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SCOLASTIOl)

OCCIDENTAL

I.' POGÉE

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de tout point que l'école de SaintVictor, par excès de symbolisme mystique, ait enrayé le développement

scientifique do la toi. Mais, d’une part, c’est bien à l'école d’Abélard que sont dus principalement les

trois perfectionnements essentiels de la nouvelle théologie : l’idée de condenser, dans une Somme digne de ce nom. la synthèse de toute la théologie, l’introduction des procèdes plus sévères de la dialectique et la fusion de l'érudition patristique avec la spéculation rationnelle. » « D’autre part, seule, l'école de Saint-Victor eut la gloire de sauver la nouvelle méthode mise en grand péril par les témérités doctrinales d’Abélard. L’hétérodoxie du novateur, dit Harnack, discrédita la science, a tel point que ks théologiens de la génération sui « vante eurent une position difficile. Ainsi peu s’en fallut que la condamnation ne fût prononcée contre les Sen « tences île Pierre Lombard … Sans parler du fougueux Gauthier de Saint-Victor, auteur du pamphlet Contre les quatre labyrinthes de France (Abélard, Gilbert de La l’orrée. Lierre Lombard et Pierre de Poitiers ; cf. /'. 1… t. c.ic, col. 1 12 ;) sq. >. les meilleurs esprits, comme Guibert de Nouent. Guillaume de Saint-Thierry, saint Bernard étaient effrayés des méthodes nouvelles. Etienne de Tournay lançait de terribles accusations « contre ces faiseurs de nouvelles Sommes i, Il fallut la parfaite orthodoxie de l'école de Saint-Victor et toute sa prudente modération dans l’usage du nouveau système, pour faire oublier que ses premiers promoteurs se nommaient Scot Érigène, Bérenger, Abélard, pour rassurer les croyants alarmés et acclimater la nouvelle théologie dans les écoles catholiques. Harnack a proclame Hugues de Saint-Victor < le plus influent tics théologiens du xiie siècle », parce que, plus qu’aucun autre, il contribua à faire la fusion îles deux tendances en lutte, l’orthodoxie dogmatique et la science philosophique. » E. Portalié. art. Abélard (École théologique a"), t. i, col. 54-55. Cf. Harnack, Lehrbueh der Doi/mengeschichte. t. ni (édit. de 1909), p. 532. Parmi les disciples de Gilbert de La Porrée, il convient de citer Raoul l’Ardent, dont le Spéculum universale tente une systématisation des données théologiques, en transposant la terminologie philosophique dans les matières théologiques.

Le nom de saint Bernard vient d'être prononcé parmi les adversaires des dialecticiens ». Bernard appartient, en effet, à l'école des mystiques et c’est dans la contemplation, beaucoup plus que dans la philosophie, qu’il puise sa science. Sans doute, il ne méprise pas la science, mais il pourchasse ceux qui y cherchent une matière à orgueil, qui veulent la vendre et en faire un vil commerce ; il approuve au contraire ceux qui, par elle, veulent faire du bien aux autres ou veulent s'édifier eux-mêmes. In Canl. Cant., serm. xxxvi, n. 3, P. L., t. clxxxiii, col. 968 D. Sur les principes et la méthode de Bernard, voir ici t. ii, col. 761763. Toutefois, par son mysticisme même, saint Bernard a exercé une heureuse influence sur la scolastique. M. Grabmann fait observer qu’il y a, non opposition, mais corrélation entre la mystique et la scolastique. La seconde trouve dans la première de sérieux avantages, en ce qui touche la théologie : elle fournit aux entraînements de la dialectique un heureux contrepoids : ses lumières éclairent le problème capital des rapports de la science et de la foi ; elle maintient les données traditionnelles sans lesquelles la théologie deviendrait science purement humaine ; enfin elle corl’abstraction et l’aridité de la méthode Bcolastique. Cf. M. Grabmann, <" n hit ///* der scholasti&chen Méthode, t. ii, p. ! » 1-1 1 ii i. (. 'est ainsi que, dans sa lutte contre Ain lard, il dénonce surtout l’abus de la méthode spéculative qui forme le caractère et le péril de la théologie abélardienne.

Ce sont les mêmes abus de la même méthode qui en l rainent, au début du xire siècle, plusieurs auteurs de grand talent dans l’erreur : Guillaume de Champeaux avec son rigide réalisme, Boscelin dont le nominalisme impliquait, dans la Trinité, une sorte de trithéisme, et surtout Gilbert de La Porrée, dont les applications malheureuses de la métaphysique à la théologie entraînaient les erreurs anathématisées au concile de Reims (1148). Voir ici t. vi, col. 1976 ; I. xiii, col. 2913 ; t. vi, col. 1352. La célèbre querelle des universaux ne s’expliquerait-elle pas elle-même surtout par l’abus de la dialectique ?

Néanmoins certains dialecticiens défendent la dialectique contre ses propres excès : Jean de Salisbury pourchasse les vcrbalistes ergoteurs », Alain de Lille parle dans le même sens. Alain paraît à un moment où des événements décisifs vont brusquer l’essor de la scolastique. La période dont il relève aura du moins eu le mérite de préparer cet essor.

Ainsi donc, au xire siècle, l’influence de la scolastique est déjà considérable. Depuis Abélard, la méthode « triadique » est devenue générale : exposé du contre, du pour et solution. Le fondement demeure l’interprétation littérale des Écritures et des Pères ; mais, depuis Lanfranc et saint Anselme, s’est introduite, d’une façon normale, la méthode apologétique, c’est-à-dire la scolastique elle-même consistant, le dogme une fois fixé, à le démontrer par la raison ou du moins à en montrer l’aspect rationnel : « Les théologiens s’emploient à couler les données des Écritures dans un moule syllogistique, ou bien ils soumettent les concepts dogmatiques et les formules qui les expriment au jeu des catégories dialectiques, ou encore ils classent les arguments en probables et nécessaires. » M. De Wulf, op. cit., 1. 1, p. 186 ; cf. J. de Ghellinck, Dialectique et dogme au Xe -XIIe siècle.

Il est étonnant que l’auteur qui a exercé la plus grande influence sur les seolastiques postérieurs, Pierre Lombard, ait si peu subi l’influence de cette dialectique. Pierre Lombard est un esprit modéré ; les arguments d’autorité passent chez lui au premier plan et « il ne recourt aux notions philosophiques que dans la mesure où elles peuvent devenir un instrument au service du dogme ». M. De Wulf, op. cit., p. 193. Les abrégés et les commentaires du Maître des Sentences apparaissent dans la seconde moitié du xiie siècle ; au xme siècle c’est par centaines qu’on compte les commentaires de son œuvre.

L’apogée de la scolastique.

1. La tendance augustinienne du début du XIIIe siècle. — Le xine siècle marque l’apogée de la scolastique par l’adaptation de

l’aristotélisme à l’exposition du dogme. Toutefois cette adaptation ne s’est faite que progressivement. La première moitié du xiir 5 siècle a vu se développer une direction de philosophie scolastique s’inspirant, tout au moins partiellement, des principes de l’augustinisme. Cf. Fr. Ehrle, Der Auguslinismus und Arislotelismus in der Scholastik gegen Ende des Xill. Jahrhun derls, dans Arrh. fur Lift, und Kirchengeschichte des M. A., 1889, p. 603-635. Ce développement a été établi ici. t. i, col. 2503-2506. Toutefois la dénomination d’augustinisme ne doit être retenue qu’avec d’expresses réserves en raison des doctrines étrangères aux enseignements authentiques de saint Augustin qui se rencontrent dans ce mouvement. Cf. M. De Wulf, op cit., t. i, p. 319. Celui-ci subit, en effet, l’influence de Arabes, dont la spéculation était éclectique et qui, notamment Avicenne, faisaient unipari lies large aux doctrines platoniciennes. Cf. É. Gilson, Pourquoi saint Thomas <> critiqué suint Augustin, Paris, 1927. i n cei tain nombre de théologiens pourraient être citi reflétant cette tendance encore peu précise dans la sco lastique : Guillaume d’Auxerre, Roberl de « oui on