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    1. RUPERT DE DEUTZ##


RUPERT DE DEUTZ. L’EXÉGÈTE

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et t. clxix, col. 1370. S’il met à part le livre de la Sagesse, De Trin., t. III, c. xxxi, t. ci.xvii, col. 318 et 387, il s’en sert pourtant pour l’édification. De Victoria, t. III, c. xiv, t. clxix, col. 1281.

Les principes de Rupcrt en matière d’herméneutique sont donc irréprochables et, quand il veut bien considérer l’Écriture sans parti pris, IUipert en donne des explications excellentes où les moindres nuances, les moindres particules du texte sont mises en relief. Ceci s’applique surtout au commentaire moral sur l’Ecclésiastc, qui est < de tous ceux de Rupert, le plus suivi, le plus littéral », au jugement des auteurs de Y Histoire littéraire de la France. Mieux encore, si on le met en présence d’un récit historique obscur, il sait le rendre clair et cohérent, en montrant « l’objet traité, l’intention du premier auteur, et l’utilité » qu’en espéraient ceux qui l’ont mis dans la liste des Livres saints. De Victoria, toc. cit., col. 1428 ; « ce sont là les trois choses qu’il faut rechercher dans l’ouvrage d’un bon auteur ». De officiis, 1. II. c. viii, t. clxx, col. 140.

Exégèse littérale.

Une autre fois, dans son livre

De Victoria Verbi Dei, le trop pieux exégète avait réussi à suivre un plan quasi-historique, mais, chose curieuse, il dut y être forcé par une espèce de gageure que lui avait proposée son protecteur, l’abbé de Siegburg, pendant qu’il résidait chez lui. Cunon s’étonnait, en mystique qu’il était, du cas que faisait la liturgie des livres des Machabécs et de la description des grandes monarchies persécutrices dans Daniel ; et Rupert, comme il le raconte lui-même, De Victoria, préface, t. clxix, col. 1215, eut cette répartie pleine de bon sens, que « les Machabées par leur courage dans les combats, et les autres saints de l’Ancien Testament, comme Esther et Mardochée, par leurs travaux et leurs guerres, ont empêché la destruction du peuple qui détenait les promesses du Messie, et ont contribué ainsi à la victoire du Verbe qui devait chez lui prendre chair 1 — C’est cela, s’écria Cunon, faites-moi un traité De Victoria Verbi Dei ! » En fait, c’était une idée familière à Rupert. Cf. De Trin., In Reg., t. II, c. xx ; In Dan., c. i, t. clxvii, col. 1119 et 1509. Mais le nouveau était de le voir s’attaquer à un commentaire historique. Après une longue dissertation préliminaire sur les deux adversaires en présence, le Verbe et le démon, l’auteur en arrive enfin à la création de l’homme, dont il fait, selon la pratique de son temps, le champion de Dieu. Il découvre en effet que, depuis le Protévangile : Inimicitias ponam inler te et mulierem, c’est toute l’Écriture qui est comme « le livre des guerres de Jahvé » ; et le mieux est encore d’en dérouler le récit pour l’édification du lecteur : « Contemplons de là, comme d’une haute montagne, la valeur du Verbe de Dieu, qui descend combattre la malice ou le mensonge du diable. » Col. 1258. Le plus étonnant, c’est que cette étude, commencée si curieusement, se poursuit, comme une épopée assez cohérente : sermo per compendium currens, onùssis nujsteriorum sive allegoriarum tongis ilincribus. Col. 1269 ; cf. col. 1301. « Nous dirons seulement, lit-on dans l’Histoire littéraire, que, laissant là les allégories et les sens mystiques qui attirent pour l’ordinaire son attention, Rupert écrit ici en forme d’histoire les guerres du Verbe de Dieu contre le démon, appliquant à son plan les principaux événements rapportés dans les Livres saints. Il décrit historiquement… les persécutions et les guerres que le diable a suscitées contre les [sraélil es. les mauvais traitements des Égyptiens, le schisme des deux royaumes de Juda et d’Israël… i L’auteur déplore chemin faisant, que « les docteurs aient Irop néglige «  cette suite de la religion, col. 1319. Il montre enfin comment le Verbe de Dieu a rempli son ministère, vaincu le démon par sa mort, a formé son Église et a triomphé de tous ses ennemis : les juifs, les païens, les hérétiques, l’Antéchrist. On ne devra donc pas faire

grief à l’auteur de laisser apparaître de place en place la trame mystique de son plan : la lutte de la femme et de son enfant contre le dragon, col. 1419 : mais on devra au contraire lui faire un mérite d’avoir résumé

— en moins de 250 colonnes de la Patrologie — tout ce que le Moyen Age pouvait connaître de l’histoire d’Israël et de l’histoire de l’Église. Le résumé est assez suivi et a « l’agrément de la nouveauté » ; les réflexions qui l’accompagnent sont d’une grande élévation. Sans vouloir comparer cet essai méritoire à des chefsd’œuvre admirés de tous, il faut donner pourtant une place, unique au Moyen Age, au livre De Victoria Verbi du moine Rupert entre le De civilale Dei de saint Augustin et la « suite de la religion » de l’Histoire universelle de Bossuet. Il faudrait, pour faire supporter ce rapprochement, citer quelques vues profondément religieuses de l’apprenti historien ; en voici une qui annonce ces synchronismes chers à Bossuet : « Qui pourra dire ou concevoir la longueur des temps, l’antiquité qui sépare l’Incréé, des temps, des années et des jours des hommes nés d’hier ? Quand la plus ancienne des bêtes [de Daniel] sortait de la mer, quand le royaume des Assyriens s’éleva de terre, déjà cet « Ancien des jours » conversait avec Abraham, et il était aussi ancien qu’il l’est maintenant, r, « … Contre le décret de l’Ancien des jours, ces bêtes récemment surgics, dont la naissance n’avait rien apporté au monde, s’élancèrent pour le ruiner ; de là ces invasions plus ou moins larges du monde qui est le royaume de Dieu ; c’étaient des hommes qui prétendaient régner sur des hommes, alors qu’aux yeux du Seigneur tous les hommes se valent, comme un rat un rat. » Col. 1366. Reprenant les condamnations sommaires d’Augustin, il assure que les grands conquérants « régnaient dans le sang et commandaient dans la mort, qu’ils avaient soif de gloire et s’abreuvaient de calamités ». Pour le détail de ces batailles sanglantes et de ces intrigues de palais, il renvoie

« ceux qui ont le temps aux historiens profanes »,

à Josèphe, à Trogue-Pompée, cf. col. 1395, 1407, 1448, etc. ; pour lui, il préfère à ces monarchies tyranniques,

« même au point de vue du bonheur terrestre,

le sort du peuple juif captif, mais riche de la promesse d’un sauveur ». Col. 1397. Pour lui, comme pour le psalmiste, les religions païennes n’étaient que des cultes de démons, col. 1403 et 1489 ; et, parn : i les princes idolâtres, les meilleurs ne valaient rien. Col. 1377. Mieux inlormé sur le compte du peuple de Dieu, Rupert rend raison de l’imperfection de l’ancienne économie religieuse : préceptes cérémoniels transitoires (cf. De Trin., In Gènes., t. V, c. xxi et In Exod., t. II, c. xxv, t. clxvii, col. 388 et 632), préceptes moraux élémentaires, promesses exclusivement temporelles, aucune clarté sur les mystères de l’incarnation et de la passion. De vict., t. III, c. xxvii et xxviii, col. 1292. Après la déplorable insouciance d’Egypte, la Loi devait tenir les juifs en haleine, cf. t. clxx, col. 581. II explique d’après saint Paul que ces promesses temporelles de la Loi en faveur des rois étaient conditionnelles, tandis que la promesse spirituelle du Messie à Abraham et à toutes les nations était sans conditions. De vict., col. 13081310. Bien plus, il prétend, appuyé sur l’Écriture même, sur le psaume xlix, [sale, i, 11, Ézéchiel, xx, 25 et à plus juste titre sur Jérémie, vii, 22, que le culte mosaïque ne représentait qu’une tolérance divine provisoiri, col. L336-1338 et 1422 (cf. t. clxx, col. 581), tandis que la religion plus intérieure des prophètes répondait mieux aux désirs de Dieu. A l’époque de l’exil, il noie avec le maintien d’espérances terre-à-terre, une pratique religieuse plus spirituelle, plus monothéiste, consécutive aux déceptions des exilés et aux persécutions des païens. Col. 1388. Le judaïsme des scribes de la restauration n’est pas sans une certaine dignité. Col. 1355 et 1380. Cependant, jusqu’au Christ, la rcli-