Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée
2131
2132
SIMON LE MAGICIEN


Incompatibles. Le monde gréco-romain connaissait lui aussi de ces « faiseurs de prestiges », qui, sincères ou Hun, se présentaient comme des porte-parole de la divinité. Ne jugeons pas trop vite les gens et les choses d’autrefois d’après nos idées et nos expériences d’aujourd’hui.

Cet épisode raconté, le livre des Actes se tait entièrement sur Simon. Aucun autre écrit du Nouveau Testament n’y fait allusion. Il en est de lui comme du magicien Élymas qui apparaît un instant dans l’histoire des missions de saint Paul pour s’évanouir aussitôt. Act., xiii, 8-12.

Justin.

Originaire de Flavia-Néapolis (Naplouse),

Justin, bien qu’il ne soit pas Samaritain de race, paraît en savoir plus que les Actes sur les destinées ultérieures de Simon. Il sait que « Simon le Samaritain, du bourg de Gitthon, est venu à Rome sous le règne de Claude, qu’aidé par les dénions il y fit des prodiges de magie », à telles enseignes qu’on le prit pour un dieu et qu’il eut sa statue dans l’île du’libre, avec cette inscription latine : Simoni Deo sancto. Il sait aussi que presque tous les Samaritains et quelques hommes d’autres nations le reconnaissent et l’adorent comme le premier dieu. « Une certaine Hélène, ajoute-t-il, qui l’accompagnait alors dans toutes ses courses et qui avait vécu d’abord dans une maison close, passe pour être sa première expression (sa pensée, ëvvoia). » De Simon, Justin rapproche son disciple Ménandre, un Samaritain lui aussi, chef d’une secte qui subsistait encore à Antioche, et même Marcion, mais sans le donner comme le descendant spirituel de Simon. Du moins celui-ci fait-il figure de chef de file de tous les hérétiques postérieurs. Apol., I, xxvi. Un peu plus loin, c. i-vi, Justin renouvelle les mêmes attaques et demande la destruction de la statue en question. Le Dialogue, c. cxx, résumant ce qui est dit dans l’Apologie, rappelle que Justin a essayé de convaincre d’erreur les Samaritains, qui voyaient en Simon un Dieu supérieur à toute principauté, à toute vertu, à toute puissance, ôv ŒôvÛTrepàvw 7t<xcT7]ç i.î’/^ç y.y-i èço’jtnaç xal 8uvà[i.Ea>< ; elvai Xsyouai.

Il faut au moins retenir de tout ceci l’influence que Simon aurait exercé en Samarie, où il aurait été l’objet d’un culte véritable. I.e « magicien » du livre des Actes, dont on disait déjà de son temps qu’il était la « grande vertu » de Dieu, s’est donc mué, soit avant, soit après sa mort, en un dieu. Sans doute, Justin pourrait bien exagérer quand il fait de cette persuasion une idée commune à < presque tous les Samaritains ». Mais il faut néanmoins admettre l’existence d’une secte samaritaine, à diffusion plus ou moins grande, qui se réclame d’un Simon (lequel ne peut guère être un autre que celui des Actes), et qui lui associe une sorte de déesse parèdre en la personne d’une certaine Hélène.

Quant au séjour que Simon aurait fait à Home, l’affirmation de Justin est beaucoup plus difficile à recevoir. Si elle repose exclusivement sur la rencontre faite par le philosophe d’une statue érigée a Simon dans l’île du Tibre, elle est de nulle valeur. Car la statue vue par Justin a bien été retrouvée, à la Renaissance, à l’endroit même indiqué par celui-ci : mais l’inscription, lue de travers par Justin, la restitue

i Si Mu m SaNCO I >E0, une vieille divinité Sabine, alors

que le philosophe a lu Simon i Deo Sancto. De ce chef, le témoignage de Justin se trouve gravement compromis. Bien qu’on ait voulu le sauver, eu prétendant que Justin connaissait par ailleurs la venue de Simon a Rome, nous pensons qu’il vaut mieux ne pas y insister. De ce chef tout un chapitre de l’histoire ecclésiastique est frappe de suspicion, c’est celui qui se rapporte à la lutte entre Pierre et Simon le Magicien a Home.

Les légendes des Actes apocryphes.

Nous groupons

sous ce titre non seulement les Actes de Pierre sous leurs différentes formes, voir Supplément an Dictionn. de la liible. t. i. col. 496 sq., mais encore les récits qui, à une date plus tardive, se sont incorporés dans les romans clémentins. Voir ibid., col. 514 sq. et cf. Revue des sciences religieuses, t.xii, 1932, p. 222238. Sous leur forme la plus ancienne, les Actes de Pierre pourraient être de la fin du iie siècle. C’est un peu plus tard que se sont formées les légendes que nous appellerons les Clémentines.

Les Actes de Pierre, dont l’origine orientale n’est guère contestable, continuent, somme toute, l’épisode des Actes canoniques rappelé ci-dessus et la narration du conflit entre l’apôtre Pierre et le magicien Simon. l’eut-être signalaient-ils une deuxième rencontre des deux hommes à Jérusalem ; cf. L. Youaux, Les Actes de Pierre, p. 33 sq. ; p. 320 sq. : mais il nous en reste surtout la partie qui traite de la lutte engagée à Rome entre Pierre et Simon. Ces principaux épisodes, qui se sont incorporés d’assez bonne heure à l’histoire traditionnelle, en sont bien connus. Nous n’avons pas à les rappeler ici. Retenons que le portrait qui est tracé de Simon est sensiblement le même que nous avons trouvé dans Justin. L’adversaire de Pierre apparaît avant tout comme un redoutable sorcier ; c’est par ses prestiges qu’il détache de la foi la jeune communauté romaine : finalement c’est en cherchant à réaliser le plus difficile de ses tours qu’il est victime d’un pouvoir supérieur au sien. Mais en même temps, et conformément aux Actes canoniques, Simon se donne comme une vertu de Dieu, et s’attribue une épithète que nous retrouverons. Dans le discours final où il promet de s’élever au ciel, il dit en effet : « Demain, vous abandonnant, hommes très athées et très impies, je volerai vers mon Dieu, dont je suis la Force, quoique affaiblie. Pendant donc que vous, vous êtes tombés, voilà que je suis le Constant, 6 éaTtôç, et je retourne vers mon père et je lui dirai : « Moi aussi, le Constant, « ton fils, ils ont voulu me faire tomber ; mais, ne me « laissant pas faire par eux, je me suis repris d’un élan « en arrière. » Actes de Pierre, c. xxxi, Youaux, p. 107. Le progrès de la pensée est notable par rapport à ce qu’on lit dans les Actes canoniques et les rapports entre le Dieu suprême et Simon sont précisés : il se dit fils de Dieu, et se donne l’épithète de Constant.

Or, c’est très exactement le même portrait de Simon que l’on retrouve dans la partie des romans clémentins relatant la lutte entre Pierre et Simon, mais cette fois dans les villes de la côte syrienne. C’est en première ligne comme un magicien, et plutôt malfaisant, que Simon apparaît ; en particulier comme un redoutable nécromant capable d’aller jusqu’au crime. Voir Hom., ii, 32, P. G., t. n. col. 100 ; Hccogn., ii, 9 ; iii, 44-48 ; iii, 63, etc., t. i, col. 1252, 1302 sq., 1309. Mais les passages ne manquent pas où il se donne aussi comme un être du monde transcendant et s’attribue à lui-même cette épithète de stans, écttcÔç, ipie nous avons déjà relevée. Voir Hccogn., i, 72 ; ii, 7, 11. t. i, col. 1240. 1251, 1253 ; Hom., ii, 22, 24, t. ii, col. 89, 92 ; noter SUTtOUl l’expression : fllius Dei stans m seternum, Recoan., ni, 47, t. i, col. 1303. Et Pierre lui en fait précisément grief, Hom., xviii, G, 7, t. ii, col. 107, en déclarant qu’il le convaincra sur ce point de mensonge. Comme les Actes de Pierre, d’ailleurs, les romans clémentins savent un séjour de Simon à Home ; cf. Hccogn., m. 03, t. î, col. 1309 ; mais, chose à quoi ne font point allusion les Actes apocryphes, ils connaissent, tout comme Justin, l’histoire de cette Hélène que Simon promène partout et qu’il fait passer pour une incarnation d’un être céleste. Nom., ii, 25, t. n. col. 93. Pourquoi les Actes apocryphes, du moins dans la partie qui nous est conservée, n’en font-