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SCHISME BYZANTIN. CONCLUSION


la Russie comptait 520 monastères d’hommes, peuplés par 9 317 proies et 8 266 novices, et 300 couvents de femmes avec 12 652 professes et 40 275 novices. Le grand nombre des novices par rapport aux profès et professes, surtout parmi les moniales, s’explique par la législation dont nous avons parlé plus haut. Cela faisait une population monastique d’environ 80 000. Une statistique de 1901 portait encore ce chiffre à 84 000. Après la persécution soviétique, la vie religieuse est à peu près anéantie sur’e sol de la Russie. En 1913, la république monastique de l’Athos s’élevait à G 345 moines ; en 1928, elle s’était abaissée à 4 858 sujets. Dans l’ancienne Grèce, en 1830, on trouvait 593 monastères peuplés par 3 000 moines ou moniales ; en 1919, on y comptait 151 monastères, 1 562 moines ou moniales et 217 novices. L’Église de la Vieille-Serbie avait, en 1903, 53 monastères et 113 moines ; en 1934, le patriarcat serbe possédait 204 monastères, avec 397 moines, 2725 hiéromoines et 237 religieuses. Beaucoup de ces moines, en Yougoslavie comme dans les autres pays balkaniques, méritent à peine ce nom, n’étant souvent que de simples gardiens des immeubles, et des fermiers au nombre de deux ou trois. L’Église de Chypre avait encore 37 monastères en 191 1 ; aujourd’hui il n’y en a plus que 7, peuplés de 80 moines environ. Sur le territoire de la Roumanie d’avant-guerre, le nombre des religieux a diminué de moitié en quarante ans. L’Église roumaine actuelle n’a plus que 44 monastères d’hommes peuplés par 1 500 moines et 24 monastères de femmes avec 1 850 religieuses. La Bulgarie de 1905 comptait 180 moines et 318 moniales répartis sur 89 monastères ; la Bulgarie de 1924 n’avait plus que 140 moines et 153 moniales. Dans les trois patriarcats d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, on ne trouve plus qu’un nombre insignifiant de monastères presque tous dépeuplés. C’est donc partout la décadence et une décadence qui paraît irrémédiable, vu la baisse du sentiment chrétien et l’abandon de jour en jour plus accentué des pratiques religieuses dans les Églises autocéphales.

VIL Conclusion. — 1° Notre étude sur la nature et les effets du schisme byzantin montre que l’Église, ou plutôt le groupe d’Églises issues de ce schisme, n’a pas échappé au sort commun de toutes les chrétientés séparées du centre commun de l’unité catholique, c’est-à-dire de l’Église romaine. Ce sort commun, c’est l’arrêt dans la vie et le développement, c’est le dépérissement progressif. La loi s’est réalisée pour le donatisme, pour le nestorianisme, pour le monophysisme. Ce qu’on peut appeler le byzantinisme ne fait pas exception. Le byzantinisme, c’est essentiellement la tentative de vivre dans l’orthodoxie en supprimant Pierre, de maintenir l’Église et tout ce qui la constitue en écartant le pape. De l’Église gréco-russe, produit du schisme byzantin, on peut donner une définition aussi brève que compréhensive : c’est l’Église sans le pape ; c’est l’Église catholique telle qu’elle existait au ix’siècle amputée de son chef visible, l’évêque de Rome, et essayant de continuer sa course sans lui dans une pleine autonomie. Ce que l’Église devient sans le pape, c’est la démonstration, c’est la leçon en acte que nous donne l’histoire de l’Église byzantine, une fois passée autocéphale.

La papauté est avant tout, dans l’Église, principe d’unité. Ce qu’est devenue l’unité dans l’Église byzantine séparée, nous l’avons constaté. Après s’être maintenue pendant quelque temps, l’unité sociale a disparu la première dans le morcellement des Kgliscs autocéphales nationales ou ethniques. De l’unité de foi entre ces diverses Églises il ne peut être question que si l’on fait table rase de t ont ce qui a été agité, controversé, défini, condamné, officiellement déterminé durant les siècles de séparation, pour revenir au statuquo

dogmatique des huit premiers siècles, statu quo tronqué, du reste, d’éléments essentiels, incompatibles avec le schisme lui-même, comme l’est la primauté de juridiction de l’évêque de Rome. Hors de ce minimum, rien de stable et de définitif n’est retenu du travail polémique et théologique d’une longue série de siècles : c’est partout le règle du libre examen et des opinions théologiques. Quant à l’unité de communion, elle ne pouvait durer longtemps, une fois disparue l’unité de gouvernement. Depuis longtemps rompue par le schisme bulgare, elle n’est plus qu’un souvenir du passé, après l’apparition des récents schismes russes. Si nous passons à l’unité canonique ou disciplinaire, le césaropapisme, qui sévit dans ces Églises, n’a laissé subsister que des fragments de l’antique discipline. Ces fragments, du reste, loin d’être un élément de progrès, constituent souvent une entrave, à cause de leur manque d’adaptation à la situation présente. Seule se maintient encore l’unité rituelle.

Du point de vue doctrinal, la papauté est à la fois principe d’immutabilité et principe de progrès. Conservant ce qui est définitivement acquis par la tradition des siècles antérieurs, elle se montre sinon toujours l’initiatrice, du moins la régulatrice du progrès légitime dans la connaissance de la vérité révélée. C’est par elle ou sous sa direction que, devant de nouvelles hérésies, s’élaborent de nouvelles définitions dogmatiques, que de nouvelles controverses reçoivent leur solution définitive. Elle incarne le magistère infaillible vivant dont Jésus-Christ a voulu doter l’Église qu’il a fondée. Dans l’Église byzantine séparée et ses filles modernes, que voyons-nous ? L’impuissance radicale la plus absolue à trancher définitivement une controverse doctrinale quelconque, dès que l’objet en dépasse le cercle des définitions expresses des sept premiers conciles oecuméniques. Comme organe d’un enseignement infaillible il ne reste à ces Églises que le concile œcuménique. Or, nous l’avons vii, le concile œcuménique s’avère chez elles impossible en droit comme en fait, tant que dure le schisme avec l’Eglise romaine. En fait, ces Églises reconnaissent n’avoir pas eu de concile œcuménique, depuis celui de Nicée de l’année 787. C’est pourquoi elles n’ont réalisé, à partir de cette date, aucune acquisition dogmatique nouvelle. De là leurs variations perpétuelles sur un grand nombre de vérités capitales non expressément définies par les anciens conciles. A ce domaine des variations perpétuellement renaissantes appartiennent en première ligne les points dont on a fait grief aux Latins, au cours des siècles, pour justifier la séparation. Certains théologiens « orthodoxes » réunis en congrès à Athènes en 1936 reconnaissaient cette impuissance doctrinale de leur Église lorsque, passant par dessus le millénaire du schisme, ils déclaraient qu’il fallait revenir aux anciens Lères grecs pour retrouver la source de la véritable orthodoxie. Le schisme a ainsi abouti pour l’Église séparée à la faillite doctrinale la plus complète.

Principe d’unité, principe d’infaillibilité et de propres dans la doctrine, la papauté est aussi pour l’Église principe d’indépendance vis-à-vis du pouvoir civil. Ayant repoussé l’autorité supérieure du pontife romain, l’Église byzantine et ses filles devaient fatalement tomber sous la suprématie de l’État. L’autonomie qu’elles ont recherchée par le schisme s’est vite changée en servitude vis-à-vis de César. Nous avons brièvement esquissé l’histoire et les formes diversede cet esclavage, cause de tant de maux et de tant de déficiences dans le domaine religieux, mais aussi cause. pour une bonne part, de persistance de ces Églises ei de leur cohésion intérieure.

Enfin la papauté est principe de fécondité et de réforme dans l’activité religieuse considérée sous toutes