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SCHISME BYZANTIN ET CONCILE (ECU M É N 1 O l E

petit. Pour qu’il ne se renouvelât pas, après cette joute, qui fut la première, on a supprimé tout débat contradictoire et l’on s’est contenté de lire des rapports sans les discuter. Cf. E. Stéphanou, Le premier congrès de théologie orthodoxe, dans les Échos d’Orient, t. xxxvi, 1937, p. 225-238.

3° Liff. culte pratique de la réunion d’un concile. — Ce qui vient d'être dit démontre suffisamment l’incapacité radicale où se trouve l'Église gréco-russe de réunir un véritable concile œcuménique. Il faut ajouter que, même si les théologiens de cette Église arrivaient à s’entendre entre eux sur les conditions et les prérogatives du concile et faisaient ainsi disparaître ce qu’on peut appeler l’impossibilité de droit, il resterait encore à vaincre l’impossibilité de fait. La réunion d’un concile plénier de l’orthodoxie orientale se heurte, en efîet, à des difficultés pratiques peu communes. Il faudrait commencer par faire cesser les schismes intestins signalés plus haut qui détruisent l’unité de communion entre les Églises autocéphales. Il faudrait ensuite que tous les États où il existe une Église autocéphale donnent pleine liberté à ces Églises de participer à l’assemblée, ce qu’il est difficile de préjuger. Par ailleurs, pour que le concile plénier eût chance d’aboutir à quelque résultat et ne fût pas simplement la démonstration éclatante de l’anarchie doctrinale, une entente préalable entre les principaux représentants de chaque autocéphalie sur les questions à traiter et les solutions à adopter serait nécessaire. Avant le concile proprement dit, il faudrait un préconcile, une TrpoaùvoSoç, tout comme pour la réussite d’une conférence internationale il faut que les représentants des nations qui doivent y prendre part s’entendent à l’avance sur les points essentiels. Les autorités ecclésiastiques des autocéphalies ont bien vu la nécessité de ces pourparlers préliminaires, de ce préconcile. Il devait se réunir au Mont-Athos en 1932, mais on a dû renvoyer la réunion sine die. Si le préconcile est impossible, à plus forte raison le concile lui-même. Devant tous ces obstacles, on ne peut qu'être de l’avis de cet évêque russe, qui disait en 1904 : « Le concile oecuménique est présentement impossible, comme il le fut au temps des premières persécutions. » Cf. Revue internationale de théologie, 1904, p. 185, 189. Ce n’est pas après l’avènement du bolchévisme russe qu’on pouira mettre en doute le bien fondé de cette affirmation.

4° Les succédanés du concile œcumén que. — Pour être complet, il nous faut dire un mot de ce qu’on peut appeler les succédanés, imaginés par certains théologiens. Comme l'Église gréco-russe non seulement n’a jamais eu de concile œcuménique mais est incapable d’en réunir un, quelques théologiens se sont demandé s’il n’existait pour l'Église d’autres moyens de faire entendre sa voix infaillible.

Ils ont d’abord mis en avant ce que la théologie catholique appelle le magistère ordinaire, c’est-à-dire le consentement unanime des évêques dispersés dans leurs diocèses sur un point déterminé de dogme ou de morale, sur une pratique intimement liée à une vérité dogmatique. D’après la doctrine catholique, cette sorte de magistère a une autorité égale au concile œcuménique : ce qu’il enseigne est infailliblement vrai. Le difficile est souvent de constater pratiquement le consentement en question. De ce magistère un petit nombre seulement de théologiens gréco-russes font mention expresse. Les uns lui reconnaissent l’infaillibilité, les autres la lui refusent. Citons parmi les premiers Macaire Bulgakov, le canoniste Nicodème Milas, le professeur grec Zikos Rhosis ; et parmi les seconds les Grecs C. Dyovouniotès, S. Balanos, Ch. Androutsos. Ce dernier écrivait expressément en 1920 dans son opuscule 'ExxXijoLa xai TioXiTeta, Athènes, p. 108 en note : « La seule voix canonique de

l’Eglise est le concile œcuménique. » Il avait paru enseigner l’infaillibilité du magistère ordinaire dans sa Aoyp.aTi.XTf), parue en 1907, p. 287-288. En général, tiennent pour cette infaillibilité ceux qui reconnaissent aux confessions de foi du xviie siècle une autorité égale à celle des conciles œcuméniques ; sont d’un avis opposé ceux qui n’accordent à ces documents qu’une valeur relative. Le nombre de ces derniers s’accroît de jour en jour, comme on a pu le constater au récent congrès des théologiens orthodoxes tenu à Athènes en 1936. En fait, il est bien difficile d’arriver à constater l’accord unanime de tout l'épiscopat des Églises autocéphales sur un point quelconque de dogme non défini par les anciens conciles.

Certains prônent une consultation générale des Églises autocéphales par échange de lettres synodales. Le cas se présenterait ainsi : une ou plusieurs autocéphalies prennent l’initiative de proposer aux Églises-sœurs la discussion d’une ou plusieurs questions controversées. Les synodes des diverses Églises se réunissent et donnent chacun leur solution. Si toutes les réponses concordent, on a, par le fait même, le verdict de toute l'Église, et ce verdict ne peut être qu’infaillible. Ce système était recommandé au xviie siècle par le patriarche de Jérusalem, Nectaire († 1676). Les théologiens russes Macaire Bulgakov et N. Malinovski en sont partisans, ainsi que les canonistes A. Pavlov et N. MilaS.

Le rejettent non seulement ceux qui refusent à l'Église gréco-russe le titre d'Église universelle, mais aussi d’autres théologiens, qui estiment cette consultation des Eglises à la fois inutile, insuffisante et périlleuse : inutile, parce qu’il pourra arriver que certaines Églises ne répondent pas ; insuffisante, parce que le synode de l’autocéphalie ne représente pas toujours tout l'épiscopat de cette Église et aussi parce que, dans le cas, manque une condition essentielle du concile œcuménique, à savoir la délibération et la recherche de la vérité faite en commun ; périlleuse, parce que, en cas de dissentiment entre les Eglises, la consultation aura pour effet de rendre public le désaccord et de souligner la nécessité d’un vrai concile œcuménique. Cf. C. Androutsos, 'ExxXvjata xal TtoXitda, Athènes, 1920, p. 107-108 en note.

D’autres pensent que l’acceptation explicite ou implicite par toutes les Églises d’une décision donnée par le synode d’une Église particulière peut tenir lieu d’un décret porté par le concile œcuménique. Dans ce cas, disent-ils, nous avons la manifestation suffisante du consentement de l'Église entière. Le canoniste Milas voit l’application de ce système dans le fait de la réception par toutes les Eglises des deux confessions de loi de Moghila et de Dosithée. Malheureusement l’application signalée porte à faux, connue cela ressort suffisamment de ce que nous avons dit de ces deux confessions. Et le moyen indiqué rencontre les mêmes adversaires que le précédent.

Enfin, quelques uns ont mis en avant l’idée d’un concile œcuménique en petit, en miniature : Un petit nombre île délégués de chaque autocéphalie munis de pleins pouvoirs pour discuter et vuler se réuniraient pour définir et légiférer. On aurait l'équivalent d’un concile œcuménique, puisque chaque Église parlerait par la voix de ses délégués. Les Russes A. Pavlov et N. Malinovski ont suggéré cette solution. Mais les raisons invoquées contre les deux systèmes précédents valent également contre celui-ci. Il ne semble pas, du reste, qu’il ait jamais été employé. On a voulu réunir au Mont-Athos, en 1932, une assemblée de ce genre. On ne lui donnait pas le titre de concile œcuménique, mais celui île préconcile, -po^ ivoSoç. On a, du reste, été obligé de renoncer au projet devant l’impossibilité pratique de le réaliser.