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Sibylle célèbre la prédestination éternelle et la carrière terrestre jusqu'à sou triomphe et à celui de sa croix. Au 1. VU (162 vers) on voit alterner avec des malédictions et des menaces adressées à diverses villes, des prédictions relatives au Christ et des ordonnances morales et rituelles dont plusieurs assez étranges. Les prophéties apocalyptiques remplissent toute la pre mière partie du 1. Y 111 (500 vers) ; la seconde partie. qui débute par une pièce acrostiche sur les mots : lr/70'jç /c'.OT'/r 6eou IMOÇ cuoTr.p erraupoç (celle-là même dont saint Augustin cite une adaptation latine), est une assez longue dissertation théologique sur la nature du Christ, et sa deuxième naissance dans le temps.

D’intérêt beaucoup moindre sont les l.XI-XIV qui exploitent le thème connu : l’histoire du monde prédite par la Sibylle depuis la dispersion des peuples, après l'épisode de la Tour de Babel jusqu'à l’agonie de l’empire romain : cette vue prophétique sur les destinées de Rome était précédée au 1. XI par un aperçu général sur les peuples de l’Orient, où les anachronisines ne se comptent pas. Jusqu’au dernier tiers du nie siècle de notre ère. il est à peu près possible de suivre les événements. Mais l’auteur du 1. XIV s’est lancé en pleine fantaisie. La médiocrité du contenu religieux de ces quatre livres leur enlève d’ailleurs tout intérêt aux yeux du théologien.

II. Origine.

Tel est l’ensemble vraiment déconcertant qui est présenté, par un prologue en prose, comme un recueil des oracles rendus à des époques diverses, mais qui se perdent dans la nuit des temps, par des inspirées du monde hellénique. L’invraisemblance de cette donnée saute aux yeux ; le fait qu’elle a été admise par bon nombre d’apologistes chrétiens prouve seulement que l’esprit critique n'égalait pas chez eux la robustesse des convictions. Il est évident pour nous que, dans leur état actuel, les Oracles sibyllins sont le produit d’un âge assez rapproché de nous, que des plumes monothéistes, juives et chrétiennes, ont contribué pour une grande part à les faire ce qu’ils sont aujourd’hui. Toute la question est de savoir à qui rapporter les différentes parties de cet énorme recueil. Si la critique littéraire est à peu près arrivée à fixer les grandes lignes de la formation du tout, il s’en faut que, pour le détail, elle soit arrivée à des conclusions uniformes.

Répartition des matériaux.

Que. dans le monde

hellénique, il ait circulé, dès le vie siècle avant l'ère chrétienne, divers recueils d’oracles provenant plus ou moins authentiquement de prophétesses, plus ou moins célèbres, plus ou moins nombreuses, c’est ce dont on ne saurait douter. Heraclite d'Éphèse en parle déjà, et bien plus tard Platon et Aristophane. Ce devaient être des prédictions relatives au sort de telle ou telle ville, de tel ou tel pays, les menaçant pour l’ordinaire des châtiments de la divinité, leur indiquant les moyens de conjurer les fléaux à craindre. Dans le recueil actuel des Oracles sibyllins il subsiste encore, soit à l'état original, soit maquillées, un nombre assez considérable de ces pièces : simples menaces, prophéties posl euentum, peu importe. On en verra des exemples t. III, vers 435-488. Mais l’analyse rapide que nous avons donnée du contenu montre bien que ces oracles sont loin de constituer la majeure partie du recueil. L’ensemble est orienté dans le sens de la diffusion des doctrines monothéistes, et des espérances messianiques. Sous le patronage de la Sibylle ou des sibylles, des écrivains animés de l’esprit de prosélytisme ont fait passer toute une prédication dogmatique et morale dont ils comptaient qu’elle ferait merveille auprès des païens. L’entreprise est du même ordre que celle qui a donné naissance à mainte production du judaïsme de la Diaspora ; cf. l’art. Judaïsme, t. viii, « ol. 1587-1590 ; 1657. De toute évidence les démonstrations relatives a l’unité divine,

à la vanité des idoles, les dissertations inspirées par l’evhémérisme, les prédictions apocalyptiques si multipliées proviennent de plumes Juives qui ont travaillé à divers moments et sous des influences parfois assez différentes. Les événements politiques ont eu elïel laissé des traces non méconnaissables à bien des endroits. Les auteurs qui écrivaient à l'époque mâcha béenne. où le grand ennemi du judaïsme était l’esprit hellénique, où l’on comptait sur Rome pour faire échec à la puissante syrienne, ne s’expriment pas comme ceux qui ont été témoins des catastrophes de 70 après J.-C. ou de la destruction complète de.Jérusalem par Hadrien.

Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, l’idée de mettre dans la bouche des prophétesses de la gentilité l’apologie du monothéisme eut assez de succès pour suggérer à des écrivains chrétiens une pensée analogue. Aux deux premiers siècles de notre littérature ecclésiastique, nos apologistes Justin, Athénagore. Tatien, mais surtout Clément d’Alexandrie et Théophile d’Antioche, avaient abondamment usé des Oracles sibyllins mis en circulation par la propagande juive. Mais il ne semble pas que, jusqu’au nr siècle, il soit venu à la pensée de chrétiens de continuer la mystification et de faire déposer les sibylles en faveur des dogmes spécifiques de leur religion, tout spécialement en faveur du caractère messianique et de la divinité de Jésus-Christ. In moment vint toutefois où des faussaires reprirent en ce sens le travail commencé dans la Diaspora juive. Leur travail fut double : d’une part ils interpolèrent plus ou moins énergiquement les livres déjà existants ; d’autre part ils en fabriquèrent d’entièrement nouveaux. C’est ainsi que se constituèrent peu à peu les Oracles sibyllins sous les formes assez diverses que fournit la tradition manuscrite. Au moment où écrivait Lactance (début du ive siècle), les oracles correspondant à nos huit premiers livres étaient déjà en circulation.

Ce schéma général esquissé, il faudrait essayer de faire, dans le conglomérat que représentent nos livres sibyllins, le départ entre les matériaux d’origine différente, puis ayant fait la distinction entre ce qui est primitif (et païen), ce qui est juif, ce qui est chrétien, tenter de sérier chronologiquement les différents morceaux. La critique littéraire n’y a réussi que partiellement, et il ne saurait être question d’entrer ici dans tout ce détail. Donnons seulement les résultats le plus généralement admis.

Origine et âge des diverses parties.

Sont d’origine

juive et n’ont été que très légèrement remaniés par les chrétiens, les livres III, IV et V ; le 1. III est certainement le plus ancien et, si l’on admet l’unité d’auteur — ce qui n’est pas concédé par tous — sa composition se placerait en Egypte, vers l’an 140 avant J.-C. Encore faut-il noter que le proœmium se détache facilement de l’ensemble et doit reconnaître une origine plus tardive. Le 1. IV est à peu près unanimement reconnu comme faisant allusion à la destruction de Jérusalem en 70 ; son rapport avec la légende néronienne permet de le placer assez peu de temps après cette date. Ce sérail approximativement du même moment que serait le I. V, encore qu’il s’y rencontre des additions postérieures, qui ne peuvent guère avoir été faites que sous Marc-Aurèle ; sans préjudice d’ailleurs d’une brève interpolation chrétienne, v. 256-259.

Le reste du recueil est ou bien d’origine chrétienne. ou bien a été si vigoureusement interpolé par des plumes chrétiennes que la provenance juive ne trans paraît plus guère. Ce dernier cas est celui des livres 1 et II, où. parmi les scènes apocalyptiques, interviennent des morceaux qui ne peinent être que chrétiens, tels I. I. v. 137-1 15 un calcul relatif au nom du Monogène ;. I. v. 319 100, un long développement sur