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SOANEN (JEAN]


ceux qui nous traitent en étrangers et en ennemis. » F. 21. Enfin, L’instruction pastorale de Mgr l’inique de Senez sur l’autorité infaillible de l'Église et sur lescaractères de ses jugements dogmatiques où, par l’analyse de la joi et par les principes de la constitution de V Église, on répond soit aux objections des prétendus réformés, soit aux difficultés des défenseurs de la bulle Unigenilus, Amsterdam, 1 728, composée, dit-on, par l’abbé Cadry et signée par l'évêque à Castellane, le 1 er août 1 727, en partant pour le concile, a pu faire l’effet d’un véritable défi.

Elle compte 562 pages in-8° et commence ainsi : « Jamais l'Église ne se trouve dans une plus triste situation que, lorsque, attaquée d’un côté par des guerres étrangères et agitée de l’autre par des guerres intestines, elle a à se défendre tout à la fois et contre les entreprises de ses enfants et contre les efforts de ses ennemis. C’est l'état où nous sommes depuis la constitution Unigenilus. » Il légitime devant ses fidèles la conduite tenue par lui dans cette affaire : « C’est par soumission pour l'Église qu’on refuse de se soumettre à la bulle. » P. 105. Ses défenseurs zélés admettent de nouveaux dogmes ; pour qu’il y ait une décision et un jugement de l'Église, surtout pour qu’il y ait un dogme, il faut qu’il soit accepté par le consentement universel, c’est au concile qu’il appartient de réaliser cette universalité. Les textes des Pères, détournés de leur vrai sens, sont apportés en preuve et Soanen conclut : « Attentifs à ne point perdre de vue les premiers principes de la foi, vous n’aurez garde de placer au rang de ses décisions solennelles ce nouveau décret, dont la doctrine est contredite par ceux-mêmes qui le souscrivent… Loin d’appréhender, en refusant d’accepter la bulle, de vous opposer à l’autorité, vous craindrez à plus juste titre de vous en écarter en l’acceptant, puisqu’en résistant à ce décret on ne résiste point à une décision de l'Église, au lieu qu’en s’y conformant, on contredit la tradition. » P. 547-548. Il ne craint point de braver a la foudre préparée pour écraser quiconque oserait lever la tête ». P. 551.

Le concile se réunit à Embrun, métropole de Senez, le 16 août 1727, sous la présidence de l’archevêque, M. de Tencin ; Soanen était arrivé le 1 1 ; par un acte passé devant notaire, il déclare le concile Incompétent. Les députés confirment d’abord la constitution Unigenilus et posent ensuite les conditions à remplir pour approcher aux ordres, etc. Mais la grande affaire est celle de l'évêque de Senez : il commence par refuser le serment d’adhésion à la Constitution ; on dénie alors à ses théologiens le droit de parler ; le 17 août, il fait siennes les affirmations de son instruction pastorale qu’il reconnaît n’avoir pas écrite lui-même. On invite les évêques des provinces voisines. Le 20, des démonstrations lui sont faites qui demeurent inutiles ; le 23, il écrit au roi pour demander la liberté de défendre sa cause ; le 27, il proteste par une lettre aux évèqucs contre l’impossibilité où il est mis de faire valoir ses droits : le concile, malgré cela, se reconnaît compétent pour le juger. Après trois sessions de plusieurs congrégations privées ou publiques, après trois citations à comparaître, après trois monilions, la sentence est rendue le 20 septembre : 1. Son Instruction pastorale du 28 août 1726 est condamnée, comme contraire aux lois de l'Église et de l'État, pernicieuse, tendante à fomenter des erreurs déjà condamnées ; 2. L'écrit en forme de lettre daté du 15 juin 1727, lu par lui-même en plein concile et déposé s-ur le bureau, est regardé comme téméraire, scandaleux, pernicieux, injurieux au .Saint-Siège et au cierge de France ; 3. Il est défendu aux fidèles du diocèse de Senez et de la province ecclésiastique d’enseigner la mauvaise doctrine contenue dans l’Instruction pastorale et les autres écrits qui la favorisent, d’imprimer, de vendre, de lire et retenir (liez soi les livres qui la renferment, sous peine d’ex communication ; 4. M. de Senez est interdit et suspens de toute juridiction et des fonctions épiscopales et sacerdotales dans son diocèse et partout ailleurs jusqu'à ce que, par une rétractation authentique, il vienne à résipiscence ;.">. l.e concile nomme à Senez un grand vicaire, un officiai, un promoteur et tous officiers nécessaires pour le gouvernement du diocèse, autres que ceux qui ont été établis par l'évêque déposé ; 6. Il sera pris sur les revenus de l'évèché de Senez un tiers pour fournir aux frais de l’administration du diocèse ; 7. Le grand-vicaire fera biffer des registres de l’offlcialité l’instruction pastorale et obligera les membres du clergé, qui ne l’ont pas fait, à signer purement et simplement le Formulaire.

Soanen a prétendu qu’il n’avait pas eu la liberté de se défendre. M. de l.a Mothe, grand vicaire d’Arles, plus tard évêque d’Amiens, qui a assisté trois semaines au concile, affirme « qu’il a joui, lui et tout ce qui lui appartenait, de la même liberté qui était accordée au reste du concile » ; il recevait et écrivait toutes les lettres qu’il voulait. Il fut condamné après une étude approfondie et une enquête très sérieusement menée : « Quinze juges assistés de plus de vingt docteurs n’ont eu qu’un même sentiment sur cette affaire… Dire… qu’ayant appelé au concile universel avant la tenue du provincial, il ne pouvait plus être jugé par celui-ci, c’est une évasion aussi frivole qu’elle va jusqu’au ridicule… On ne peut, ce semble, porter de lui que cette alternative de jugement peu favorable à un evèque qu’il a manqué ou de fermeté ou de lumières ou de sincérité. » Réponse du 10 octobre 1727, aux questions posées par un ecclésiastique.

Les membres du concile se séparèrent le 28 septembre après avoir écrit au pape Benoît XIII qui répondit de sa propre main le 25 octobre. Les actes du concile d’Embrun et un grand nombre de pièces le concernant ont été réunis en deux gros volumes in-4° ; en voir le détail à la bibliographie.

Réclusion à La Chaise-Dieu.

Il fut ordonné à

Soanen de rester à Embrun pour attendre les ordres de la cour ; un arrêt du roi qui l’envoie à La ChaiseDieu lui est signifié le 2 octobre : « Je ne pouvais guère espérer une plus douce destinée ». Lettre ci.xix. 2 octo bre 1727. Il part le 13, écrit de Grenoble à l’archevêque d’Embrun, rend visite à l’archevêque de Lyon qui l’invite à dîner et arrive le 21 où Dieu nie destinait par la main des hommes mal intentionnés et où il m’appelait par miséricorde pour m’inviter à la pénitence. » Lettre c.i.xxiv. p. 198. Autant que son âge le lui permet, il suit les exercices de la communauté : « L’intention du roi est que le prieur empêche absolument que je ne dise la messe. Ce coup est plus rude que les précédents. » Lettre c.i.xxvii, 1 novembre, p. 201. Le 23, il écrit : « Jamais je n’ai demande pardon à M. d’Embrun. Mais je lui ai bien dit que je lui pardonnais chrétiennement l’injure affreuse qu’il m’a faite. » F. 205. Toutefois, il se plaint à l'évêque île Bayeux de l’injustice qu’il a subie : « Non seulement on ne m’a rendu aucune justice, mais on a même arrête le parlement de Rouen qui était prêt à me la rendre. » (i décembre. Il revient aussi sur ces iniquités en remerciant M. Du Perray, doyen des avocats du parlement de Paris. 23 novembre, et les autres avocats, 5 janvier 1728 : On verra avec élonnement loules les injustices de la procédure d’Embrun. » Douze évêques écrivent au roi en sa faveur, mais le cardinal de Fleury fait renvoyer la lettre ; Soanen repond à l’un d’eux : i J’ai été moins touché des Injustices qui ont été commises contre ma personne par les prélats d’Embrun que des outrages dont ils ont iléiii l'épiscopat. 27 mars 1728. p. 2 17. En 1731, quarante avocats de

Paris donnent une consultation en sa faveur et sont désavoués par les évêques.