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    1. SEMI-PÉLAGIENS##


SEMI-PÉLAGIENS. LA MÊLÉE, VINCENT DK LÉR1NS

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taineinent du pape Célestin ; nous rechercherons plus loin (col. 1829) qui est l’auteur des Præleritorurn Sedis apostolicæ episcoporum, pièce qu’il y a toutes raisons de considérer comme postérieure d’au moins une dizaine d’années. Quant à l’authenticité de la lettre apostolique de Célestin, elle est absolument garantie. Prosper s’y réfère : Contra Collatorem, c. xxi, 2, P. L., t. Ll, col. 272, et en cite des passages caractéristiques ; et de même Vincent de Lérins dans le Commonitorium, c. xxxii et xxxiii, P. L., t. L, col. 681.

La lettre de Célestin est adressée aux évêques des Gaules, tout spécialement à ceux de la région du SudEst, sur laquelle rayonnait l’influence de Saint-Victor et de Lérins. I.c pape leur signale la démarche que viennent de faire auprès de lui deux personnes zélées, Prosper et Hilaire. Elles accusent des prêtres de la région d’avoir été une cause de trouble, en soulevant des questions indiscrètes et en prêchant des choses contraires à la vérité. Célestin en tient pour responsables les évêques, qui n’auraient pas dû laisser de simples prêtres discuter ainsi par-dessus leurs têtes. Que les évêques prennent donc soin de réprimer ces intempérances de langage ; que la nouveauté cesse de monter à l’assaut de l’antiquité ; que l’autorité épiscopale impose le silence ! ce n’est pas aux simples prêtres à s’arroger la mission de prêcher, somma prædicandi. Le vrai grief qu’on doit leur faire, c’est d’attaquer la mémoire d’Augustin. Or, celui-ci a toujours été dans la communion du Siège apostolique, hautement estimé pour sa vie et ses mérites et jamais le moindre soupçon fâcheux n’a été émis sur son compte ; sa science a toujours été fort appréciée des prédécesseurs de Célestin, qui le comptaient au nombre des meilleurs maîtres. Que l’on garde également aux vivants le respect auquel ils ont droit, pourquoi faire souffrir des âmes religieuses ? D’ailleurs n’est-ce pas l'Église tout entière qui est touchée quand une nouveauté s'élève'? Que les évêques des Gaules sachent donc imposer le silence aux méchants, imposito improbis silentio, de tali re in posterum querela cessabit.

En somme, le document pontifical ne procurait aux deux champions de l’augustinisme qu’une demisatisfaction. Sans doute la mémoire d’Augustin que, dans le feu de la discussion, certains des adversaires étaient allés jusqu'à taxer d’hérésie, recevait un hommage bien senti. Sans doute encore les doctrines que préconisaient les antiaugustiniens étaient-elles qualifiées de nouveautés. Cela ne veut pas dire que le Siège apostolique fît sien, pour autant, l’augustinisme intégral, encore moins qu’il approuvât la manière dont il était parfois défendu. Il restait dans la lettre de C.( ; lest in assez d’imprécision pour qu’avec un peu de subtilité on pût en faire un hommage au zèle des Marseillais dans la défense de la vérité ! Tout cela n’allait pas larder à se manifester.

IV. La mêlée théologique.

1° Violente attaque contre l’augustinisme et ses défenseurs. — L’invitation au calme adressée par le pape Célestin ne devait pas cire entendue. Dans les cercles antiaugustiniens du midi de la Gaule, on teignit, soit conviction, soit tac tique, d’interpréter la condamnation de l’esprit de nouveauté comme s’adressant à l’augustinisme : le novateur c'était Augustin, el sa doctrine de la prédestination constituait, par rapport aux enseignements traditionnels, une nouveauté dangereuse.

I. If Commonitorium de Vincent de Lérins. — C’est ce point de vue qui va s’exprimer dans une œu re sur la signiflcal i<>n générale de laquelle on s’est mépris.

parce que l’on a négligé de la replacer dans son cadre, nous voulons dire le Commonitorium de saint Vincent de Lérins. Sur l’auteur et sou œuvre, se reporter à l’article Vinceni différins. Disons seulement Ici

que, après avoir OCCUpé dans le siècle une assez haute

situation. Vincent s'était retiré au monastère de Lérins ; il y reçut la prêtrise, y mourut à une date qu’il est difficile de préciser, mais avant 150. Encore qu’il ne

souffle jamais mot de Cassien, il eut certainement avec lui des relations ; ce ne peut être que par lui qu’il a eu connaissance de certaines lettres de. Nestorius. Le Commonitorium, si tant est qu’il ait été publie par ses soins, ne portait pas son nom, étant simplement intitulé : Tractatus pereorini pro catholicæ fidei antiquitate et unii’crsitate advenus profanas omnium luvreticorum novitates. Texte dans P. L., t. L, col. 637-68(1. Sa date est tixée. par l’auteur lui-même : au moment où il écrit, il y a trois ans environ que le concile d’Ephèsr a eu lieu, ante triennium ferme, col. 678.

a) Intention du livre. — Elle s’exprime dès le début : notre « pèlerin » entend y consigner, comme en un aidemémoire, ses méditations sur le meilleur moyen de combattre les tendances hérétiques. Aussi bien l’hérésie lui paraît-elle menaçante ; la fourberie des non veaux hérétiques lui cause beaucoup de souci. Col. 63*.' en haut. Une hérésie est nettement désignée, celle de Nestorius, à laquelle Cassien s’est intéressé en 429-430. A -Marseille, à Lérins aussi on a suivi les vicissitudes de l’affaire ; ce n’est pas seulement le dossier d’avant Éphèse que l’on a compulsé, mais l’on a eu en main un procèsverbal, sommaire, mais suffisant, tout au moins de la séance du 21 juin 431. Il est donc facile de comprendre que Vincent mène campagne contre l’erreur christologique de Nestorius. Mais, il le dit luimême, c’est surtout à titre d’exemple qu’il étudie la doctrine condamnée par le concile de 431. Vise-t-il aussi le pélagianisme ? Sans doute ; mais l’affaire de cette hérésie est vite réglée. Il est, par contre, des nou veautés qui préoccupent bien davantage le pèlerin et contre qui il déclame à bien des reprises en s’adressant à la cantonade. C’est à deux endroits seulement qu’apparaît l’identité de ces novateurs ; mais là elle apparaît clairement.

Au c. xxvi, col. 674, Vincent, après avoir parlé de l’habileté avec laquelle les hérétiques s’abritent sous de multiples citations scripturaires, par quoi ils abusent les simples : « Ils osent, continue-t-il, promettra que, dans leur Église, disons mieux, leur conventicule. il y a je ne sais quelle grâce de Dieu, grande, spéciale. toute personnelle, de telle sorte que, sans aucun labeur, sans aucun effort, sans aucune industrie, même sans demander, sans chercher, sans frapper, quiconque appartient à leur groupe est tellement protégé par la Providence, que, porté par la main des anges, il ne peut jamais heurter du pied contre la pierre. » Il est difficile de ne pas reconnaître ici le signalement de la grâce absolument gratuite et efficace par elle-même et des milieux augustiniens, plus ou moins fermés, qui la prônaient.

Plus curieux encore est le c. xxxii. col. 683 sep. où Vincent réussit ce tour de force de faire dire a la lettre du pape Célestin très exactement le contraire de ce qu’elle dit. « Que la nouveauté, avait dit le pape, cesse d’attaquer l’antiquité I » S’exprimant dans une lettre rédigée à la demande de l’rosper et dllilaire qui se plaignaient des innovations fâcheuses de Cassien et de son groupe (en matière d' initiant fidei), la pensée de Célestin était des plus claires ; la nouveauté à quoi il fallait mettre un terme, c'était de toute évidence celle du groupe antiauguslinien. Vincent trouve le moyen île faire dire au pape le contraire : les novateurs c’est l’rosper. c’est Hilaire. ceux contre qui s'élève le Commonitorium.

Ajoutons que le fait, sur quoi nous reviendrons. col. 1824, que les Objectiones Vincentiante sont, selon toute probabilité, l'œuvre île Vincent, achève de faire la conviction. Les hérétiques, les novateurs a qui en a le Commonitorium ce sont. a n’en pas douter les dis