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    1. SCHISME D’OCCIDENT##


SCHISME D’OCCIDENT. ORIGINE

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Bien des articles du Dictionnaire ont été consacrés à des personnages, papes ou théologiens, qui ont été mêlés à l’histoire du Grand Schisme, ainsi qu’aux conciles tenus pour mettre fin à la situation lamentable dans laquelle se trouvait alcrs l'Église. Nous aurons l’occasion d’y renvoyer. Notre rôle se bornera à retracer la suite des événements sans nous perdre dans le détail des faits, mais en nous efforçant d’en signaler les causes et d’en mettre en lumière les conséquences. Nous étudierons successivement : I. L’origine du schisme. II. La division de la chrétienté (col. 1471). III. Les efforts tentés pour y mettre fin (col. 1472). IV. Le retour à l’unité (col. 1484). V. Les effets du Grand Schisme (col. 1486).

I. L’origine du schisme. — Inutile de chercher trop loin l’origine du Grand Schisme. Sainte Catherine de Sienne a sans doute raison de voir en lui un châtiment de la corruption du monde ecclésiastique contemporain ; cette vue mystique n'éclaire en rien le processus historique de sa naissance. Lui assigner comme cause, avec tel historien de nos jours, le transfert de la papauté en Avignon, est presque aussi vain que d’affirmer avec Baluze qu’il fut une conséquence du retour de la papauté à Rome. Le fait est qu’il n’a pu se produire et se prolonger que par la conjonction de multiples circonstances et sous des influences extrêmement diverses.

1° L'élection d’Urbain VI (avril 1378). — Au premier rang des causes immédiates du schisme, il faut placer les interventions tumultueuses du peuple de Home dans l'élection d’Urbain VI. Si ce pape avait été choisi normalement, dans un conclave non troublé, personne n’eût cherché de raison ni trouvé de prétexte pour contester sa légitimité. Or, voici comment, de fait, les choses se passèrent.

Grégoire XI, après avoir ramené à Rome le siège de la papauté, qui depuis le début du siècle s'était retirée en Avignon, avait si peu de confiance dans l'état d’esprit des Romains qu’il avait cru devoir prendre des mesures extraordinaires pour en prévenir les effets.

Par avance, il avait validé toute élection qui réunirait les voix de la majorité du Sacré-Collège, même si les cardinaux n’avaient pu attendre l’expiration des délais canoniques, s’ils avaient dû quitter la ville ou n’avaient pu s’enfermer en conclave. Il avait en ou^re défendu au gardien du château Saint-Ange de livrer à qui que ce fût les clefs de la forteresse sans un ordre des cardinaux demeurés en Avignon. Toutes ces précautions s’avérèrent inefficaces.

A peine Grégoire eut-il rendu l'âme, que les Transtévérins d’une part, les officiers municipaux d’autre part, multipliaient auprès des futurs électeurs les démarches comminatoires et que des désordres éclataient dans la rue. Non content d’avoir obtenu la garde du prochain conclave, le peuple expulsa les nobles et appela des contadins et des montagnards armés qui semèrent la panique dans la ville. Ce que le peuple romain voulait, c'était empêcher un nouveau départ de la cour pontificale pour Avignon. Plusieurs cardinaux songèrent à chercher secours auprès des routiers qui se tenaient à proximité de Rome ou à s’enfermer dans le château Saint-Ange ; mais l’idée fut écartée et le serment prêté par les bannerets de protéger la liberté du SacréCollège inspira confiance à beaucoup.

Lorsque, le 7 avril, les électeurs se rendirent au Vatican pour entrer en conclave, ils durent traverser sur la p’ace Saint-Pierre une foule qui criait : « Nous voulons un pape romain, ou du moins italien 1°, et qui les menaçait de les mettre en pièces s’ils n’accédaient à ce désir. Des hommes d’armes les suivirent dans le palais. Le soir encore, des officiers municipaux vinrent leur dire qu’il y aurait pour eux péril de mort à braver la volonté populaire. Le lendemain matin sonna dans

la ville le tocsin, signal ordinaire des émeutes, et la foule menaçante accourut de nouveau. Il fallut, pour la calmer, la promesse des cardinaux de lui donner satisfaction. Après une délibération confuse où se manifestèrent à la fois la crainte de s’exposer aux fureurs du peuple et celle de faire une élection nulle, faute de liberté, ils fixèrent leur choix, à l’unanimité moins une voix, sur l’archevêque de Bari : Barthélémy Prignano. On envoya quérir l’intéressé, mais avant qu’eût pu être obtenu son consentement, l’entrée du conclave fut forcée par la populace ; plusieurs conclavistes, persuadés qu’elle n’exigeait pas seulement un pape italien mais un Romain, intronisèrent de force le vieux cardinal de Saint-Pierre. Les cardinaux se réfugièrent, qui au château Saint-Ange, qui hors la ville. Ils se retrouvèrent douze le lendemain pour recevoir l’acceptation de Prignano et faire annoncer au peuple son élévation.

Urbain VI fut intronisé le jour de Pâques, 18 avril, et couronné à Saint-Pierre. Le Sacré-Collège notifia son avènement aux six cardinaux restés en Avignon, à l’empereur et aux souverains catholiques. Pour la reconstitution de tous ces événements, voir N. Valois, La France et le Grand Schisme d’Occident, t. i, p. 8-64.

Les fautes d’Urbain.

Quelque dramatiques

qu’eussent été les circonstances qui avaient entouré l'élection de l’archevêque de Bari, quelque pression qui eût été exercée sur leur vote, les cardinaux les auraient peut-être vite oubliées si le nouvel élu s'était montré égal à sa réputation. On le croyait bon et prudent, l’expérience des affaires et la connaissance des hommes qu’il avait acquises à la cour d’Avignon faisaient espérer qu’il saurait se concilier la sympathie unanime du Sacré-Collège. Il se révéla aussitôt dur et fantasque. Ses exigences maladroites et ses procédés violents à l'égard de ses électeurs de la veille eurent tôt fait, en leur faisant regretter de l’avoir à leur tête, de raviver les doutes que certains avaient pu concevoir sur le caractère canonique de son élection.

Quand arriva à Rome le cardinal d’Amiens, Jean de La Grange, le terrain était favorable aux excitations auxquelles allait se livrer ce conseiller de Charles Y. Voir N. Valois, op. cit.. t. i, p. 69-72.

3° L'élection de Clément VII. — Autorisés à quitter la ville, aux approches de l'été, les cardinaux citramontains se rendirent à Anagni entre le début de mai et la fin de juin. Quinze jours plus tard, Bernardon de La Salle, appelé de Viterbe par le camerlingue Pierre de Cros, les prenait sous sa protection avec ses routiers, après avoir écrasé au Ponte Teverone les Romains qui voulaient s’opposer à son passage. Alors, le 2 août, se sentant enfui en sécurité, ils publièrent une sorte de manifeste où ils s’efforçaient de prouver que l'élection d’Urbain VI était entachée de nullité, faute d’avoir été suffisamment libre, et invitaient l'élu à déposer les insignes du souverain pontificat (2 août). Texte dans Baluze, Vite paparum Avenionensium, éd. Mollat, t. iv, p. 821-826. Sans attendre la réponse de l’intéressé, ils lancèrent l’anathème contre Barthélémy Prignano, archevêque de Bari, qu’ils déposèrent comme « intrus » (9 août), lui reprochant de s'être entendu avec les chefs de la milice romaine pour faire imposer son nom par la foule aux cardinaux terrorisés. Puis ils transportèrent leur résidence à Fondi, où ils étaient assurés de la protection de la reine Jeanne de Naples.

Leurs collègues italiens, qui jusque là avaient essayé de s’entremettre entre eux et Urbain, les rejoignirent vers la mi-septembre, à l’exception du cardinal de Saint-Pierre, alors mourant, et assistèrent sans protester à l'élection d’un nouveau pontife (20 septembre).

Robert de Genève, sur le nom duquel s'étaient portés douze suffrages sur treize, était fils du comte Amédée III de Genève et p^tit-cousin, par sa mère, du roi de France. Êvêque de Thérouanne, puis de Cambrai,