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-l MI-PÉLAG1ENS. LE CONCILE D’ORANGE
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ser d'ériger en absolu, semble plus capable de fournir
une solution.
Césaire et la Curie romaine au vt siècle font le
procès d’une doctrine, ou plutôt d’une tendance, allant
à surexalter l’eflorl propre de l’homme dans l'œuvre
du salut. Aux tenants de cette doctrine erronée il s’agit
de faire entendre que, par là, ils ne font pas droit
a des éiités incontestables, suivant lesquelles le salut
de l’homme ne se peut réaliser crue par l’action
. Il déclare aussi que ce qui viendrait exclusivement de notre propre fond serait men
songe et péché (c’est ce qu’il y a de négatil dans le
canon) ; mais positivement il ajoute que tout ce qu’il
a. en quelque homme que ce soit, de boulé, soit dans
l’ordre de la connaissance, soit dans celui de l’action,
lui vient de la source de toute bonté et de toute élite :
et c’est ouvrir la porte à cette autre idée que jamais
aucun homme, quand il s’agit de la recherche religieuse ou de l’effort moral, n’est dépourvu de l’aide
de Dieu. Au besoin le cas du païen Corneille, si souvent invoqué de pari et d’autre dans la controverse,
viendrait à l’appui de cette pensée.
Que si l’on examine, dans le même esprit historique,
les propositions condamnées de Balus, on remarquera
d’abord qu’elles sont réprouvées en bloc, mais sans
que l’on précise laquelle des notes théologiques s’applique à chacune d’elle. Il ne faut donc pas s’empresser de déclarer que telle ou telle proposition est hère
tique et des considérations attentives peuvent militer
en faveur de l’application à celle ci ou à celle-là de la
qualification la plus bénigne ; la bulle de condamnation ne reconnaît elle pas que certaines de ces propositions pourraient en elles mêmes être soutenues, quanqueun nonnullæ aliquo pacto sustineri possent >? Elles
prêtent à réprobation en tant que taisant partie d’un
système général qui, dans les conjonctures de temps
et de lieu, peut heurter, a de lait heurté, la pensée
chrétienne. I.e tort du système est de vouloir ressusciter de toutes pic Ces une doctrine archaïque dont
il faut bien reconnaître qu’elle s’apparente étroitement
à l’augustinisme intégral sans se mettre en peine ni
des amenuisements quc des siècles de réflexion lui ont
fait subir, ni des appuis qu’elle a pu fournir au luthéranisme et surtout au calvinisme. A la fin du XVIe siècle.
il n'était pas sans danger de reprendre purement cl
simplement tel texte d’Augustin ; plus d’un était de
nature a scandaliser le sentiment chrétien, s’il était
présenté sans autre explication. Maillant que ce qui
devenait aphorisme sous la plume des nouveaux dis
ci pies de sain l Augustin », n’avait pas toujours, dans le
texte originel du saint docteur, allure aussi tranchée.
La pensée àugustinienne, toute en i uances, se clarifiant
successivement par des Interrogations, des doutes, des
retours en arrière, est loin de la raideur scolastique
que lui prêtaient les hommes élevés dans les habitudes
(le l'École.
Il convient (rajouter enfin qu'à l'époque où les
consiilleius romains de Pie V faisaient leur examen des
formules bnïanistes, on ne prélait aucune attention
aux décisions du concile d’Orange. peine étaient
elles connues. Les grands scolast iques n’en axaient pas
parlé : la première lois quc le texte eu paraît. c’est
dans la collection conciliaire de Crabbe. (). M.. 1558,
encore la lettre d’approbation du pape Konil’ace. qui
est de si grande importance, n’y figure t elle pas : clic
ne sera publiée que cent ans plus tard par Sirmond
dans -es Antiqud concilia Gallise. les théologiens de
Pie V sont donc excusables de n’aoir pas songé a
l’antinomie qui nous apparaît aujourd’hui entre les
affirmations du concile d’Orange et les condamnations
qu’ils ont eux nié nie s portées contre des formules toutes
voisines.
.'{. La synthèse de l’enseignement conciliaire (cf. art.
Oit i, i. col. t 100-1 KM I. Elle met en pleine lumière
le point de départ de toute la doctrine : l’affaiblissement du libre arbitre, conséquence du péché originel et dès lors son incapacité à aimer Dieu, comme il
le faut, à faire le bien en vue de Dieu si la grâce et la
miséricorde divines ne le préviennent. Ni chez les
justes de l’Ancien Testament, ni chez les fidèles d’aujourd’hui la foi n’a été ni n’est au pouvoir du libre
arbitre. Ainsi est repoussée définitivement la doctrine
de ['initium fldei, où s'était réfugiée dès les origines la
réaction marseillaise.
Elle avait été imaginée pour mettre en échec la
prédestination àugustinienne et justifier par un autre
moyen l’inégale répartition des places divines. C’est
au vrai à cette prédestination qu’en axaient surtout
les Massilienses. Docteurs ès-sciences ascétiques, ils
reprochaient à la théorie àugustinienne délie génératrice de ce quiétisme qui est le principal adversaire
de la perfection chrétienne. I.e concile va répondre à
leurs préoccupations : lue fois la ^ràce reçue par le
baptême, les baptisés, sous l’action du Christ qui les
aide et coopère axec eux. peuvent et doivent ajouter
leur effort pour accomplir ce qui touche au salut.
demeurant entendu, d’ailleurs, quc l’initiative de cebons mouvements est encore de Dieu. Ainsi se trouve
marquée, dans l'œuvre salutaire, la pari de Dieu et
celle de l’homme. Dans ce grand nuxre. l’homme
n '.st | imais seul, mais i I i ; Cm dix me il d : at joindre
son effort personnel. On remarquera que, pas plus ici
que chez Augustin, la distinction n’est faile entre ce
que nous appelons grâce actuelle et grâce habituelle.
C’est l’infusion de la vie dixine en nous au baptême
qui est le principe de l’aùxilium divin, de la coopéra
lion du Christ aux actes salutaires du baptisé.
lue autre objection que faisait à l’augustinisme la
réaction marseillaise c’est que la doctrine de la prédestination anle prsevisa mérita impliquait nécessairement
la prédestination au mal. au péché, de ceux qui étaient
laissés dans la masse de damnation. Voir ci-dessus,
col. 1822 sq., les Objectiones Vincentianœei les Capitula
Gallortan. I.e concile repousse axec énergie une telle
conséquence : « Qu’il y ait des hommes prédestinés au
mal par la puissance dixine, non seulement nous ne le
croyons pas, mais s’il y axait des gens pour croire une
telle énormité, nous leur disons notre analhème et
notre réprobation, i Ce sont les seuls mots du concile
qui touchent à la question de la prédestination. Cette
doctrine, Césaire la professait à coup sûr et le canon 1 I
de la liste tréxiroise l’affirmait sans ambiguïté. Mais
puisque le Siè^e apostolique avait écarté ce texte,
mieux valait ne pas insister. Du moins convenait il de
dire axec précision que la prédestination positive' (axec
son corrélatif, la réprobation négative) n’entraînait
d’aucune manière la prédestination au péché.
t" L’approbation pontificale. La série des canons
d’Orange, puisqu’elle provenait de Home, n’avait pas
lieu d'être soumise à l’approbation pontificale. Tout
au plus COnvenait-il de rendre compte à la Curie de la
révérence axec laquelle on axait reçu ses décisions.
Mais, puisque le concile, ou pour mieux dire Césaire.
axait cru devoir synt hétiser dans une profession d foi
la doctrine un peu éparse dans les canons, il était bon.
ail majorent COI telàm, de taire accepter par Rome un
enseignement qui trouvait encore en Gaule des contradicteurs. C’est ce que lit Césaire dans une lettre qui
est perdue, mais que l’on peut reconstituer par la
réponse de Boniface 1 1. P. L., i. lxv, col. 31. L'évéquo