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SENTENCES LA LECTURE

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l’enseignement courant de la faculté des arts. Cf. Paré,

1 ir il net et Tremblay, I. « renaissance du A//e siècle.

Les écoles et l’enseignement, 1033, p. 119-131. La chose est normale d’ailleurs : dès que l’on se propose l’enseignement à partir d’un texte, le premier acte semble bien devoir en être l’analyse, dans son agencement grammatical et logique. Ainsi fera le bachelier par rapport au texte du Lombard dans sa dii’isio textus, où il montrera l’enchaînement général dos partics, les subdivisions adoptées et se poursuivant jusque dans les moindres détails : où il s’efforcera aussi de légitimer celles-ci de son mieux. Vient alors ce qui doit être le commentaire proprement dit, l’exposiiio

textus. Elle se conçoit tout d’abord a la façon d’une lecture glosée, suivant donc île fort près le texte, mais qui s’ouvre par la force même des choses aux problèmes nombreux suscités par celui-ci. aux difficultés soulevées par la doctrine énoncée, aux quæstiones qui se posaient ou. que le bachelier posait. Ces dernières se développaient suivant la forme des argumentations et des disputes, avec les raisons S 'affrontant pour et contre et se résolvant dans une solution positive. Cette seconde partie surtout se verra affectée par l'évolution continuelle du genre, dont il sera traité plus loin. Après quoi les dubia circa litteram répondent aux difficultés émergeant moins des doctrines que de la lettre même du texte, et que la partie précédente n’aurait pas suffisamment élucidées.

Il va sans dire qu'à l'époque où ce commentaire du Lombard s’introduit dans le régime scolaire, au début du xiiie siècle, la méthode d’argumentation scolastique est au point. C’est donc en sa forme et suivant ses lois qu’on procède au sein de chaque quæstio soulevée.

La réglementation des statuts, jointe aux traditions qu’elle sous-entend et qu’elle précise sur quelques points seulement, impose donc un cadre rigide au travail du bachelier sententiaire. Il y doit satisfaire pour accéder aux grades ; et c’est même sa toute première obligation.

2° Latitudes. A l’intérieur cependant de ce cadre, une part assez large demeure encore réservée à l’initiative individuelle. Le lecteur des Sentences est autorisé à prendre une certaine liberté tant avec le plan qu 'avec les idées mêmes du Lombard.

Liberté pour la distribution et la répartition de ses leçons. La durée de chaque cours ne peut être écourtée, non plus que le nombre de ceux qu’il faut consacrer a la lecture de chaque livre. Il arrive pourtant qu’on tourne la loi, même sur ce point. A la façon d’Adam Woodham par exemple qui, après avoir en temps voulu

prononcé la collaiio réglementaire à la louange du I. II. revient sans plus de façon à son 1. I : fuxla lectionem circa principium secundi, continuando mule

riant primi qui est de Dca et de SS. 'Irinilale… quiero ulrum in homme de (/no princi pailler Iraclalnr in secundo sil imago Dei… Voir Cambridge, Gonville and Caius Collège, ms. 881, fol. 17 !  ! (I. Mais il est loisible au bachelier de se proposer pour chaque lectio un texte plus ou moins étendu ; il lui est permis de soulever à l’occasion du texte un nombre plus ou moins consi dérable de questions ; d’y introduire des problèmes que Pierre Lombard n’a que vaguement amorces ou ineme n’a pas traités. Il s’ensuit que, d’un commentaire a l’autre, les proportions prises par telle ou telle partie

peuvent être extrêmement ariables ; que, a l’intérieur

d’une même distinction (il faut se rappeler quc la division des livres de Lierre Lombard en distinctions et non plus en capitula, n’est pas le fait de railleur, mais

doit être rapportée a la première moitié du xine siècle ;

VOir ici l’art. PIERRE LOMBARD, I. XII. col. 1967 sq.l

le nombre des questions est très variable, lui aussi.

non moins que les tenues de celles ci ; que les divisions

ou subdivisions adoptées par un auteur, un saint Thomas par exemple en quæstiones, quæstiunculse, SOlutiones, etc. ne s’imposent pas nécessairement à son voisin : que chacun peut donc marquer déjà son œuvre de son cachet personnel, par ce premier choix.

Liberté pour les proportions à attribuer, au cours de chaque lectio. aux trois éléments dont il a été question : division du texte : expositio ou questions ; dubia circa litteram. On le verra plus longuement dans la suite.

Liberté même pour la succession des livres. Sans que les conditions à remplir pour cela nous soient connues, il est certain que les quatre livres des Sentences ne sont pas toujours commentés dans l’ordre même de l’auteur. Pierre Auriol. dans son second commentaire parisien (le commentaire-reportatio), a lu les I. I et IV pendant l’année scolaire 13101317 : les I. II et III. et encore ce dernier est-il resté inachevé, pendant l’année scolaire 1317-1318, Voir ici l’article PIERRE Armoi.. t. xii, col. 1831-1831. Duns Scot a dû lire dans le même ordre les I. I et IV au cours de l’année scolaire 1304-1305 comme en témoigne le ms. Worcester F. 69 qui précise, fol. 158 c.- expliciunt questiones super primum Senientiarum date a fratre Johanne Duns Scoto ordinis jralrum Minorum Parisius anno Domini M trecentesimo secundo intrante tertio, et fol. KHI c. à la fin de la table du I. IV : expliciunt questiones Senientiarum date a jratre Johanne Duns… dicto in studio l’arisiensi. anno Domini MCCCIII. Voir Callebaut dans L(/ France franciscaine, t. ix. 1926, p. 283 sq. Saint Bonaventure déjà aurait composé son I. 1Y avant le I. III. Et les Sentences d’Albert le Grand présenteraient l’ordre chronologique suivant : d’abord les I. I et III (peut être même avec certaines interruptions et interversions), puis le 1. II (1246) et le I. IV (1249). Voir (). Lottin. Commentaire des Sentences et Somme théologique d’Albert le Grand, dans Recherches de théol. une. ci médiévale, t. viii, 1936, p. 117-153.

Liberté aussi à l'égard des doctrines proposées ou soutenues par Lierre Lombard. H est une autorité, évidemment ; ou plus exactement un maître et bientôt le Maître. Mais, là où il n’a pas pris position, où il n’a pas déterminé. OÙ il a parlé seulement hislorialiter. exposant des sentences diverses, où il a indiqué ses préférences seulement, on peut se séparer de lui. Là même oi’i il a parlé sententialiier, on n’est pas tenu nécessairement à tout recevoir de ce qu’il a dit. Assez tôt une liste s'établit de propositions quir communiler non tenentur. Celle-ci s’allonge à mesure que la critique s’est exercée sur son écrit. Des 8 que mentionne saint Bonaventure, Sent., I. IL dist. l.IY. éd. Quaracchi, t. ii, p. 1016, on passe dans certains manuscrits à 19, 21 ou même 22 (par exemple Nicolas Eymeric dans le traité qu’il a composé sur ces articles) ou à 20 : voir la liste reproduite ici même, t. XII, col. 2011-2015. Même en dehors de ces points précis, on a le droit de ne pas adhérer à toutes les opinions du Lombard, de s’en écarter, sans même employer toujours à leur égard cette i exposition révércnliclle i dont on fait usage pour les textes des l'ères ou des autorités. Voir Chenu. Aulhentica et magistralia, dans Diras l’humas. de Plaisance, t. xxvin. 1925, p. 257-285.

Le Livre des Sentences est donc le cadre dans lequel le bachelier coule son enseignement : le guide qui lui permet. et l’oblige même, a aborder Ions les problèmes de théologie dont la connaissance est indispensable à sa future charge magistrale. Il n’est point cependant un carcan ni éteignoir.

/II. i VLEVR. En fonction de cette législation

scolaire, il est possible de comprendre quelle valeur doit être attachée à ces comi lient aires sur les Se nie mes. Puisqu’ils sont œuvre de bachelier, on ne peut leur