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SIBYLLINS LIVRES


le nom, l’origine, la carrière mortelle du Christ ; t. II, du v. 239 à la fin, la description du jugement dernier par le Christ venant en majesté. On s’accorde d’ordinaire à dater du milieu du m siècle le remaniement qui a amené le texte à l'état actuel. Le t. VI, hymne au Christ, a été considéré par heaucoup de critiques comme d’origine gnostique ; c'était une raison pour le remonter au ir siècle Mais ce gnosticisme ne nous parait guère assuré et il vaudrait mieux rabaisser d’un siècle la composition de ce texte, qui est cité pour la première fois par I.actance. On en dira autant du t. VII, pour lequel on a proposé le milieu du n c siècle, à « anse du gnosticisme qui y transparaîtrait A coup sûr, le rite domestique décrit v. 76-91 est assez étrange et un peu inquiétant, mais il n’y a rien là qui soit spécifiquement gnostique. Avec Harnack on préférera, en l’absence de toute citation ancienne du livre, s’en tenir au milieu du nie siècle. Pour ce qui est du I. VIII, si l’on fait abstraction de la première partie (v. l-12t>). on se trouve en présence d’un texte nettement chrétien et il y aurait intérêt à étudier d’un peu près les idées qui y sont développées sur l’unité divine, le rôle créateur du Verbe et son apparition dans le temps. Il ne saurait faire de doute que cette partie soit de la deuxième moitié du IIIe siècle. Provenant d’une époque où les productions authentiques n’abondent pas. cette pièce peut jeter quelque lumière sur l’histoire des doctrines. C’est ici que I.actance et Commodien ont surtout puisé.

Nous avons dit le peu d’intérêt que présente, au point de vue de l’histoire des idées, la série des livres l XIV. Quelques allusions au Christ, dont la naissance est rapportée au règne d’Auguste, t. XII, v. 3036, cꝟ. 232, la manière dont les empereurs romains sont caractérisés surtout d’après leurs dispositions à l’endroit du christianisme (voir pour Dèce, t. XIII, v. 81-87), ont fait penser que l’auteur, tout au moins de tes deux livres, était chrétien. Mais l’idée d’interpolations chrétiennes dans une composition juive ne saurait être exclue. De toutes façons, l’ensemble, assez homogène, pourrait être du début du IVe siècle.

III. Influence.

Ces résultats, plus ou moins certains, de la critique littéraire ont été surtout obtenus dans les premières années du xxe siècle. Un autre travail s’imposerait maintenant. Il faudrait, ayant sérié chronologiquement les différentes parties de l'œuvre, étudier les divers aspects de la pensée religieuse qui s’y expriment.

Il ne semble pas que la considération des morceaux spécifiquement juifs doive apporter grand 'chose de nouveau. Les idées apocalyptiques, le thème du messianisme temporel, ne tranchent guère avec ce que nous connaissons très amplement par les apocryphes de l’Ancien Testament, La critique du paganisme, la démonstration de l’unité divine se retrouvent, et beaucoup mieux conduites, dans le Contra ApiOTiem de

Josèphe.

L’effort devrait porter principalement sur les morceaux d’origine certainement chrétienne, où il conviendrait de relever les données relatives a la doctrine sur Dieu, la Trinité, l’incarnation et surtout L’eschatologie. Les auteurs chrétiens qui oui remanié les Oracles sibyllins n'étaient pas, a coup sûr, de grands clercs ; il j aurait Intérêt a savoir ce que l’on disait, ce que l’on pensait, dans des milieux demi cultivés et sans doute t rès laïques, des grandes Vérités chrétiennes. On aurait ainsi un pendant a la théologie populaire que révèlent

les apocryphes du Nouveau Testament, continués par les Gesta martyrum. Ce travail a d’ailleurs été amorcé, il y a pics d’un siècle, par les belles études de C, Alexandre, qu’il Suffirait de prolonger.

Quant.i l’influence que les Oracles sibyllins ont pu

avoir sur le développement de la pensée chrétienne.

elle mérite aussi d’attirer l’attention. A en juger par les abondantes citations qu’ont faites des oracles d’origine juive les premiers apologistes, on voit combien leur a paru séduisante l’idée que le monde hellénique et barbare n’avait pas été absolument imperméable à la révélation. Ceci complétait une autre conception qui leur était chère et selon laquelle le meilleur de la sagesse grecque était un emprunt plus ou moins direct aux livres inspires que possédait le judaïsme. Si donc les Oracles sibyllins n’ont pas fourni d’idées religieuses aux apologistes, du moins ont-ils eu quelque influence sur leurs méthodes et sur leur manière de comprendre le prosélytisme. Ces remarques valent surtout pour Théophile d’Antioche et Clément d’Alexandrie.

lu siècle plus tard, quand les Oracles sibyllins se seront profondément christianisés, I.actance y puisera d’abord une partie fort importante de sa démonstration chrétienne ». Voir ici art. Lactance, t. viii, surtout col. 2436-2437 ; on méconnaîtrait un des aspects essentiels de son apologétique, si on laissait de côté l’argumentation de cet auteur qui prend son point de départ dans les oracles de la Sibylle. Les données proprement théologiques empruntées par lui à cette source sont moins importantes ; on ne saurait démontrer que le professeur de Nicomédie doive aux Oracles sibyllins les vues si contestables de son angélologie. Mais l’eschatologie est chez lui en dépendance fort étroite de ce recueil, où Ton a vu qu’elle occupait une plue si considérable. Tout autant faut-il en dire de Cominodien. Somme toute, c’estsurtout comme prophétesse du dernier jugement que la Sibylle a gardé quelque place dans la tradition théologique et surtout dans l’imagination populaire. Si, au plafond de la chapelle Sixtine, les diverses sibylles figurent encore dans le voisinage des prophètes de l’Ancien Testament, on ne saurait dire que la théologie de l'École leur ait accordé une attention considérable. Ce que nos scolastiques en savent, c’est a peu près exclusivement ce que leur a transmis saint Augustin. Cf. S. Thomas. Sum. theol., IIMI", q. ii, a. 7, ad 3um.

I. Texte et traductions.

1° L’editio prineeps a été

donnée en 1545 par Xystus Betuleius (Sixtus Blrken), à liàle : L'.'///) : -//<.>/ yc r rj|l(7>v /, ; ', : iJXT'-ô ; c’est seulement

en 1828 que A. vi.u publie les liv res XI-XIV, d ms Scriptorum veterum nooa collectio, i. iii, '.i' part. L'édition monu m Mitale de C.h. Alexandre donne en 18Il le prologue et

lest, i-vill ; « mi îs.v.i les i. XI-XIV ; en 1856 les Excursus et les Index ; il convient toujours de s’y référer, sa traduction métrique en latin, ses commentaires abondants, ses études de points particuliers en font an ouvrage unique.

L'édition donnée par AJoïse K/ach, XpY|<T[l.ol £(6uAAiaxot,

Vienne, 1891, a le mérite <le la brièveté. On utilise de préférence aujourd’hui l'édition de T. GeOcken, l>i « Oracula Sibyllina, Leipzig, 1902.

2° Traductions. - Latine, dans l'édit. Alexandre ; française des 1. I-III par Bouché-Leclercq, dans Revue de Vhist. des religions, t. vii, 1883, p. 236 sq., t. viii, 1883, p. 619 sq. ; t. ix, 1881, p. 220-233 ; — anglaise des testes spécifiquement juifs, t. m-v, dans Charles, The Apocrgpha a ml Pseudepigrapha ni the O. '/'., t.n, p. 368-406 ; des testes chrétiens dans M.-lt..laines, The apocrgphal New Testament, Oxford, 1924 ; - allemande, parties pins spécialement juives dans K. Kautzsch, Die Pseudepigraphen <Ics.1. T., 1900, p. 177-217 ; parties chrétiennes dans E. Hennecke, Weutestamentllche Apokrgph iii, éd. de 1904, p. : sis- ; s 15 (commentaire dans le Handbuch zu den V Thchen Apokr., 1904, p. 339-350) ; nouv. éd. 1024, assez différente, p. 399-421.

II. Travaux. Se reporter pour plus de détail au Supplément iln Dictionn. de la Bible, t. i, 1928, col. 128 et

Col.."> : r.i. - I-es Ouvrages essentiels, outre C. Alexandre, sont

ceux de T. Geffcken, Komposition mut Entstehungszeit der Oracula Sibyllina, dans Texte und Unlersuchungen, t. xxiii,

fa se. I, Leipzig, 1002, et I '.missel, art. Sibgllen, dans l’rnlisl.

Realencgclopvdle, t. xviii, 1906, p. 2ti.V2.xii-, voir aussi tes Introductions des éditions de textes de Kautzsch et Hennecke.

Ê. Vmann.