui vise déjà un auditoire plus instruit, encore qu’il n’entende donner qu’un résumé de la doctrine chrétienne, et auprès d’eux les abrégés d’histoire ecclésiastique et ceux d'Écriture sainte.

1° Les sommes à allure morale sont en majorité des manuels à l’usage des confesseurs ou à celui des pénitents ; elles s’intituleront assez volontiers sommes de pénitence. De ces dernières un des meilleurs exemples est fourni parla Summa de pœnitentia magistri l’auli. dont P. Mandonnet a revendiqué la paternité pour Maître Paul de Hongrie, O. P., dans Aus der Geisteswelt des Mitlelalters, t. i, p. 525-544. Composée à Bologne en 1220-1221 pour les frères prêcheurs de SaintNicolas, elle est un vrai manuel de théologie morale, avec ses deux parties dont la première est une Summa de confessione ; la seconde un Tractatus de vitiis et virtutibus, toujours dans le même esprit. Vers le même temps les frères de Saint-Jacques de Paris publient un ouvrage semblable le Flos summarum, commençant par le traité des vertus et des vices et finissant par celui de la confession : explicit summa supra virtutes et vitia cum confessione, noviler composita a quibusdam fratribus Sancti Jacobi, que dicitur 1 los summarum. Paris, Bibliothèque nationale, lai. 16 433, 16 434 et archives de l’Aube, 23. Voir P. Mandonnet, loc. cit., p. 532. Près d’eux Conrad de Teutonie, du même ordre des prêcheurs et lui aussi juriste bolonais, publie une somme de la confession, libellus mulium compendiosus et perutilis pro ipsorum minorum et pauperum erudicione. La difficulté consistera souvent à savoir si les sommes de pénitence assez nombreuses que l’on possède doivent être classées ici ou dans la troisième catégorie dont il sera question bientôt. C’est surtout leur concision plus ou moins grande qui doit permettre de décider.

Sommes doctrinales.

Les abrégés ou résumés

qui visent à donner une vue d’ensemble sommaire de la doctrine chrétienne se rapprochent, pour quelquesuns d’entre eux, du genre catéchétique, encore qu’ils ne procèdent pas par questions et réponses (on aurait pourtant de ce dernier genre, un essai intéressant, dans l'œuvre d’Arnauld de Villeneuve, sous le titre de Dialogus de démentis catholicæ fidei scu alphabetum catholicorum, éd. W. Burger, dans Romische Quartalschrift, 1907, p. 103 sq.). Les autres sont des exposés en général assez impersonnels, où défilent tour à tour les articles du symbole, le Décalogue, les demandes du Pater. les sacrements, les vertus, les dons, les béatitudes, les vices. Tous ne sont pas aussi complets. Le plan qu’on vient de dire est celui d’une somme qui peut servir de modèle à ce propos. Éditée sous le nom de Jean Gerson. elle vient d'être récemment restituée à son véritable auteur, Simon de Hinton, O. P.. par A. 1)ondaine, O. P., La somme de Simon de Hinton, dans Rech. de théol. anc. médiév., t. ix, 1937, p. 5-22, 205-218. File dut être composée vers 1 250-1200. Son prologue en indique bien le but ; il souligne son caractère de compendium et sa méthode de compilation : Ad instructionem juniorum quibus non vacat opusculorum variorum prolixitatem perscrulari, de dictis catholicorum magistrorum luve sequenlia compilala sunt ila eliam, si velii quisque quod suum est subslraherc, pars minima videbitur esse compilatoris. Summatim ergo ponctur expositio articulorum fidei et deeem preceptorum ; se/ilem pelitionum… On pourrait rapprocher de cette œuvre soit le compendium : Omni vita tua. Londres, British Muséum, Arundel 392, qui est de même époque et de même milieu ; soit le Spéculum Ecclesia de saint Edmond Bich, avant 1233 sans doute ; ou de la même école anglaise, la Summa de symbolo et officio sacerdotum, destinée surtout aux prêtres et composée selon un plan à peu près semblable à celui tic Simon de Hinton, par