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1423 SCHISME BYZANTIN ET MAGISTÈRE ECCLÉSIASTIQUE

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S’il revenait de nos jours, Syméon serait bien étonné d’en tendre d’unanimes protestât ions contre ce qu’il considérait, comme une vérité évidente attestée par l’antique tradition, à savoir la primauté universelle de droit divin de l'évêque de Rome, successeur de saint Pierre. Or, c’est lui qui a raison. Comme nous l’avons établi a l’article Primauté dans les Églises séparées d’Orient, t. xiii, col. 358-367, encore au ixe siècle l'Église byzantine prise dans son ensemble proclamait la vérité évidente dont parle Syméon. D’autres l’ont reconnue, même après lui, par exemple Georges Scholarios. Cf. ibid., col. 374. Mais aussi d’autres théories ont surgi. Les théologiens dissidents ont enseigné successivement, et quelquefois en même temps, la primauté canonique de juridiction, la pentarchie monarchique et la pentarchie égalitaire, pour en arriver de nos jours à une simple primauté d’honneur d’origine canonique. Au concile de Florence, les prélats grecs signèrent le décret d’union, qui définissait la primauté universelle de juridiction de droit divin. Comme pour le Filioque, l'Église gréco-russe s’est montrée impuissante jusqu’ici à donner une solution nette et définitive sur la question de la primauté romaine. Plusieurs parmi ses meilleurs historiens et théologiens actuels donnent à la fois raison et tort à Syméon de Thessalonique sur ce chapitre. Encore ici nous sommes en plein chaos, en pleine incohérence. Et cependant il s’agit de la question qui, au témoignage de beaucoup de dissidents, est la seule, à l’heure actuelle, qui fasse vraiment obstacle au rétablissement de l’union avec l'Église romaine.

Autres points controversés.

Si sur les deux points

principaux nous trouvons une pareille variété d’opinions, il n’est pas étonnant que le même phénomène se remarque pour tous les autres sujets de controverse qui se sont élevés au cours des siècles entre catholiques latins et orientaux dissidents. Pour les variations de l'Église gréco-russe sur l’immaculée conception, voir l’article Immaculée Conception en Orient après le concile d'Éphèse, t. vii, col. 893-975. Sur l'épiclèse eucharistique, voir Épiclèse, t. v, col. 193300. Sur le purgatoire et les fins dernières en général, voir l’article Purgatoire dans l'Église grécorusse APRÈS LE CONCILE DE FLORENCE, t. XIV, COl.

1326-1352 et le travail paru dans les Échos d’Orient, t. xvii, 1914 : La doctrine des fins dernières dans l'Église gréco-russe. Le jugement particulier. L'époque de la rétribution ; et aussi un aperçu d’ensemble dans le t. iv de notre Theologia dogmatica dissidenlium orientalium, p. 9-202. Nous avons déjà fait allusion plus haut et aux variations invraisemblables de l'Église grecque et de l'Église russe sur la validité du baptême par infusion et du baptême des hérétiques en général et au désaccord qui existe encore actuellement sur ce point entre ces deux Églises. Toutes ces variations sont indiquées dans le t. in de la Theologia orientalium, p. 73-80, 89-97, 103-125. On trouvera dans le même tome, p. 232-256, les opinions divergentes pour tout ce qui regarde les divers aspects de la question des azymes. Sur le sacrement de mariage et la question du divorce dans les Églises autocéphales l’essentiel a été dit à l’article Mariage dans l'Église gréco-russe, t. ix, col. 2323-2330.

Inutile de s’arrêter aux points controversés de moindre importance. Nulle part nous ne rencontrons, du côté de l'Église gréco-russe, une doctrine fixe et stable, mais une multiplicité d’opinions divergentes ou contradictoires, parmi lesquelles figure toujours la I hèse cat holique avec un bon nombre de part isans, soit anciens) soit contemporains. Cela n’empêche pas chacun des théologiens dissidents de présenter sa théorie comme l’expression de la véritable orthodoxie, comme renseignement immuable de l'Église orthodoxe. On en

vient ainsi à constater la vérité de l’assertion de certains Russes contemporains « qu’il y a autant d’orthodoxics que de théologiens de marque dans le monde orthodoxe ». Cf. Theologia orientalium, t. ii, p. 21-24. Basile Bolotov († 1900), qui s’occupa beaucoup de la question du Filioque sur la fin de sa vie et délivra l'Église russe du dogme photien de la procession a Paire solo par ses critiques sans réplique, a fait le procès de ces théologiens qui voudraient faire passer leurs opinions particulières pour la doctrine officielle de leur Église. Revue internationale de théologie, 1899, p. 585.

Somme toute, on reproche à l'Église catholique d’enseigner des doctrines erronées et hérétiques sur une foule de questions que les sept premiers conciles œcuméniques n’ont pas tranchées, alors qu’on est soimême incapable de décider où est l’erreur et où est la vérité ; alors qu’on est obligé de convenir : 1° que seul un concile œcuménique peut donner sur ces questions une solution définitive ; 2° que ce concile œcuménique n’a pas encore eu lieu ; 3° qu’une bonne partie des théologiens dissidents ont soutenu ou soutiennent encore ce qu’on reproche aux catholiques.

II. DEPUIS LA CONSOMMATION BU SCHISME AU XIe SIÈCLE, L'ÉGLISE GRÉCO-RUSSE N’A PU RÉBIŒR AUCUNE PROFESSION DE FOI INFAILLIBLE, AUCUN LIVRE SYMBOLIQUE PROPREMENT BIT. — L’impuis sance doctrinale de l'Église gréco-russe n'éclate pas seulement sur le terrain de la polémique anticatholique. Elle est manifeste aussi dans la lutte menée contre les erreurs et les hérésies nouvelles écloses depuis le xie siècle soit à Byzance même, soit en Occident, mises à part les controverses proprement grécolatines. En particulier, cette Église a vainement essayé de rédiger des exposés définitifs de l’orthodoxie contre les erreurs protestantes.

Au xiv c siècle, une grande controverse intestine divisa l'Église byzantine en deux camps. Adversaires et partisans de Grégoire Palamas se disputèrent un siècle durant. D’abord officiellement condamné par le patriarche œcuménique Jean XIV Calécas (1334-1347) et rejeté par les esprits les plus éclairés, le palamisme fut imposé à l'Église par la force brutale de l’usurpateur Jean Cantacuzène. Il triompha si bien par l'évincement systématique de tous les prélats antipalamites, qu’il parut bientôt faire corps avec l’orthodoxie ellemême. Comme nous l’avons dit plus haut, col. 1411, on en inséra les formules dans l’office du dimanche de l’orthodoxie. Malgré cette consécration officielle, les dogmes palamites ne tardèrent pas à être abandonnés et bientôt publiquement combattus par la plus grande partie des théologiens gréco-russes. Les plus récents manuels de théologie russes et grecs les contredisent ouvertement. Cf. l’article Palamite (Controverse), t. xi, col. 1810-1818.

Au xviie siècle, l'Église gréco-russe parut s’opposer victorieusement aux hérésies protestantes. En dehors de nombreux conciles particuliers, qui condamnèrent les novateurs, les quatre patriarches orientaux furent d’accord pour approuver, à un moment donné, deux exposés officiels de l’orthodoxie orientale, qu’on aurait pu croire définitifs ; nous voulons parler de la Confession orthodoxe dite de Pierre Moghila et de la Confession de Dosithée ou Lettre des patriarches. Sur cette dernière, voir art. Dosithée, t. iv, col. 1791 sq. Mais nous avons montré à l’article Mogiiii.a, t., col. 2070-2081, que le premier document avait été renié par son auteur aussi tôt après son approbation par les patriarches (1643), à cause des corrections opérées parle théologien grec Mélèce Syrigos, et nous avons vu avec quelle désinvolture avait été traité le second en 1838 et en 1840 par le métropolite de Moscou, Philarète Drozdov et par le Saint-Synode russe, t. xii. col. 1392. De plus, ce que nous