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    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. LA VIE CHRÉTIENNE

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la population indigène est dans ces régions extrêmement raréfiée.

Si nous passons aux autocéplialies plus récentes, mais dont quelques-unes ont déjà un siècle d’exislence : Église hellénique, Église serbe, Église roumaine, nous constatons chez elles l’absence totale de préoccupations missionnaires. Quelle différence avec ce que nous voyons de nos jours dans l'Église catholique, là-même où ses fidèles sont une minorité, comme par exemple, en Hollande.

Cette stérilité des Églises autocéphales byzantines dans l’ordre de l’apostolat de conquête ne doit pas trop nous surprendre. Le fait que la plupart d’entre elles sont étroitement soumises à l'État leur enlève leur liberté d’action, met toute leur activité sous contrôle, les isole les unes des autres, aucune d’entre elles ne pouvant imposer aux autres une initiative quelconque. La perte de leur indépendance entraîne pour elles la perte de ce que nos théologiens appellent la catholicité de droit, c’est-à-dire l’aptitude à évangéliser les autres peuples. Far le fait que chaque Église autocéphale est marquée de l’empreinte étatiste et nationale, elle se révèle inapte à l’apostolat universaliste. Elle devient suspecte aux peuples auxquels elle veut prêcher l'Évangile. Ceux-ci soupçonnent chez le missionnaire l’agent de l'étranger. Cette inaptitude, du reste, n’a guère eu l’occasion de se manifester sinon à l’intérieur de l’empire russe. En fait, nous l’avons vii, les Églises autocéphales n’ont pas de missions étrangères ; et elles n’en ont pas, parce qu’elles manquent de missionnaires. Ces missionnaires, où les trouver ? Ce ne peut être dans le clergé séculier, qui est marié, dont le recrutement est fort difficile et la formation très sommaire, une élite exceptée. Ce ne peut être parmi les moines, tous voués à la forme ancienne de la vie religieuse et dont l’ensemble ne représente nullement une élite, comme nous le montrerons tout à l’heure. Au demeurant, le monachisme gréco-russe, depuis longtemps tombé en décadence, voit le nombre de ses membres diminuer de jour en jour. Tl est inexistant, ou à peu près, dans la plupart des autocéphalies actuelles et, dans quelques-unes, le nombre des monastères dépasse celui des moines. Eorce nous est donc d’enregistrer la carence à peu près complète de l'Église gréco-russe dans le domaine de l’apostolat missionnaire.

VI. Le schisme ijyzantin et la vie chrétienne. — Il est fort difficile de porter un jugement motivé sur l'état de la vie chrétienne dans une Église quelconque. La difficulté s’accroît, lorsque l’enquête doit porter sur une longue suite de siècles. Partout on trouve du bien, et partout beaucoup de mal. Il est rare que les lacunes, les abus, les désordres signalés actuellement dans telle Eglise ne se rencontrent dans les autres à une époque donnée de leur histoire ; et cela n’a rien d'étonnant, puisque les chrétiens, à quelque confession qu’ils appartiennent, sont des hommes sujets aux mêmes faiblesses, avant à lutter contre les mêmes passions. En matière de bien, comme en matière de mal, il ne peut être question que de degré et de durée, d’alternatives d’abus et de réforme, de décadence et de renouveau. Les dangers à éviter, ce sont les généralisations hâtives, l’abus du sophisme (tb uno disce omîtes, la tendance à trouver mal ce qui est moins parfait, à critiquer dans le voisin ce qui a existé chez soi durant de longs siècles, à vouloir exiger chez les autres ce qui est chez soi un progrès, une innovai ion heureuse de date récente. Pour échapper le plus possible à ces dangers dans le sujet que nous devons traiter présentement, nous nous attacherons moins aux faits transitoires qu’aux institutions permanentes, moins aux cas particuliers et locaux qu’aux caractères généraux et communs que présente la vie chrétienne

dans les diverses Églises autocéphales de rite byzantin. Nous étudierons successivement : 1° Les caractères généraux du christianisme byzantin au point de vue de la vie chrétienne. 2° La morale chrétienne et l’utilisation des moyens de sanctification dans les Eglises autocéphales de rite byzantin. 3° L'état du clergé séculier dans ces Églises. 4° L'état du clergé régulier.

I. CARACTÈRES GÉNÉRAUX LU CHRISTIANISME BYZANTIN AU POINT DE VIE DE LA VIE CHRÉTIENNE.

— En parlant plus haut des caractères généraux du schisme byzantin, nous avons signalé une tendance exagérée au conservatisme, l’horreur de toute innovation, de tout progrès, l’installation dans le définitif pour tout et pour toujours. Tout ce qui regarde la religion est considéré comme un bloc intangible aussi immuable que le dogme, auquel on ne peut rien ajouter ni retrancher. Cette conception s’applique aussi aux pratiques de la vie chrétienne, aux formes de la piété. Elles font partie du dépôt de la tradition légué par les ancêtres, dépôt qu’il s’agit de conserver et non d’enrichir. Cette absence de créations nouvelles dans le domaine du culte et de la piété est ce qui étonne le plus le chrétien occidental et lui donne l’impression de la stagnation. Le chrétien oriental a, de nos jours, les mêmes dévotions que ses ancêtres du ixe siècle : même manière de prier, de jeûner, de se mortifier ; mêmes processions, mêmes longs offices, auxquels on fait acte de présence sans se croire obligé d’assister tout au long, cet office serait-il la messe du dimanche : même culte de la sainte Vierge et des saints et surtout de leurs icônes et de leurs reliques. Le calendrier des fêtes lui-même n’a guère varié, sauf pour laisser une place aux saints locaux. La sculpture religieuse n’a pas survécu aux persécutions iconoclastes, et seule est restée l’iconographie stéréotypée, condamnée à reproduire sans cesse les mêmes modèles fixés par la tradition. C’est à peine si en ces derniers temps l’iconographie russe avait commencé à s’affranchir de cette servitude.

Cette stabilisation dans les formes anciennes a dû contribuer à l’affaiblissement progressif de la vie intérieure. Un observateur attentif ne tarde pas à s’apercevoir que la piété orientale est presque tout entière dans la récitation des formules et l’exécution des rites extérieurs. Quand on assiste aux offices des Grecs dissidents, on est frappé du manque de recueillement de l’ensemble des fidèles. Pendant que les chantres exécutent des mélodies interminables, auxquelles s’associent parfois un petit nombre d’initiés, c’est le va-et-vient perpétuel et bruyant de la foule, qui cause à haute voix. Les plus pieux participent à la cérémonie par de nombreux signes de croix et des Kyrie eleison répondant à la litanie chantée du diacre. Il y a plus d’ordre et de tenue dans les églises slaves ; mais là aussi le formalisme rituel paraît tenir la place principale. L’Orient dissident ignore la pratique de la méditation et de l’oraison silencieuse, de la visite du Saint-Sacrement, les multiples formes de la piété individuelle et solitaire, les démarches spontanées de la ferveur personnelle. Cela est affirmé de l’ensemble, de la masse du clergé et des moines comme des fidèles de jour en jour plus rares qui fréquentent encore les églises. Nous gardons le souvenir de tel diacre grec de Constant inople, mal converti au catholicisme et bientôt retourné à son Église, qui n’arrivait pas à comprendre ce que pouvaient faire des religieux catholiques pendant la demi-heure consacrée a la méditation du matin. Il y a évidemment des exceptions à cette méconnaissance de la vie intérieure et de l’oraison. Ces exceptions, on les trouvera de tout temps parmi les moines, surtout en Russie. On découvre même, en ce dernier pays, à certaines époques, un courant antirilualiste assez prononcé. Des ascètes ont