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    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. ÉTAT DU CLERGÉ

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complète liberté et un plein rendement, tant à cause de sa sujétion au pouvoir civil que de l’absence, chez elle, d’une autorité souveraine capable d’opérer les réformes nécessaires et d’adapter la liturgie et la discipline aux besoins des temps et des lieux. Cette double lacune ressort suffisamment de ce que nous avons dit jusqu’ici.

Parmi les moyens d’entretenir la vie chrétienne dans le peuple fidèle, l’un des plus indispensables est certainement la prédication de la parole de Dieu. Sous ce rapport, l'Église gréco-russe, considérée dans son ensemble et à toutes les périodes de son histoire, et de nos jours, comme autrefois, nous apparaît dans un état d’insuffisance et d’infériorité notoire. « Dans l’ancienne Eglise russe, écrit le canoniste Souvorov, Manuel de droit ecclésiastique, 4e éd., Pétrograd, 1912. p. 322-323, la prédication n'était pas répandue. Elle nous vint par Kiev de l’Occident. Pierre le Grand et Catherine II la réglementèrent et essayèrent de la rendre plus fréquente. Jusqu'à nos jours, dans les églises paroissiales, et spécialement dans les paroisses rurales, elle a présenté un caractère occasionnel, si on la compare à la prédication ecclésiastique en Occident. » Ce qui a beaucoup gêné la prédication en Russie, pendant la période synodale, c’est la censure préalable, à laquelle les sermons étaient soumis. Cf. A. Palmieri, La Chiesa russa, p. 354-363.

Les autres autocéphalies n’ont pas connu cette entrave, mais la prédication n’y a pas été plus prospère. On y prêche encore quelquefois dans les paroisses citadines. Dans les paroisses rurales, le sermon est une rareté. C’est que les prêtres capables d’annoncer la parole de Dieu manquent. En 1908, une statistique ne mentionnait pour l'Église du royaume hellénique que 22 prédicateurs pour 32 diocèses. En pays grec, il n’est pas rare que la chaire sacrée soit occupée par des laïcs instruits : avocats, professeurs, etc. En 1905, le métropolitain de Belgrade, Dimitri PavloviC, devenu depuis patriarche des Serbes, constatait qu’on ne prêchait en Serbie que deux fois l’an, aux fêtes de Noël et de Pâques. Seule l'Église métropolitaine de Belgrade se donnait le luxe d’un sermon à toutes les grandes l'êtes.

Il ne faut point chercher dans les Églises autocéphales la pratique de la confession et de la communion fréquentes. Les confesseurs y font encore plus défaut que les prédicateurs. En beaucoup d’endroits, les prêtres mariés sont privés du pouvoir de confesser et les Pères spirituels sont uniquement choisis parmi les moines. Sur la discrétion des Pères spirituels, les pénitents ne peuvent pas toujours compter. En Russie, une grave atteinte au secret de la confession avait été sanctionnée par le Supplément au Règlement ecclésiastique de Pierre le Grand, promulgué le 17 mai 1722 : Tout prêtre russe, au moment de l’ordination, s’engageait par serment à révéler le secret : 1° en cas de complot contre la vie du tsar ou des membres de sa famille, ou contre la sûreté de l'État ; 2° en cas d’invention de Taux miracles ou de fausses reliques. La révélation était prescrite, et sous peine de mort, lorsque celui qui confessait l’un des péchés indiqués n’en manifestait aucune contrition, mais persistait dans son marnais dessein. Dans ce cas, disait l’instruction officielle, le confesseur ne révèle pas une véritable confession, ne transgresse point les canons, mais plutôt il accomplit ce que Dieu nous a enseigné lorsqu’il a dit : « Si votre frère a péché contre vous, allez et reprenez-le entre vous et lui seul ; s’il vous écoule, VOUS aurez gagné Notre frère ; s’il ne VOUS écoute pas. dites le à l'Église. » Matth., xviii, 15. Si encore la dénonciation ne se pratiquait que pour ces péchés particulièrement graves ! Mais il est malheureusement difficile de nier que les confesseurs dissidents ne se soient parfois donné d’autres libertés sur ce

chapitre. Dans son Histoire de la Russie, t. xv. Soloviev déclare que l'évêque de Rostov, Dimitri († 1709), que l'Église russe a canonisé, était obligé de s'élever contre les prêtres qui racontaient ce qui leur avait été dit en confession. Cf. Gagarin, La réforme du clergé russe, Paris, 1867, p. 132, en note.

Souffrant de la pénurie de prédicateurs et de confesseurs, l’orthodoxie orientale n’a pas été totalement dépourvue, en Russie du moins, de directeurs spirituels. Nous voulons parler de cette catégorie de saints russes connus sous le nom de starlsij : « Un starets est un laïque, un moine ou hiéromoine (= moineprêtre), rarement un prêtre séculier, qui prie beaucoup en particulier, pratique des austérités et sert de directeur d'âme à des gens du monde ou à des religieux. Les startsij sont d’ordinaire des gens peu cultivés mais d’une sincère piété. Le plus souvent il faut aller les chercher dans les forêts épaisses ou dans les cavernes ; d’autres fois, au contraire, ils vivent en plein dans le monde. Leur influence sur toutes les classes de la société fut toujours immense en Russie… Ouand le fameux aventurier Raspoutine voulut prendre en main le gouvernement de la Russie, il ne se fit ni prêtre, ni moine, ni prédicateur, mais pendant un certain temps il joua à merveille le rôle de starets : le rusé moujik savait bien que c'était le meilleur, peut-être l’unique moyen pour avoir dans toute la société russe un prestige illimité. Aujourd’hui, sous le joug bolchéviste, l’influence des startsij sur les fidèles est encore plus considérable. La jeunesse rurale a une grande confiance en eux. » S. Tyszkiewicz, Spiritualité et sainteté russes, loc. cit., p. 361-362. Cf. la revue de la jeunesse russe émigrée Vorojdénié (La renaissance), 3 avril 1934. La question est desavoir si cette confiance est toujours méritée. Le cas de Raspoutine montre bien que non. Sans être un fourbe ou un charlatan, le starets, étant en général peu instruit, est exposé à verser dans l’illuminisme et à égarer ceux qui le suivent. De là, le pullulement des sectes sur le sol de la sainte Russie.

Les déficiences que nous venons de signaler dans la vie chrétienne des Églises autocéphales proviennent d’une source commune : le manque de prêtres instruits et zélés qui soient vraiment à la hauteur de leur vocation. C’est de ce clergé dont il nous faut maintenant dire un mot.

/II. ÉTAT du CLERGÉ SÉCULIER. — Alors que dans l'Église latine le haut et le bas clergé sont soumis à la loi du célibat perpétuel, l'Église byzantine et les Églises autocéphales sorties de son sein n’imposent cette loi qu’aux seuls évoques. Les prêtres et les diacres, primitivement aussi les sous-diacres, s’ils ont contracté mariage avant l’ordination au sous-diaconat — aujourd’hui avant l’ordination au diaconat — continuent à mener la vie conjugale. Ils sont même obligés de ne pas se séparer de leur femme sous peine d’excommunication, d’après le concile in Trullo, toujours en vigueur, qui a définitivement fixé cette législation.

En imposant le célibat aux évêques, ce concile a parle fait même reconnu qu’il représente un état de vie plus parlait que le mariage et plus séant aux fonctions du sacerdoce. Il l’a reconnu aussi en interdisant sévèrement aux clercs les secondes noces. Aussi a l il simplement permis, non imposé, le mariage au clergé inférieur. Avec le temps cependant, ce qui était simple licence est devenu pratiquement la règle, règle obligatoire en certains endroits, comme dans l'Église lusse, où par le fait de la coutume, le bas clergé, appelé clergé blanc, était organisé en véritable caste, tandis que les évêques étaient uniquement choisis parmi les moines, qualifiés de clergé noir.

Ces institutions ont toujours pesé et pèsent encore