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    1. SCHISME D’OCCIDENT##


SCHISME D’OCCIDENT. EFFORTS POUR LE RÉDUIRE 1478

rence où, entourés chacun de leur collège cardinalice, ils discuteraient librement de leurs droits et des moyens de rendre à l'Église son unité. S’ils ne réussissaient pas à se mettre d’accord, il acceptait la constitution d’un tribunal arbitral qui aurait pouvoir de trancher le débat à la majorité des deux tiers des voix. Cette voie dite « de compromis », qu’il prétendait plus sage et plus facilement réalisable que la voie de cession n'était évidemment, dans sa pensée, qu’une échappatoire, comme le prouvera d’ailleurs la suite des événements. En attendant, tous les efforts de ce pontife, « têtu comme une mule aragonaise », tendront à rendre vaines les tentatives ultérieures du roi de France.

L’Angleterre et la voie de cession.

Après l'échec

de son ambassade en Avignon, Charles VI, sur le conseil de l’Université, essaya de gagner à l’idée de cession l’Angleterre et l’Empire. Il sembla d’abord devoir réussir. Un rapprochement s’opérait alors entre l’Angleterre et la France : Richard II recherchait la main d’Isabelle, fille de Charles VI, et Nicolas de Fakenham l’avait convaincu qu’une union étroite des deux pays pourrait amener rapidement la fin du schisme. Voir Nicolas de Fakenham. Mais il fallait compter avec l’opinion publique et l’université d’Oxford qui, peut-être jalouse du rôle que prétendait jouer dans la chrétienté celle de Paris, se retranchait derrière le dilemme : reconnaissance universelle de Boniface IX ou convocation d’un concile général. Une délégation envoyée par l’université de Paris sous la conduite de Simon de Cramaud reçut bon accueil à la cour, mais ne put prendre contact avec les maîtres d’Oxford.

Le contrat de mariage entre Richard et Isabelle fut signé en mars 1396, ainsi qu’un armistice aux termes duquel les deux puissances travailleraient de concert à faire cesser le schisme. Richard, tout en se déclarant personnellement favorable à la voie de cession, ajoutait cependant qu’il ne pourrait rien faire pour l’imposer, vu la répugnance du clergé anglais à envisager un recours éventuel à la violence.

Comme il fallait s’y attendre, la collaboration entreprise dans ces conditions ne tarda pas à se révéler inefficace. Des messages successifs et une ambassade franco-anglaise envoyés aux deux papes restèrent sans résultat. Il en fut de même des efforts tentés en commun du côté de l’Empire.

L’Empire et la voie de cession.

A vrai dire, les

appels de la France semblèrent trouver un écho favorable auprès des archevêques de Trêves et de Cologne, des archiducs d’Autriche et de Bavière, et de Wenccslas lui-même. En octobre 1395, les princes électeurs réunis à Boppard promirent à une ambassade de l’université de Paris leur collaboration active en vue de la cessation du schisme. Mais quand, l’année suivante, les ambassadeurs français vinrent, sur leur demande, traiter avec les électeurs de la démission des deux papes, ces derniers se contentèrent de leur prodiguer de bonnes paroles, tandis que Wencestas refusait de donner audience aux délégués de l’Université et recevait ceux du roi avec une réserve polie. La diète convoquée à Francfort en mai 1397 « pour étudier les graves besoins de l'Église, de la foi et du saint Empire romain » en présence des ambassadeurs des rois de France et d’Angleterre n’aboutit à aucune décision. Wencestas s'était d’ailleurs contenté de s’y faire représenter. Cf. Deutsche Reichstagsakten, t. ii, p. 415-417. Au fond, tout se passait comme si les Allemands n’avaient d’autre dessein que de gagner du temps pour empêcher d’aboutir la voie de cession.

C’est que des considérations étrangères à l’extinction du schisme étaient passées au premier plan de leurs préoccupations. Wencestas. le roi de Bohême, l'étranger, l’incapable, contre lequel depuis longtemps les princes murmuraient en des conciliabules secrets,

venait de nommer duc de Milan Jean Galeas Visconti, l’allié des Français ; et ce geste paraissait aux Allemands attentatoire à l’honneur de l’Empire. D’autre part Gênes avait été remise à la France, et Boniface IX n’avait pas manqué d’attirer l’attention des Allemands sur le danger qu’une telle avance présentait pour leur pays. Deutsche Reichstagsakten, t. iii, p. 22, n. 9. Les velléités manifestées par Wencestas de se rencontrer avec Charles VI pour travailler de concert à obtenir la démission simultanée des deux papes achevèrent de les exaspérer. Coup sur coup, un mémoire de Robert de Bavière et un libelle des autres électeurs lui signifièrent qu’ils n’admettaient pas pareille rencontre et qu’il fallait rejeter le projet français pour soutenir sans conditions Boniface IX. Op. cit., t. iii, p. 54, n. 22.

Pressé par l’université de Prague, Wencestas passa outre et vint s’entretenir à Reims avec les régents de France qui achevèrent de le gagner à leurs vues (23 mars 1398). Cf. Chronique du religieux de SaintDenis, t. ii, p. 565 sq. Sur le conseil du duc d’Orléans, il chargea l'évêque de Cambrai, Pierre d’Ailly, de se rendre en Avignon, puis à Rome, pour exhorter les deux pontifes à accepter la voie de cession. Dès lors, sa perte était décidée. Les princes allemands se mirent en rapports avec l’Angleterre, et pour faire accepter leur plan par Boniface IX, ils donnèrent à celui-ci l’assurance de leur attachement indéfectible. Deutsche Reichstagsakten, t. iii, p. 198, n. 93.

10° La soustraction d’obédience de la France. — - La mission de Pierre d’Ailly tourna court : l’ambassadeur trouva Benoît « prêt à se laisser écorcher plutôt que de céder ». Il ne restait à Charles VI qu'à renoncer définitivement à la voie de cession ou à tenter de l’imposer par force. Le concile national de Paris qui avait préconise cette voie avait en même temps admis que des sanctions pourraient être prises au besoin pour vaincre l’obstination des papes ; le moment semblait venu de passer à l’action. Déjà depuis plus d’un an l’Université avait conclu à l’opportunité d’une soustraction partielle d’obédience et invité Charles VI à supprimer les taxes et les provisions apostoliques. Pressé d’en finir, le roi de Castille venait d’entrer dans ses vues. Charles voulut prendre l’avis du clergé de France.

Une assemblée convoquée à Paris pour le 7 mai 1398 réunit plus de deux cents ecclésiastiques sous la présidence de Simon de Cramaud. Elle poursuivit ses débats pendant deux mois. Priver Benoît de la jouissance des revenus apostoliques et de la disposition des bénéfices ecclésiastiques réservés au Saint-Siège serait évidemment lui enlever un de ses principaux moyens d’influence ; mais pouvait-on refuser obéissance au pape reconnu jusque là, aussi longtemps qu’il n’aurait pas été condamné par un concile général ? Et, si cette mesure était légitime, pouvait-on espérer qu’elle serait efficace, eu égard à l’obstination dont le pontife avait donné déjà tant de marques ? Au cours de la discussion, les partisans de la « soustraction partielle » d’obédience furent assez naturellement entraînés à préconiser une solution plus radicale. Simon de Cramaud, appuyé par les ducs de Berry et de Bourgogne, finit par faire voter, à une faible majorité, la « soustraction totale » d’obédience ; et une ordonnance datée du même jour annonça que le roi, le clergé et le peuple, se rangeant à cet avis, rompaient avec Benoît XIII. Raynaldi, an. 1398, 28 juillet.

Cette décision plaçait l'Église de France dans une situation paradoxale. Elle n’aboutit, ni à faire plier le pontife, ni à l’isoler complètement. Sommés d’abandonner la cause de Benoît, cinq cardinaux avignonnais se réfugièrent auprès du pape qui déjà mettait en état de défense le palais des Doms, escomptant l’assistance de l’Aragon. Dix-huit autres, retirés à Villeneuve, appelèrent Geoffroy de Boucicaut qui se disait man-