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SMARAGDE


Le fait notable que la Chronique a retenu, parce qu’il est indiqué sur l'épitaphe et dans les diplômes de Louis, est la translation du monastère, élevé sur une collint'. assez mal commode pour le ravitaillement en eau : Smaragde établit un autre monastère dans la vallée, près de la Meuse ; l’ancien resterait occupé par quelques moines et il servirait de cimetière pour la communauté, c’est ainsi que lui-même y fut inhumé. Cette translation se place aux environs de 819, ainsi qu’en témoignent les diplômes de Louis le Débonnaire destinés à l’autoriser. /'. /… t. eu, col. 975 sq. ; Mabillon, o/i. tit.. p., 'iV>. Un autre détail d’ordre biographique est fourni par deux lettres publiées par Dummler, Mon. Germ. hist., Epistolæ, t. v, p. 2'. »  » sq. et qu’on trouve aussi dans /'. L., t. evi, col. 8(> : { et 805. Ces lettres sont rédigées en commun par Frothaire, évêque de Tout, et Smaragde, abbé de Saint-Mihiel : adressées à Louis le Débonnaire, elles se rapportent à un arbitrage exercé par ces deux prélats entre les moines de Moyenmoutier et. leur abbé Hismond.

Antérieurement, le concile d’Aix-la-Chapelle de 809, auquel Smaragde prit une part active dans la question du Filioque, et un autre concile d’Aix, en 817, relatif à la réforme monastique, nous fournissent deux autres dates pour l’activité de Smaragde, et c’est tout : Smaragde était donc abbé de Saint-Mihiel au moins en 809, et il mourut après 825.

L'œuvre écrite de Smaragde n’est pas très abondante, mais elle est intéressante au triple point de vue des lettres, de la spiritualité et de la théologie.

1° Avant d'être abbé, Smaragde avait élé chargé d’enseigner la grammaire à ses « frères » ; il expliquait Donat, le manuel classique, et les frères prenaient des noies ; pour leur faciliter le travail, il rédigea lui-même son cours en forme de commentaire du manuel, chaque partie étant précédée d’une pièce de vers assez curieuse relative au chapitre a étudier. Ce commentaire eut un grand succès au Moyen Age ; il est encore inédit, mais les manuscrits en sont nombreux : on en trouvera la liste dans Dummler, Mon. Germ. hist., Poetee, t. i, p. <'><>> sq. ; notons seulement les ms. lai. 13 029 et // 089 de la Bibliothèque nationale, tous deux du ie siècle et provenant de Corbie : Mabillon en publia seulement l’introduction, dans laquelle l’auteur nous explique comment il a préféré prendre ses exemples dans les écrits des Pères ; toutefois il n’a pas cru qu’il lui lui interdit d’utiliser les auteurs païens. Tous les prologues en vers ont été publiés par Dummler (pp. cit., p. 606).

2° Sans doute Smaragde était-il déjà abbé lorsqu’il écrivit un petit traité de l’institution d’un prince, intitulé : Via regia. Il y parle avec autorité a un prince, lui donnant des conseils de pieté, de justice et, d’une

façon générale, L’initiant aux vertus chrétiennes, Ce

prince ne peut être que Louis le Débonnaire. 1 LAclicrv qui publia pour la première lois un ms. de cette œuvre (Spicilegium, éd. de lôtil) se demande s’il s’agit de

Charlemagne ou de Louis le Débonnaire et il penche plutôt pour ce dernier. Dummler s'était d’abord décidé pour Louis, puis sous l’influence d'1 lauréau, il se rallia a Charlemagne, Mon. demi. hist.. Poetee, i. i. p. 605, puis Epistolæ, l. iv, p. 533. En fait, il n’est pas douteux que l'œuvre soit dédiée a Louis : celui ci, très jeune encore, avait été couronne et sacré par le pape, a Rome, le là avril 781, et il était devenu roi d’Aqui lame sous l’autorité de smi père, or, dans le petit

traite de Smaragde, le roi est souvent qualifié de mitissime rex, ce qui restera le surnom « le Louis ; on lui rappelle : adhuc te parvulum rex regum adoptavit m fllium… ! < nl> infantia regem clamitant regemque confit mant, /'. /… t. en, col. 933 BC ; il est destiné a gou verner de nombreux royaumes, situation plusvralede

la jeunesse de Louis.pie de celle de (.balles

3° Ce fut l’exercice même de sa charge abbatiale qui incita Smaragde à composer son Diademu monachorum et son Lxpositio in regulam sancti Benedicti. Le premier ouvrage énumère sans suite bien logique cl un peu au hasard, dirait-on. les vertus qui doivent briller dans un vrai moine et le parer comme un diadème. Le genre est celui des Cotlationes : la règle monastique prévoit qu’au début de l’après-midi les frères se réuniront pour entendre lire des pensées ou des exemples de la vie des Pères, notre auteur a donc composé un recueil sur toutes sortes de sujets pour une durée de cent jours. L’Expositio in regulam se place après le concile d’Aix-la-Chapelle de 817, que plusieurs passages rappellent ; le commentaire est simple, littéral, précis, composé pour des religieux de qualité moyenne ; il est intéressant à consulter pour qui veul se faire une idée de la vie monastique au temps de Louis le Débonnaire et de l’influence exercée par la reforme de saint Benoît d’Aniane. Ces écrits monastiques de Smaragde furent assez répandus ; on en trouve des passages incorporés à bien des traités composés à l’usage des moines et des moniales, témoin cette sorte d’encyclopédie monastique qu’est VHortus deliciurum de l’abbesse Herrade de Landsberg, abbesse de Sainte-Odile, morte en 1195.

4° Un dernier écrit relatif à l’activité abbatiale de Smaragde est celui qui nous est parvenu sous le litre de Collecliones in epislolas et evangelia, ou encore de Liber comitis. « On appelle eûmes ou lectionnaire, au Moyen Age, écrit dom Cabrol, un recueil qui contenait les épîtres et les évangiles de la messe et qu’on appelle aujourd’hui épistolier et évangeliaire. Alcuin est l’auteur d’un cornes… » Les écrits liturgiques d' Alcuin, dans Jievue d’Hist. eccl., t. xix. 1923, p. 507. En gros on peut dire que Smaragde suit l’ordre d’Alcuin, le titre exact de son ouvrage serait plutôt : In Li bruni comitis ; c’est en effet un recueil de textes patriotiques destinés a commenter les épîtres et les évangiles des dimanches de l’année, des principales fêles du temps et de quelques saints ; l’auteur dans son prologue enuinère tous ceux qu’il a utilisés, ils sont très nombreux et montrent cpie Smaragde a beaucoup lu ; nous trouvons là un exemple de plus de cette érudition palristique des théologiens du IXe siècle qui ouvre la voie aux florilèges et recueils de sentences des siècles postérieurs.

5° Il fut donné à Smaragde d’appliquer son érudition à l'étude d’une question particulière, lors de la controverse du Filioque. Ou sait comment naquit cette affaire : depuis longtemps en Espagne et en Lrancie, l’usage s'était introduit (le chauler à la grand’messe le symbole de Nicée-Constantinople ; dans la partie concernant L’Esprit-Saint, Espagnols et Francs (ban taient : qui ex Paire Filioque procéda ; le texte de NlcéeConstantinople porte au contraire : ex Pâtre procédai tenu ciim l’aire et Filio adorandum. Des Orientaux entendant les moines francs du mont des Oliviers chanter le symbole à la manière banque protestèrent contre cettelnnovation. Charlemagne convoqua l'épls COpat franc a Aix en 809, pour un concile dont Théodulfe, évêque d’Orléans, et Smaragde axaient été chargés de préparer les lra aux. Ce dernier tait figure de secrétaire

el de rapporteur, d’abord au concile lui-même, dont il ré

digea les conclusions sous la tonne d’une lettre de Char lemagne au pape Léon 1 1 1, puis lors de la légation qui suivit. quand Jessé, évêque d’Amiens, Bernaire, évêque

de Worius et Adhalard. abbé de Corbie, furent eno

> es avec lui même auprès du pape pour terminer la question, outre la lettre de Charles. Smaragde rédigea le compte rendu du dialogue qui se tint entre le pape et

les aussi Les actes mêmes du concile ne nous ont pas

élé conservés ; de La let t re de Charlemagne. nous avons seulement la partie proprement théologique, ce qui est l’essentiel d’ailleurs ; le dialogue recueilli par Smaragde