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SCHISME BYZANTIN. RAPPORTS AVEC L’ÉTAT


5. L’Étal contrôle toujours l’administration des biens ecclésiastiques. Il n’est pas rare qu’il se permette des confiscations malgré les protestations de l’Église.

Au demeurant, cette mainmise de l’État sur l’Église, malgré son caractère d’intrusion et d’usurpation, est, tout compte fait, plus utile que préjudiciable aux autocéphalies nationales. Elle dirime les conflits, empêche les schismes intestins, arrête les controverses doctrinales, impose parfois des réformes salutaires, pourvoit à l’entretien du clergé, défend efficacement l’Église contre les ennemis du dedans et du dehors et spécialement contre la propagande étrangère, si bien qu’on est en droit d’affirmer qu’elle constitue pour chacune des Églises autocéphales soumises à ce régime le plus ferme soutien de son existence, le plus sûr garant de sa stabilité. Il suffit, en effet, que cette main de l’État se retire pour qu’aussitôt naissent les conflits sans issue, se multiplient les schismes et les divisions, comme en témoigne l’histoire de l’Église russe contemporaine, depuis qu’elle est livrée à elle-même. Ne compte-t-on pas, à l’heure actuelle, une douzaine de hiérarchies russes différentes, dont plusieurs s’anathématisent entre elles" ? Et, pour ce qui est du dogme, les audaces de l’école théologique russe de Paris ont déjà soulevé de violentes protestations dans plusieurs autocéphalies et provoqué des anathèmes. On a accusé le professeur Serge Hulgakov de renouveler les étrangetés du vieux gnostique Yalentin, cf. art. Russik, col. 366 et le métropolite de Kiev, Antoine Khrapovitskij, chef d’une des Églises des Russes émigrés établi à Carlovitz, a dû retirer de la circulation un nouveau catéchisme qu’il publia en 1924 et qui s’écartait par trop, sur certains points, du catéchisme de Philarète. Le même phénomène de conflits et de divisions perpétuelles se reproduit partout où l’État n’intervient pas en souverain pour imposer sa volonté, comme on le voit pour le patriarcat d’Antioche, depuis qu’il se trouve sous le mandat français de Syrie ; pour l’Église de Chypre, depuis qu’elle est sous la domination anglaise et surtout pour l’archevêché grec d’Amérique, où règne la pleine liberté. Aussi peut-on dire que ce qu’il peut arriver de pire à ces Églises, c’est de perdre la protection de l’État et d’être séparées de lui.

II. LES VARIÉTÉS DV CÉ8AR0PAPISME ORIENTAI depuis le.schisme. — Le césaropapisme actuel n’est que la continuation atténuée du césaropapisme byzantin d’autrefois.

1° A Constantinople. - Ce que fut ce césaropapisme avant la consommation du schisme et à quels lamentables résultats il aboutit, nous l’avons dit brièvement dans l’article précédent, en parlant des causes du schisme ; cf. col. 1313 sq. Quand furent définitivement rompus les liens qui rattachaient l’Église byzantine au centre de la catholicité, la souveraineté des empereurs en matière ecclésiastique ne connut plus de limites. Sans doute les souverains de Byzance ne réalisèrent pas toujours leurs desseins dans ce domaine. Nous en avons la preuve dans ce que nous avons dit sur les essais d’union avec Rome, du xiie siècle au concile de Florence. Leur volonté se heurta parfois à la résistance passive des prélats, des moines et du peuple. Mais, toutes les fois qu’ils le voulurent, ils brisèrent cette résistance par la force et passèrent outre. Nombreux furent les patriarches et les évêques qu’ils déposèrent ou firent déposer par des synodes à leur dévotion. Ils furent vraiment les chefs visibles de leur Église, tout comme le pape est le chef visible de l’Église catholique. Ils manifestèrent de bien des façons leur autorité souveraine.

1. Ils légiférèrent sur l’Église, même en matière purement spirituelle, par-dessus et quelquefois contre les canons, comme en témoignent leurs nombreuses

novelles, vsocpaL Tout comme les papes, ils publièrent des constitutions, des bulles, xpua6600XA’x, sur les affaires ecclésiastiques. Le synode permanent de Constantinople, présidé par le patriarche, était habituellement l’intermédiaire dont ils se servaient pour exercer leur pouvoir suprême. Les décrets de ce synode étaient dans ce cas, approuvés et confirmés par eux. Le basileus, par exemple, institue de nouvelles fêtes liturgiques. Il impose ses décrets sous peine d’anathème, accorde des dispenses matrimoniales en degrés défendus par les canons, se réserve la juridiction immédiate sur les monastères de l’Athos, promulgue des ordonnances sur la communion eucharistique, révise et parfois annule les épitimies ou pénitences sacramentelles imposées par des prêtres ou des prélats pour certains délits. Il se considère comme le gardien de l’orthodoxie et sévit molli proprio contre les hérétiques.

2. Ce qu’ils firent durant les premiers siècles, les basileis le continuèrent dans la suite : ils convoquèrent les synodes et souvent les présidèrent en personne, promulguèrent leurs décrets. Même après la fête de l’orthodoxie, célébrée en 843, ils se mêlèrent encore de publier des décrets dogmatiques et, par la crainte ou la violence, forcèrent les prélats à embrasser leurs opinions sur certaines questions de théologie. Alexis Comnène, Manuel Comnène, Jean Cantacuzène se montrèrent, sur ce chapitre, les dignes émules de Constance et de Justinien I er. Au concile de Florence, les Latins purent constater que le basileus était le vrai pape des Grecs pour ce qui regarde les questions dogmatiques. Le fut lui le véritable régulateur des délibérations et des discussions dans le concile des Crées. A Ferrare, comme à Florence, patriarche cl métropolites reçoivent les instructions et le mot d’ordre de Jean VIII Paléologue. Ils ont défense de soulever certaines questions, de répondre aux Latins sur certains sujets épineux. Interrogés en privé sur ces points, ou bien ils ne répondent pas, se retranchant derrière la volonté impériale, ou bien ils donnent leur sentiment particulier sous toute réserve, déclarant qu’ils ne peuvent rien décider sans la permission et la présenc i de l’empereur. Nous ne connaissons pas de témoignage plus fort pour démontrer le rôle vraiment papal assumé par le basileus que la lecture des actes du concile unioniste.

3. Les empereurs cherchèrent toujours à avoir un patriarche docile à leurs volontés. Aussi veillaient-ils avec soin à l’élection de ce dignitaire, qu’ils choisissaient eux-mêmes parmi les trois noms qu’on leur proposait. Quand, trompés dans leurs conjectures, ils le trouvaient récalcitrant, ils n’hésitaient pas à s’en débarrasser par des procédés revêtant plus ou moins les formes canoniques. Les dépositions de patriarches ne furent pas rares aux xiiie et xive siècles. Les empereurs se mêlaient aussi de l’élection des évêques et les déposaient à l’occasion. Les canonistes leur reconnaissaient le droit de créer, de supprimer les sièges épiscopaux, de les élever au rang de métropoles, de fixer les limites de leur territoire, d’accorder aux évêques la permission de porter le cebexoç.

1. Le droit souverain d’inspection sur toute l’Eglise byzantine leur revenait ; d’où le titre d’épistnnonarques de l’Église, ÈTTiar/jjxovotp/al -njç’ExxA^rr’laç, que leur décerne le canoniste du xiir 3 siècle Démélrius Chomaténus.

5. Sans avoir le pouvoir d’ordre, ils faisaient figure de grands-prêtres dans une certaine mesure, et on leur donne parfois le titre d’àp/iepeuç. Tous les privilèges liturgiques qu’on pouvait concéder à un laïque privé du sacerdoce leur furent accordés. Le concile in Trullo, par son 69e canon, leur avait ouvert la porte du sanctuaire. On leur octroya la faculté pontificale