appartenant à la foi. L’Église orientale, ajoute-t-il, serait en droit de considérer comme VIII concile œcuménique celui que réunit Photius dans l’église Sainte-Sophie en 870-880. Mais comme le christianisme occidental persiste à rejeter ce synode, l’Église orientale, pour conserver la concorde œcuménique, s’en tient au septénaire conciliaire, que l’Église occidentale elle-même ne peut répudier. Par contre, les synodes auxquels l’Église occidentale a attribué l’œcuminicité postérieurement à la séparation, ne sauraient être reçus comme de véritables conciles œcuméniques, parce que l’Église orientale ne les a pas confirmés par son suffrage. Le théologien russe termine en disant que sa légitime vénération pour l’Église orientale ne doit pas être prise pour une condamnation des chrétiens occidentaux et de l’Église occidentale elle-même. « Conformément aux lois ecclésiastiques, je laisse l’Église particulière d’Occident au jugement de l’Église universelle. Quant aux âmes chrétiennes, je les livre au jugement, ou plutôt à la miséricorde de Dieu. » Dialogues entre un chercheur et un convaincu sur l’orthodoxie de l’Église orientale gréco-russe avec des extraits de l’encyclique de Photius, patriarche de Constanlinople, aux sièges patriarcaux d’Orient, Pétersbourg, 181 5 (en russe) ; traduction grecque de Théodore Vallianos, Athènes, 1853, p. 47, 85-87.
Le comte N.-A. Mouraviev, contemporain de Philarète, qui s’est fait un nom comme théologien et controversiste, exprime la même conception de l’Église universelle dans sa brochure intitulée : Parole de l’orthodoxie catholique au catholicisme romain, traduction du russe par Alexandre Popovitski, Paris, 1853, p. 3637. Pour lui aussi, l’antique unité de l’Église universelle a été rompue par le schisme. Impossible de réunir un vrai concile œcuménique d’un côté comme de l’autre, tant que cette unité n’aura pas été rétablie. Plus récemment, T. Stoïanov, répondant à Vladimir Soloviev, qui avait écrit que les théologiens grécorusses considéraient communément l’Église orientale comme constituant à elle seule l’Église universelle, déclarait qu’à cette conception moyenâgeuse les théologiens russes avaient renoncé depuis l’époque de Pierre le Grand et qu’ils n’excluaient nullement l’Église romaine de l’Église universelle.
Les nombreux théologiens russes qui, avant la guerre de 1914, étaient partisans de l’union avec les vieux-catholiques, n’ont cessé de répéter que l’Église gréco-russe n’était pas toute l’Église universelle mais une de ses parties. L’un d’entre eux, l’archiprêtre Svietlov, un des théologiens russes contemporains les plus féconds et les plus originaux, résume sa doctrine sur l’Église universelle dans les six propositions suivantes :
I. Toutes les confessions chrétiennes sont d’accord entre elles sur les points essentiels. — 2. Les divergences qui existent entre elles, y compris celles qui regardent le dogme, ou sont inexistantes, ou ont été démesurément exagérées. - 3. Le caractère hérétique des Églises occidentales n’a jamais été démontré. — 4. Ces Eglises méritent le litre de chrétiennes au même titre que les Églises orientales. Elles font réellement partie de l’Église universelle et ne doivent pas être considérées comme en étant séparées. - 5. Toutes les Kgiiscs chrétiennes, tant les occidentales fine les orientales, sonl des Églises particulières et les parties du tout qui s’appelle l’Église universelle. Aucune Église particulière n’a le droit de confisquer à son profit le titre d’Église universelle. (i. Les cinq propositions précédentes prises ensemble fournissent la réponse claire et certaine à la question : ( r se trouve l’Église universelle ? » et définissent la vraie notion de celle-ci, qui peut s’exprimer ainsi : L’Église universelle est l’ensemble des Églises particulières d’Orient et d’Occi dent, qui manquent de la parfaite unité visible, tant que le concile œcuménique ne peut être réuni à cause de la division extérieure de l’Église. Elles revendiquent cependant le nom d’Église et de corps du Christ à cause de l’intime unité de foi et de vie spirituelle qui est dans le Christ… Le manque d’unité visible ne détruit pas l’unité invisible. » Khristianskoe vêro-ucenie (Doctrine de la joi chrétienne exposée du point de vue apologétique), 3e éd., Kiev, 1910, p. 208-209.
Au demeurant, Svietlov, comme Philarète de Moscou, estime que l’Église gréco-russe est la partie la meilleure et la plus saine de l’Église universelle. Il n’en est cependant pas bien sûr et il déclare ne pas vouloir préjuger, en cette matière, le jugement même de Dieu.
La même conception a été acceptée par certains théologiens grecs sous l’influence des Russes, par exemple par Diomède Kyriakos et Jean Mesoloras, professeurs de l’université d’Athènes. Eux aussi soutiennent que l’unité visible de l’Église a disparu au ix c siècle par le fait du schisme byzantin. Cf. M. Jugie, Theologia orienlalium, t. iv, p. 313-314.
Il faut reconnaître pourtant que la majorité des théologiens dissidents repoussent cette conception et voient dans l’Église gréco-russe l’unique véritable Église fondée par Jésus-Christ. Pour eux, l’Église catholique romaine est une Église schismatique et hérétique, et la participation du pape n’est nullement nécessaire pour constituer un concile œcuménique. Mais leur thèse est réduite à l’état de simple opinion théologique. Entre eux et leurs adversaires, seul un concile œcuménique pourrait trancher le débat. Or, le débat porte précisément sur la constitution même du concile œcuménique, seul organe infaillible reconnu par tous.
2° Autres questions relatives au concile.
La question
de la participation de l’évêque de Rome à un nouveau concile œcuménique n’est pas la seule sur laquelle les théologiens gréco-russes soient divisés. Ils le sont encore sur une foule d’autres points particuliers relatifs à ce même sujet du concile œcuménique : sur sa convocation, sa présidence, la qualité et le nombre de ses membres ; sur la conduite des Pères au cours des sessions ; sur la matière des délibérations et des décrets ; sur le mode requis pour la validité de ceux-ci ; enfin sur les conditions mêmes de l’infaillibilité du concile.
1. Convocation.
D’après les anciens Byzantins et la plupart des modernes, le droit de convocation appartient au pouvoir civil ou, comme s’expriment la plupart, à l’empereur. La raison qu’ils en donnent est que les sept premiers conciles œcuméniques ont été convoqués, en fait, par les empereurs. Du fait ils ont conclu au droit. La polémique anticatholique n’a pas peu contribué à fortifier cette position. On a accordé à l’empereur ce qu’on voulait à tout prix enlever au pape. De nos jours, les partisans de cette opinion la modifient en disant que le concile œcuménique devrait être convoqué par les princes chrétiens, après entente préalable. Avant la guerre, quelques Russes suggéraient que ce droit devait être reconnu au tsar de Russie.
A côté de cette théorie césaropapiste, il y a la théorie proprement ecclésiastique, d’après laquelle le droit de convocation appartient à l’Église, après entente préalable entre les premiers prélats des Églises autocéphales. Les partisans de cette opinion expliquent pourquoi ce furent les empereurs byzantins qui convoquèrent les premiers conciles œcuméniques. Ils agirent comme délégués de l’Église, disent quelques-uns, à la suite de Syinéou de 4 hessalonique. Ils USUTlièrent un droit qui ne leur appartenait pas. disent les autres, parce qu’à celle époque, aucun éveque, pas même celui de Rome, n’avait assez d’autorité pour s’imposer à toute l’Église.