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SCHISME D’OCCIDENT. EFFORTS POUR LE REDUIRE


urbanistes et clémentins n’attachant d’importance qu’aux excommunications fulminées parle pape qu’ils considéraient comme seul légitime.

Ce qu’il eût fallu pouvoir réaliser, c'étaient des changements dans les convictions, des « conversions ». De part et d’autre, on s’y employa durant toute la période du schisme, à l’aide de légats ou de prédicateurs. Urbain envoya en Allemagne et en Flandre le cardinal de Ravenne, Pileo de Prata, et en Espagne, le cardinal Agapit Colonna. Clément opposa au premier les cardinaux de Saint-Étienne et de Poitiers : Guillaume d’Aigrefeuille et Guy de Malesset, tandis qu’il faisait soutenir sa cause en Espagne par le cardinal d’Aragon, Pierre de Lune. Mais souvent les princes n’accueillaient sur leur territoire et les peuples ne voulaient entendre que des porte-paroles aux idées desquels ils étaient acquis d’avance. On vit même Pierre le Cérémonieux interdire l’accès de l’Aragon à la fois aux légats des deux papes.

Cependant, à côté des armes spirituelles et des arguments d’ordre dialectique, d’autres moyens de lutte furent mis en œuvre par les adversaires : l’appel plus ou moins déguisé à l’intérêt par l’octroi de promesses et de grâces, expectatives, charges, subsides, et le recours à la force, ou, comme on prit l’habitude de dire, à la « voie de fait ». Armes aléatoires elles aussi et peu efficaces, car les ambitieux ne se faisaient pas scrupule d’accepter les faveurs, d’où qu’elles vinssent, et la reconnaissance était généralement la moindre de leurs vertus ; quant à la force, les deux papes n’avaient guère à leur disposition que celle qu’ils pourraient acquérir et conserver à prix d’argent ou de marchandages, et leurs partisans étaient trop souvent prêts à employer celle qu’ils possédaient à poursuivre, sous couleur de dévouement à l'Église, des fins plus ou moins personnelle ?.

La voie de fait sous Urbain VI.

A peine élu,

Clément VII crut pouvoir chasser de Rome son rival et s’installer à sa place au centre de la chrétienté. N’avait-il pas pour lui, outre des alliés comme Honoré Gætani, François de Vico et Jourdain Orsini, des troupes de routiers dont il avait confié le commandement à un de ses neveux, Louis de Montjoie, et le château Saint-Ange n'était-il pas aux mains de ses partisans ? Son rêve s'évanouit à la suite des défaites infligées à ses mercenaires par Albéric de Barbiano à Carpineto, puis à Marino, et de la chute du château Saintvnge qui lui faisait perdre son meilleur point d’appui (27 avril 1379). Il se réfugia à Gaète, puis à Naples où il pouvait compter sur la reine Jeanne. Un soulèvement populaire l’ayant forcé à se rembarquer avec ses cardinaux, il erra d'étape en étape jusqu’au jour où il trouva un asile sûr à Avignon, dans l’ancien palais des papes.

Ce n'était là qu’un pis-aller. Pour reconquérir l'État pontifical, Clément accepta les offres intéressées de Louis d’Anjou, frère du roi de France Charles V. Après lui avoir promis l'érection en sa faveur d’un royaume d’Adria qui serait vassal du Saint-Siège, il l’encouragea à aller délivrer le royaume de Naples, dont s'était emparé Charles de Durazzo, allié d’Urbain VI. L’expédition, brillamment commencée, se trouva arrêtée par la mort de son chef (21 septembre 1384). Voir sur elle N. Valois, op. cit., t. ii, p. 7-89. Elle fut reprise victorieusement, après la mort de Charles de Durazzo, pour le compte de Louis II d’Anjou, qui fut acclamé roi parla population napolitaine quillet 1386). Déjà Clément, fort du succès ainsi obtenu dans l’Italie du Sud et de l’influence qu’il avait acquise en Lombardie par le mariage de Louis de Touraine, le futur duc d’Orléans, avec Valentine Visconti, venait d’entamer des négociations avec Florence et Bologne, quand la mort de son rival (15 octobre 1389), rendu impopulaire par ses

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

violences et sa cruauté, arracha de ses mains son meilleur atout. Voir Urbain VI.

Tandis que la France soutenait dans la péninsule les entreprises du pape d’Avignon, en même temps que ses propres intérêts, les grandes nations demeurées fidèles au pape de Rome ne restaient pas inactives.

En Allemagne, le roi des Romains, Wencestas de Bohême, adhéra à une sorte de ligue urbaniste conclue entre les électeurs rhénans le 28 février 1379, puis renforcée bientôt par les évêques de Liège, de Wurzbourg et d’Utrecht. Le cardinal Pileo de Prata, envoyé à Prague, fut assez habile pour faire conclure à Wencestas une alliance avec Richard II d’Angleterre « contre tous lesschismatiques » (2 mai 1381). Mais Wencestas n’avait pas l'âme d’un croisé ; s’il songeait à descendre en Italie, c'était moins pour sauver la papauté, comme l’attendait de lui Urbain, que pour se faire couronner à Rome. Il se sentait d’ailleurs lié par la promesse de fidélité à la France que son père Charles IV lui avait demandée avant de mourir. Quant à Richard, il voyait surtout dans la ligue urbaniste un moyen d’obtenir l’appui du Saint-Siège et le concours de l’Allemagne dans son implacable lutte contre la France et ses satellites.

Sur le sol français, en Bretagne, en Aquitaine, en Guyenne, partout où commandaient les Anglais, l’obédience d’Urbain s'étendit progressivement ; mais les interventions armées de l’Angleterre en Flandre et en Espagne n’aboutirent qu'à des échecs. La désastreuse « croisade » menée en Flandre par l'évêque de Norwich, Henri Despenser, en 1383, avait d’ailleurs pour but essentiel d’ouvrir la route commerciale qui permettait d’acheminer de Calais à Bruges et à Gand les laines anglaises. E. Perroy, L’Angleterre et le Grand Schisme d’Occident, a clairement expliqué, p. 166-209, les dessous politiques et économiques de cette campagne.

En Espagne, l’Angleterre réussit à convertir à la cause d’Urbain son allié le Portugal ; mais la croisade qu’elle entreprit en Castille masquait mal le dessein de soutenir les ambitions de la maison de Lancastre qui se croyait des droits au trône occupé par le roi Jean. Cf. Ë. Perroy, op. cit., p. 211-268. Ses coûteux efforts n’empêchèrent pas les divers États qui composaient la péninsule d’abandonner, un à un, au profit de Clément, la neutralité dans laquelle ils s'étaient d’abord établis. La Castille avait donné l’exemple à l’assemblée de Médina del Campo en 1381 ; l’Aragon suivit en 1387, à l’avènement du roi Jean qui avait épousé Yolande de Bar, nièce de Charles V ; puis ce fut le tour de la Navarre en 1390, quand Charles III eut succédé à son père Charles le Mauvais.

La voie de fait sous Boniface IX.

La mort

d’Urbain VI (15 octobre 1389) fournissait, semblait-il, une occasion toute trouvée de rétablir l’unité dans l'Église. Les cardinaux urbanistes ne le comprirent pas. En se hâtant, sans prendre avis de personne, de lui donner un successeur, ils se rendirent pour une large part responsables de la prolongation du schisme. Du moins choisirent-ils (2 novembre), dans la personne de Pierre Thomacelli, cardinal de Naples, un homme capable par son esprit réaliste et son habileté diplomatique de restaurer en Italie l’autorité pontificale gravement compromise par son prédécesseur. Voir Boniface IX.

Boniface IX commença par s’assurer le dévouement de ses cardinaux, d’abord en rendant la pourpre à ceux que la maladresse d’Urbain avait jetés dans les bras de son rival, puis en accordant à tous sa confiance. Les Angevins clémentistes régnant à Naples, il s’empressa d’embrasser la cause des Durazzo avec lesquels Urbain s'était brouillé. Non content de faire donner la couronne au jeune Ladislas, il le seconda avec tant de persévérance que, malgré les succès éphémères d’une

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