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L453 SCHISME BYZANTIN. LES MOYENS DE SANCTIFICATION 1454

osé protester contre la multiplicité et la longueur des cérémonies extérieures et les ont dénoncées comme un obstacle à la vie de prière et de recueillement. Au xv siècle, Nil Sorskij (1433-1508), recherche la sobriété des offices, insiste sur l’oraison mentale, l’union intime avec Notre-Seigneur et considère les prières vocales comme un accessoire, dont il faut user avec modération comme d’un repos après le vrai et solide travail de la méditation. II déclare que quitter la méditation sans nécessité, simplement pour aller psalmodier, c’est commettre un adultère spirituel. Pour la messe, il ne tolère que le chant à l’unisson de deux ou trois prières, le reste devant être simplement récité avec dignité. Au xviiie siècle, le saint moine Païse Yelickovskij tente de rétablir dans les monastères russes le primat de l’oraison mentale sur les offices liturgiques et proteste contre l’abus du chant durant ces oflices, tandis que l’ascète Georges le Reclus écrit avec tristesse : « Trop de gens se laissent fasciner par l'éclat extérieur des offices et bien rares sont les chrétiens désireux do boire aux sources silencieuses qui sourdent de l'âme purifiée. » Au xixe siècle, l'évêque Théophane le Reclus, célébrait la messe tous les jours, mais d’ordinaire à voix basse et toujours sans servant, ce en quoi il exagérait. Cf. S. '1 yszkiewicz, Spiritualité et sainteté pravoslaves, dans Gregorianum, t. xv, 1934, p. 349-37(i.

Le ritualisme touffu aurait besoin d'être émondé. Il faudrait des réformes, des suppressions, des innovations. Il faudrait faire circuler un air nouveau dans te legs liturgique d’un passé millénaire. Malheureusement il manque une autorité centrale pour prendre l’initiative des réformes qui s’imposeraient. Ces réformes, hâtons-nous de le dire, n’iraient pas sans danger, à cause de l’attachement excessif à des rites que le grand nombre considère comme faisant corps avec l’orthodoxie.

Il y a une trentaine d’années, le patriarche œcuménique Joachim III voulut introduire quelques tempéraments dans la manière traditionnelle de jeûner pour faciliter à l’ensemble des fidèles l’observance de la loi de l'Église. Sa tentative déchaîna une tempête dans le monde grec. On l’accusa de se faire l’apôtre du relâchement, de vouloir jouer au pape, et on lui rappela que seul un concile œcuménique peut décréter des changements de cette importance. En attendant le concile œcuménique, les fidèles continueront à jeûner à l’ancienne manière à moins que, devant l’impossibilité d’observer les vieux usages, ils ne jeûnent pas du tout : ce qui n’arrive que trop fréquemment.

L’excès du ritualisme a été aggravé dans l'Église russe, durant la période synodale, par ce qu’on peut appeler le culte de la façade. On remarque, durant cette période, un dessein arrêté de faire bonne figure à l’extérieur, surtout en face de l'Église catholique, et de dissimuler aux yeux des étrangers les plaies secrètes de l'Église officielle. Cette tendance concorde bien avec le mouvement slavophile, qui cherche à dénigrer de toute façon tout ce qui vient de l’Occident et spécialement le catholicisme : « Nulle part ailleurs, a écrit Vladimir Soloviev, le décor extérieur ne joue un si grand rôle dans les choses religieuses ; nulle part ailleurs on ne court plus après les apparences ; nulle part ailleurs la dévotion n’a un caractère plus hypocrite, ou du moins plus irréfléchi, que dans l'Église russe. » L’idée russe, p. 35. Depuis la séparation de l'Église et de l'État et la persécution bolchéviste, un violent mouvement de réforme, s’est déclenché au sein du clergé blanc ou clergé séculier. Sous les noms d’Eglise vivante, d'Église de la renaissance ecclésiastique, puis d’Eglise de la rénovation ecclésiastique ou Eglise synodale, une secte importante s’est formée qui a pris tout de suite des allures révolutionnaires. Mais

les innovations les plus sensationnelles qu’elle a opérées ont été d’ordre canonique et ont favorisé les visées du clergé blanc : abolition du célibat pour les évêques, concession des secondes noces aux prêtres et aux diacres. Dans l’ordre liturgique, on a adopté l’usage de la langue vulgaire et décidé en principe d’abréger les offices. Ces tentatives n’ont eu jusqu’ici d’autre résultat que d’augmenter les divisions intestines de l'Église russe. Pour opérer une réforme d’ensemble valable pour toutes les autocéphalies, il ne faudrait rien moins qu’un concile œcuménique. Sur le terrain de la vie chrétienne et de la piété liturgique comme dans les autres domaines, ce qui manque à l'Église gréco-russe pour émonder les branches mortes et faire circuler une nouvelle sève, c’est une autorité centrale reconnue de tous, capable de réprimer les abus, d’imposer les réformes opportunes, de discerner et de favoriser les formes nouvelles écloses au souille de l’Esprit.

II. LA MnRALE CHRÉTIENNE ET L’UTILISATION DES

MOYENS de SANCTIFICATION. — Parmi les préceptes du Sauveur, confiés à la garde de l’Eglise, il en est un d’une portée sociale considérable : c’est celui de l’indissolubilité du mariage, point capital de la morale chrétienne, sur lequel l'Église ne saurait transiger, tellement formelle est la volonté de Jésus-Christ à ce sujet : « Que l’homme, dit-il, ne sépare pas ce que Dieu a uni. » Matth., xix, 10.

Or, dans l’ancienne Église byzantine et ses Mlles, les Églises autocéphales modernes, on constate une violation constante de cette loi pour des raisons tellement nombreuses que le contrat matrimonial. élevé par Jésus-Christ à la dignité de sacrement, y paraît comme l’une des conventions sociales les moins stables et les plus faciles à résilier. En 542, la CXVII € novelle de Justinien reconnaissait déjà cinq ou six causes de divorce. Mais il ne semble pas que l'Église byzantine ait fait sienne cette législation avant la seconde moitié du ix ( e siècle. On constate en effet qu'à la fin du vir 3 siècle, le concile in Trullo ne s’y réfère nulle part et que ses canons sont, au contraire, tout favorables à la doctrine catholique de l’indissolubilité. C’est seulement dès la fin du IXe siècle, au moment où l’influence de l'Église romaine devient à peu près nulle en Orient, que l'Église byzantine commence à capituler devant l’austérité de la morale évangélique. Les causes de divorce posées par la novelle de Justinien sont acceptées. D’autres s’y ajoutent successivement, soit par l’initiative des empereurs, soit par celle des patriarches œcuméniques, si bien qu’au xve siècle le droit canon byzantin pouvait en énumérer une vingtaine. Loin de diminuer dans la période moderne, leur liste s’est encore accrue de quatre ou cinq cas. Considérablement réduites quant au nombre dans l'Église russe par la législation de Pierre le Grand, ces causes de divorce ont été de nouveau adoptées par le concile de Moscou de 19171918. Du reste, même sous le régime de Pierre le Grand, la réduction fut plus apparente que réelle, le tsar conservant le pouvoir discrétionnaire de prononcer le divorce en cas de supplique à lui adressée, et la cause qui s’appelait absence sans nouvelles pouvant être si facilement exploitée. Pour les détails voir l’article Mariage dans l'Église gréco-russe, t. ix, col. 2323-2329. La gravité de l’atteinte portée à la morale chrétienne par cette pratique effrénée du divorce ne saurait être dissimulée ni atténuée.

Bien que conservant la plupart des moyens de sanctification qu’on trouve dans l'Église catholique : Écriture sainte et tradition des huit premiers siècles. hiérarchie, sacrements, olfices liturgiques, sacramentaux, jeûnes, prescriptions canoniques, monachisme, etc., l'Église gréco-russe ne peut les utiliser avec une