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SCOL ASTIQUE 0CC1 DE NTALE, L’A POGÉE

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néoplatoniciennes ; les autres développèrent les élements aristotéliciens et furent tributaires de Thomas d’Aquin. Cf. M. De Wulf, op. cit., t. 1. p. 387. On verra même, au xv siècle, à Cologne, se fonder une école alhertiste pour faire pièce au thomisme. P. Mandonnet, art. Albert le Grand, dans le Dicl. d’hist. et de géogr. ecclés., t. i. col. 1523.

5. Thomas d’Aquin.

Dès le début de son enseignement, saint Thomas d’Aquin marque nettement en quel sens il entend orienter la SCOlastique. Méthodes nouvelles, thèses et opinions nouvelles, précisément en fonction d’un emploi plus fréquent de la philosophie aristotélicienne préférée à celle de Platon, distinction plus nette d’une part de la philosophie d’avec la théologie, d’autre part de la théologie d’avec la mystique grâce à un intellectualisme franc mais modéré : ainsi s’affirmaient déjà, dès le Commentaire sur les Sentences (1252), les traits essentiels du thomisme. Régent des études 1 1256 1259), après avoir été reçu maître en théologie à l’université de Paris, Thomas donna une vive impulsion à l’enseignement et rétablit les disputationes (d’où sont sorties les Queestiones disputâtes et les Quodlibeta), qui marquent si profondément la méthode scolastique du xiiie siècle.

Alexandre IV, neveu de Grégoire IX, avait résolu de mener à bonne (in l'œuvre d'épuration des écrits d’Aristote : il appela à Rome saint Thomas et celui-ci, reprenant l'œuvre incomplète de son maître Albert se mit à la besogne. II importait tout d’abord de rechercher le texte primitif d’Aristote. Le dominicain Guillaume de Moerbeke. qui savait le grec, en fit une traduction très littérale, sans recherche d'élégance. Thomas travailla sur ce texte : dans ses Commentaires, il va jusqu'à corriger l'œuvre du Philosophe de façon non seulement à en enlever tout caractère nocif, mais encore à en faire un instrument de compréhension pour la foi. Ceci explique que les commentaires de Thomas contiennent beaucoup d’idées qui lui sont personnelles. Cf. M. De Wulf, op. cit.. t. ii, p. 5 ; M.Grabmann, Les commentaires de saint Thomas d’Aquin sur les ouvrages d’Aristote, dans les Annales de l’Institut supérieur de philosophie, Louvain, 1914, p. 231-281.

A mesure que Thomas avance dans sa carrière théologique, sa pensée se précise et, partant, ses explications et ses opinions se modifient parfois. Sur plusieurs points, jeune professeur, il reste fidèle à l’augustinisme traditionnel ; mais, à mesure que sa pensée évolue, ses opinions reflètent de plus en plus un aristotélisme christianisé. A titre d’exemple, on peut proposer la question de l’unité d'être substantiel dans le Christ : dans le Commentaire sur les Sentences, saint Thomas admet cette unité à titre de simple opinion ; dans la Somme théologique, il qualifie d’hérésies les opinions contraires. D’autres fois, un enseignement, proposé d’abord avec hésitation, se précise graduellement jusqu'à la formule définitive : ainsi l’acte spécifique de la béatitude est dégagé de plus en plus de ses éléments affectifs pour être fixé exclusivement dans un acte d’intelligence. Le Commentaire est le premier anneau d’une chaîne dont la Somme théologique et le Compendium theologiæ sont les derniers : la Somme contre les gentils, les Questions (disputées et quodlibétales) en sont des anneaux intermédiaires.

La Somme contre les gentils offre un genre particulier de scolastique, c’est-à-dire l’adaptation aux dogmes de la démonstration rationnelle. Il s’agit, dans cette grande œuvre apologétique, d’amener peu à peu l’incroyant à confesser les dogmes chrétiens. Pour l’y ('induire, Thomas expose d’abord les vérités que la raison peut découvrir par ses seules lumières naturelles, mais que la révélation confirme et dont elle facilite la connaissance. Pour s'élever aux vérités supérieures, il commence il. 111. Hn) par celles qui.

relevant de l’ordre moral, sont plus accessibles : les grands mystères sont renvoyés en lin de l’ouvrage. Exposant les vérités naturelles, Thomas recourt à des démonstrations proprement dites. Pour les autres, il entend simplement démontrer leur caractère non contradictoire : un essai de démonstration positive, utile peut-être <"/ fidelium exercitium et solatium, serait dangereux pour des adversaires qui en souligneraient l’iusuffisance. Ainsi Thomas corrige prudemment l’excès de rationalisation des dogmes dans lequel étaient tombés certains ailleurs du XIIe siècle, notamment Richard de SaintVictor ; voir ici t.xii, col. 2691 sq. Cet excès écarté, il reste vrai de dire avec M. Grabmann qu’ici Thomas a explore à fond les rapports harmonieux de la nature et du surnaturel, de la raison et de la foi. Ce qui donne à la Somme contre les gentils un charme tout à fait particulier et lui fait produire l’impression d’une pensée puissamment cohérente et parfaite, c’est que les idées et les démonstrations y sont tirées ou déduites de grandes vérités, de principes ou de notions fondamentales d’ordre métaphysique, auxquels on est sans cesse ramené et qui commandent ou soutiennent l’ensemble, comme la charpente soutient l'édifice. » M. Grabmann, Introduction à la Somme théologique de saint Thomas, trad. Vansteenberghe, Paris, 1925, p. 43. La même conception « scolastique » a présidé à la rédaction des écrits exégétiques de saint Thomas. Une fois le sens littéral dégagé, « il cherche à résoudre, appuyé sur la tradition et aidé de la raison, les difficultés que la « lettre » soulève et surtout — c’est à cela que tendent principalement les difficultés et les solutions — à en montrer la valeur de vérité en fonction d’une conception générale de Dieu et des créatures en regard de la vie humaine ». P. Synave, Les commentaires scripturaires de saint Thomas d’Aquin, dans La vie spirituelle, t. viii, 1923, p. 457. Les opinions discutables des Pères sont toujours interprétées dans un sens favorable à la foi.

.Mais c’est la Somme théologique qui fournit la plus belle synthèse de la pensée et de la méthode scolastiques du grand docteur. Sans doute le principal motif qui le dirigea en cette entreprise fut de donner un enseignement clair et précis, néanmoins on y trouve aussi le désir de faire bénéficier la théologie des qualités de l’aristotélisme. C’est ainsi que les vues métaphysiques les plus hautes lient solidement chaque parlie et leurs éléments les plus divers. Cf. M. Grabmann, op. cit., p. 73-134. Méthode analytique et méthode synthétique s’allient ici dans une harmonie parfaite. Voir ici P. Mandonnet, art. Frères prêcheurs, t. VI, col. 878-879.

G. Autour de saint Thomas d’Aquin. — Sous ce titre signalons trois tendances principales qui se sont développées au xiiie siècle soit parallèlement au thomisme, soit en fonction du thomisme, soit surtout contre lui. a) Parallèlement au thomisme, l’augustinisme conserve ses défenseurs. On en a déjà nommé quelquesuns du début du siècle. Mais l'école franciscaine doit être ici expressément signalée, surtout avec Alexandre de Halès et saint Ronaventure.

Alexandre se rattache à la lignée de saint Augustin, de saint Anselme et de Hugues de Saint-Victor. Augustinien par la doctrine de l’illumination, il distingue néanmoins fort bien théologie et philosophie que cependant il coordonne plus qu’il ne les sépare. Sa spéculation est dominée par l’idée du bien. C’est en ce sens qu’est orientée sa scolastique.

Éminemment mystique, saint Ronaventure s’affirme % rai disciple d’Augustin et des ictorins ; mais il reste néanmoins, dans toute la furie du terme, un penseur et un philosophe, et il sut imprimera la scolastique du xiii c siècle, une Impulsion d’un genre spécial. É. Gilson a publié une étude, lu philosophie de saint Bonaven-