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SOA NEN (JEAN)

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Il demeure donc dans les mêmes sentiments, qui se

manifestent dans les nombreuses lettres qu’il écrit et qu’il signe habituellement : Jean, évêque de Senez, prisonnier de Jésus-Christ. Il reste très attaché à son diocèse, niais pour blâmer ceux qui ne sont pas appelants, pour louer M. de La Porte son ancien vicaire gênerai, pour qualifier d’intrus ceux que le concile a nommés : en particulier. M. de Salcon qui ne fait que des ravages, et plus tard M. de La Mothe. futurévéque d’Amiens. Il encourage dans leur résistance les religieuse-, de la Visitation de Castellane, les console du départ de la supérieure et de l’exil de six autres, gémit sur celles qui fléchissent ; il leur prouve par l’exemple de saint llilaire. déposé par le concile de Béziers, qu’il est toujours leur évêque légitime. Il écrit constamment dans le même sens à diverses abbesses de l’ordre de Saint-Benoit, aux ursulines, aux religieuses du Calvaire, aux carmélites, aux chartreux réfugiés en Hollande, aux feuillants ; il les félicite tous du témoignage qu’ils ont rendu a la vérité. Il conserve de la sympathie pour l’Oratoire, mais c’est pour encourager deux pères qui ont été exclus parce qu’ils ont proteste contre l’irrégularité du concile ; ceux qui sont blâmés pour avoir appelé sont des persécutés. Il craint bien que l’erreur ne prévale dans l’assemblée générale de 1732. qu’il appelle un conseil de guerre. 22 juillet 1733, Lettres, t. i, p. 561. Le P. de La Tour qui d’abord s'était rangé parmi les appelants et s'était rétracté presque aussitôt, n’est plus qu’un majordome : « Le même homme qui était alors le défenseur de la vérité, se rend aujourd’hui protecteur du mensonge… Ce n’est pas pour l’insulter que je vous parle de la sorte : c’est uniquement pour gémir avec vous sur l’Oratoire, sur toute l'Église qui est aujourd’hui dans le plus triste état où elle se soit vue depuis les apôtres. » Il septembre 1732, p. 519. « Tout ce qui accrédite la bulle ne peut être qu’illusion : elle est essentiellement mauvaise. 14 octobre 1739, t. ii, p. 707.

La conduite contraire est une adhésion à la cause de Dieu, celui qui la soutient le plus vaillamment est M. de Colbert de Montpellier ; un grand nombre de lettres lui sont adressées, il pressent qu’on veut le condamner lui aussi dans un concile à Narbonne : « Vous savez le complot formé, hélas ! par les pontifes de la synagogue contre un défenseur de la grâce de Jésus-Christ. » 26 novembre 1730, t. i, p. 430. Il dit ne pouvoir survivre à la douleur qu’il ressent de sa mort en 1738. 17 avril, t. ii, p. 519. Ceux qui ont exclu cent docteurs de Sorbonne sont ennemis de Sa Majesté, 23 janvier 1731, t. i, p. 440. Il félicite l’auteur des Xouvelles ecclésiastiques, etc. Quant à M. de Noailles qui se soumet le 19 juillet 1728, il est devenu le plus méprisable des hommes. En 1730, après l’avoir fait lire à l'évêque de Montpellier qui l’engage à la faire imprimer, il publie, Lettre de Mgr de Senez sur les erreurs avancées dans quelques nouveaux écrits, in-4° de 86 p., due peutêtre à la plume de M. de Germes. Toujours la même pensée et toujours le même ton : « L’inique sentence d’Embrun avait formé une nouvelle réunion des enfants de la sagesse : les plus intrépides soldats de Jésus-Christ, loin de rougir de mes chaînes, s'étaient assemblés autour de moi en bataille rangée. > Us se dérobent maintenant : « Si je veux parler, la douleur efface presque les paroles dans ma bouche et la tendresse que je ressens pour mes frères me ferait désirer que tout le monde oubliât mes égarements. » P. 3-4. Tout cela, parce qu’ils admettent que le consentement unanime de l'Église n’est pas lui seul règle infaillible. Quelqu’un lui écrit : Réponse a la lettre de M. l'évêque de Senez : « Il est triste, Monseigneur, d’avoir tant d’excès à reprendre dans un écrit qui porte un nom aussi respectable que celui de Notre Grandeur », in-4° de 27 p. Il reçoit encore ces critiques : Jugement sommaire…

Réponse détaillée par M. de Bonnaire, 1737. Il ne veut point admettre l’excuse provenant du manque de délibération : « Il n’y a que les molinistes, et des plus déclarés, qui puissent imaginer une ombre d’excuse dans un premier mouvement qui fait tuer un homme… cela fait voir qu’on veut se conduire par le maudit péché philosophique. » 22 janvier 1732, t. i, p. 492.

En revanche, lui qui rejette les enseignements les plus certains de la foi, accueille avec une crédulité enfantine tout ce qui vient du parti : il croit aux miracles du diacre Paris qui l’a guéri lui-même, il donne de l’importance aux convulsions de Saint-Médard, aux illusions des vaillantistes, au miracle de Moissy. H s’intéresse à tout, au missel et au bréviaire de Paris, à l’histoire ancienne et romaine de Hollin. Dans les réponses qu’il donne, il reste plus gallican que janséniste ; les règles qu’il trace pour la confession et la communion sont celles admises au commencement du xviie siècle ; il cite saint Charles, "le pieux cardinal de Bérulle », saint François de Sales. Lettre xdv, 13 mars 1731, t. i, p. 449.

Non seulement il écrivait beaucoup — 1461 lettres sont datées de La Chaise-Dieu — il recevait beaucoup de visites : on allait le voir avec empressement comme un confesseur de la foi et, pour ses partisans, un pèlerinage à son lieu de réclusion était considéré comme un devoir. Massillon, qui fut évêque de Clermont de 1718 à 1742, de la même congrégation, se mit aussi en rapport avec lui, mais dans un tout autre but ; à l’agitation que Soanen excitait dans son diocèse, il ne répond que par des bontés, l’invitant, si le roi le permet, à profiter de sa maison de campagne de Beauregard, l’engageant à se soumettre : « Plus votre terme approche, plus vous devez examiner devant Dieu si vous ne prenez point le change, s’il est possible que l'Église ait canonisé l’erreur et que vous seul avec un petit nombre d’adhérents soyez le défenseur de la vérité. » 19 janvier 1729. Le 14 février, il ajoute : « Quelle joie de pouvoir os ad os loqui et vous marquer le respect et l’attachement… » Nous ne savons pas si la visite promise a été rendue. Nous n’avons qu’une réponse du reclus, elle est fort triste : « Je me tiendrai avec joie à la règle si sage et si aimable que vous-même m’avez proposée, en me marquant… que vous vouliez conserver avec moi l’union de votre cœur, malgré la différence de vos sentiments, me diriez-vous, et de votre conduite. » Lettre ccxcv, 18 avril 1729, t. i, p. 321. Il resta toujours aussi inaccessible. En 1731, il s'était démis l'épaule, il guérit, mais on le voit préoccupé de la mort : « Notre espérance se soutient par la certitude des promesses ; mais la colère de Dieu qui éclate de toutes parts est capable de nous faire sécher de crainte. » 9 janvier 1937, t. ii, p. 387. Il meurt le 25 décembre 1740 à près de 94 ans, considéré et invoqué par les uns comme un saint et jugé par les autres comme un rebelle. Ces paroles de Massillon à son sujet sont sévères mais justes : « Ce bon vieillard n’entend rien ; il ne perd point de vue son fantôme. Ses correspondants abusent de sa simplicité et la lui grossissent sans cesse, avec des éloges si pompeux sur sa fermeté, qu’il est surpris que nous ne donnions pas tous dans un piège si usé et où il n’y a que des enfants ou des tètes échauffées qui puissent s’y prendre… Je crains fort qu’il n’entre dans sa conduite un peu de complaisance sur les applaudissements du parti et sur le triste spectacle qu’il donne à l'Église. » Lettre du 28 février 1728 à Mgr de Tourouvre, évêque de Rodez.

On a encore de Soanen : Instructions pastorales et mandements que Michaud dit composés en partie par le docteur Boursier ; Lettre au sujet d’un écrit intitule : Vains efforts des mélangistes, 1744, in- 1°, mis à l’Index, 7 octobre 1746, ainsi que Testament spirituel de Mgr l'évêque de Senez en date du 28 mai 1735, confirmé et