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    1. SEMI-PÉLAGIENS##


SEMI-PÉLAGIENS. LES DIFFICULTES

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sensible à l’expérience personnelle tout autant qu'à l’expérience collective de l’humanité. Nulle part n’est expliqué cet affaiblissement en nous de la liberté qui arrache des cris tragiques à saint Paul et dont il parait bien que l’on ne parle ici que par acquit de conscience. Plus dangereux donc que telle ou telle théorie particulière - celle de Vinitium //'</<<', par exemple, qui est beaucoup moins accusée que dans Cassien -se révèle un état d’esprit général qui, malgré des dénég itions dont il n va pas lieu de soupçonner la sincérité, tend, à n’en pas douter, vers i l’ascéticisme » pélagien, vers l'état d’esprit de celui qui. faisant le compte de son doit et de son avoir, aboutit finalement à un actif, inscrit au grand livre divin, dont il a le droit de concevoir quelque fierté !

VII. LE SKMI-PÉLA.GIANISME EN DIFFICULTÉ.- Que

Fauste ne reflétât l’esprit d’une bonne partie du clergé gaulois, au moins dans la région du Sud-Est, on n’en saurait guère douter. Mais ailleurs, à Rome, à Constantinople, en Afrique, cette pensée, si voisine parfois du pélagianisme, ne pouvait manquer d’amener une réaction qui. à échéance assez prochaine, provoquera une définit ion ecclésiastique.

Accueil fait en Gaule à la doctrine de Fauste.


L’influence exercée dans la région provençale par Saint-Victor de Marseille et surtout par Lérins, cette pépinière d'évêques. explique sans peine comment, du vivant même de Fauste, aucune voix n’osa s'élever pour contester la doctrine d’un prélat vénéré pour sa science et sa vertu, connu aussi pour sa fermeté.

On ne s'étonnera pas d’entendre Gcnnade citer avecéloge le De gratia Dei comme un opus egregium, dont il caractérise ainsi l’esprit général : in quo opère docet gratiam Dei semper invitare et adjuvare in/irmitatem nostram. De vir. ill., n. 85. Les sympathies du prêtre de Marseille allaient à tout le groupe antiaugustinien.

Saint A vit de Vienne, évêque de cette ville de 490 à V23. ne partageait certainement pas l’admiration de Gennade pour Fauste. C’est pourtant à tort qu’on lui attribue une réfutation perdue du De gratia, trompé que l’on a été par un mot de la Chronique d’Adon, cf. P. L., t. cxxiii, col. 1D7. En fait il existe une lettre d’Avit au roi Gondebaud, Epist., iv. De substantia peenitentix, P. L.. t. lix, col. 219, qui réfute une lettre de Fauste, Epist.. v. P. L., t. i.vm, col. 850, où celui-ci faisait le procès de la pénitence in extremis. Ceci n’a rien à voir avec les questions de la grâce, et nous n’avons aucun autre indice d’une activité littéraire de saint Avit dirigée contre l'évêque de Riez.

Un ouvrage de Claudien Mamert, frère aîné de saint Mamert, évêque de Vienne, est dirigé contre la doctrine soutenue par Fauste dans une de ses lettres, Epist., iii, t. lviii, col. 841 sq., et selon laquelle il n’y a pas d’autre substance immatérielle que Dieu. Voir ici t. ix, col. 1809. Ceci non plus ne touche pas à la question semi-pélagienne.

Il faut attendre encore quelques années pour voir ^c lever, dans la Gaule submergée par les barbares, un défenseur de l’augustinisme en la personne de saint Césaire d’Arles. Son Intervention sera décisive, mais .lie sera plus utilement étudiée quand nous parlerons du concile d’Orange. Retenons que, dans les dernières années du ve siècle, nulle voix ne s'élève contre les doctrines si déconcertantes de Fauste de Riez.

2 Accueil fait à Itome. — La Curie romaine, depuis le temps du pape Célestin, était demeurée très hostile au pélagianisme. En 193, le pape Gélase adressait encore deux lettres fort importantes a ce sujet à un évêque de Dalmatie, Honorius, cf. Jaffé, Regesta, n. 625, 626, et, dans un long mémoire expédié aux évêques du Picénum, faisait un exposé dogmatique des erreurs pi’lagieiines qui est du plus vif intérêt. Ibid., n. 027. Entre la doctrine qui y est exposée et

condamnée et l’esprit général du livre « le Fauste, il n’y a guère qu’une différence de degré.

Il n’y aurait donc en soi rien d'étonnant que, du temps tle Gélase, une réprobation ait été exprimée à la Curie à l’endroit des écrits de l'évêque de Riez et de ceux qui lui avaient frayé la voie. De fait le fameux Decretum Gelasianum de libris recipiendis et non recipiendis, en même temps qu’il donne aux œuvres d’Augustin et de Prosper un laissez-passer sans restriction, range parmi les livres écrits par des hérétiques ou des schismaliques », avec beaucoup d’autres, les œuvres de « Cassien, prêtre gaulois » et de « Fauste de Riez, des Gaules ». On trouvera l’essentiel du Decretum dans P. L., t. lxix, col. 157-183. Mais, comme il a été dit ici à l’art. Gklase I er, t. vi, col. 1180, il est impossible de prouver l’origine officielle de ce texte, encore moins sa promulgation par le pape Gélase. Pourtant, même s’il est d’origine privée, il ne laisse pas de refléter des idées qui avaient cours à Rome vers les débuts du vi c siècle. Il ne pénétrera, d’ailleurs, qu’assez tardivement dans les collections canoniques ; il n’y a donc, pas lieu de parler de son influence sur les événements qui vont se dérouler à Rome et en Gaule et qui amèneront l'échec du semi-pélagianisinc.

3° Accueil (ait à Conslantinople : les moines scytlies. — Par contre il faut mettre l’accent sur la dénonciation faite à ConsLntinopIe d’abord, puis à Rome, des doctrines de Fauste, par les moines scythes.Voir ci-dessus, col. 1746 sq. Ces personnages n’ont pu amener, sur le champ même, le.Siège apostolique à prendre position ; leur agitation n’a pas laissé néanmoins d’avoir un effet retardé.

Dès l’arrivée à Constantinople des légats d’Hormisdas, les Scythes avaient remis à Dioscore leur Libellus fidei ; la finale vise les questions du péché originel, de la grâce, de la liberté, sur lesquelles leurs adversaires, « nestoriens et pélagiens larvés », les avait pris à partie. Après avoir exprimé une doctrine nettement augustinienne, sur la ruine du libre arbitre par le péché d’origine, sur l’impossibilité pour la nature de se relever par ses propres forces, sur l’absolue nécessité pour toute œuvre salutaire de l’infusion et de l’opération intérieure de l’Esprit Saint, ils condamnaient ceux qui osaient dire : Nostrum est velle, Dei vero perficere et professaient que tous ceux qui, depuis Abel jusqu’au Christ, ont pu être sauvés, l’ont été par la même grâce qui nous a sauvés tous. Édit. Schwartz, p. 9-10 ; P. G., t. lxxxvi, col. 85-86. De toute évidence ce couplet vise les doctrines professées par Fauste, dont quelques idées, la dernière tout spécialement, sont bien reconnaissablés. Cf. ci-dessus, col. 1 836. La raison pour laquelle les Scythes ont, dès l’abord, pris position contre Fauste est obvie. A leurs premières discussions sur la formule théopaschite, on leur avait opposé des arguments tirés d’un livre ou d’une lettre de l'évêque de Riez, sans doute de YEpistola in modum libelli ad diaconum quemdam, dont parle Gennade, De vir. ill., n. 85, où était faite une critique du nestorianisme qui a dû paraître insuffisante à l’intégrisme des Scythes. Ils avaient voulu prendre une connaissance plus complète de l’auteur, avaient été renvoyés au De gratia Dei et y avaient lu avec indignation les passages que nous avons signalés. Leur opinion fut faite ; Fauste était un nestorien, puisqu’il n’admettait pas le Deus passus, et de surcroît un pélagien. Comme un siècle plus tôt, les deux hérésies faisaient alliance à Constantinople !

Nous avons dit, col. 1747 et 1748, les démarches vaines faites par les Scythes, soif à Constantinople auprès des légats, suit a Rome même auprès d’Hor misdas pour obtenir d’une pari le ralliement de la Curie a la formuli théopa chite, de l’autre la condamnation du néopélagianisme. Dans les Capitula édita contra nestorianos et pelagianos, cf. col. 1751, le-, trois der-