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1421 SCHISME BYZANTIN ET MAGISTÈRE ECCLÉSIASTIQUE 1422

partir du jour où elle a été séparée en fait de l'Église romaine et sur l’ensemble des Églises autocéphales actuelles, que constatons-nous ? La majorité des théologiens gréco-russes de nos jours nous fournit la réponse que nous avons déjà signalée plus haut en parlant de l’unité de foi : Depuis le VIT' concile œcuménique tenu à Nicée en 787, la voix infaillible de l'Église universelle ne s’est fait entendre ni pour porter une nouvelle définition dogmatique, ni pour dirimer l’une des innombrables controverses qui se sont élevées depuis cette date, ni pour condamner d’une manière péremptoire et définitive quelqu’une des nombreuses hérésies nouvelles qui sont venues battre en brèche la vérité révélée. Depuis sa séparation d’avec l'Église romaine, l'Église byzantine et gréco-russe n’a fait aucune acquisition dogmatique. Voilà le fait. Chose plus grave, cette Église est actuellement, comme elle a été dans le passé, comme elle sera dans l’avenir tant qu’elle restera ce qu’elle est, c’est-à-dire séparée de l'Église romaine, dans l’incapacité radicale de porter une nouvelle définition dogmatique et de dirimer d’une manière définitive une controverse doctrinale quelconque ; et cela de l’aveu d’un grand nombre de ses théologiens parmi les plus renommés et en vertu des principes dont ils se réclament. La même conclusion ressort aussi d’une façon évidente de l’histoire d’un passé millénaire. Après la destruction de l’unité sociale, le résultat le plus tangible du schisme byzantin au point de vue ecclésiologique a été de dépouiller l’Eglise gréco-russe de tout magistère infaillible et de la réduire au perpétuel flottement des opinions théologiques, aux variations indéfinies sur tout ce qui n’a pas été expressément arrêté par le magistère de l'Église des huit premiers siècles.

Nous connaissons déjà l’expédient auquel ont eu reoours beaucoup de théologiens dissidents pour atténuer la portée d’une pareille constatation. Ils ont prétendu que les sept premiers conciles œcuméniques avaient tout défini ou, du moins, avaient défini tout ce qui était nécessaire. Mais cette affirmation ne tient pas devant les faits, devant les essais multiples tentés par l'Église dissidente, depuis la séparation, pour arriver à une solution définitive des points controversés avec les Latins ; pour définir la doctrine orthodoxe contre les nombreuses erreurs écloses depuis le IXe siècle ; pour rédiger de véritables confessions de foi, des livres symboliques proprement dits exposant la dogmatique immuable de l’orthodoxie orientale ; pour réunir enfin un véritable concile œcuménique parlant avec une autorité infaillible à l'Église entière.

I. h'ÉQLISE GRÉCO-RUSSE -V'.l PU RÉSOUDRE D’UNE MANIÈRE DÉFINITIVE AUCUNE DES QUESTIONS CONTROVERSÉES AVEC L'ÉGLISE CATHOLIQUE, MAISAFAIT PREUVE DE VAIUATIO.X* PERPÉTUELLES SUR CHACUNE DE CES QUESTIONS. - Tout comme l'Église gréco-russe, l'Église catholique se glorifie de retenir toutes les définitions dogmatiques proprement dites des sept premiers conciles œcuméniques. Un des principaux théologiens russes du xixe siècle, auteur du manuel de théologie le plus répandu dans les séminaires et les académies ecclésiastiques russes et reçu également dans plusieurs autres Églises autocéphales, Macaire Boulgakov, après avoir posé en principe que la véritable Eglise est celle qui conserve fidèlement et sans aucun changement la doctrine infaillible de l’ancienne Église universelle, ne trouve à reprocher à l'Église catholique que deux nouveautés qui seraient contraires à cet enseignement infaillible, à savoir l’addition du Filioque au symbole de Nicée-Constantinople et la primauté de juridiction de l'évêque de Rome sur l'Église universelle. Mais quel est le concile œcuménique, parmi les sept premiers, qui a porté une définition expresse et directe sur les deux points indiqués ?

Le Filioque.

Sans doute, plusieurs de ces conciles

ont approuvé explicitement le symbole de Nicée-Constantinople sans « l’addition. Mais affirmer simplement que le Saint-Esprit procède du Père n’est pas nier qu’il procède aussi du Fils. Proccde-t-il aussi du Fils ? Sur cette question aucun des sept conciles œcuméniques n’a rédigé de définition expresse et directe. Tout ce qu’on peut dire c’est que les Pères du VIF concile œcuménique approuvèrent tacitement et ne trouvèrent rien à redire à la profession de foi de l’oncle de Photius, Taraise, patriarche de Constantinople, affirmant que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils. Avant d’accuser l'Église catholique d’enseigner une nouveauté en disant que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils comme d’un seul principe, n’y auraitil pas lieu de se demander si la formule de Taraise : // procède du Pire par le Fils ne revient pas au même que la formule latine : Il procède du Père et du Fils ? C’est à cette solution que Grecs et Latins arrivèrent après les discussions du concile de Florence. C’est la même affirmation qu’après une controverse de plus de mille ans plusieurs théologiens russes contemporains, avec l’approbation non dissimulée du Saint-Synode, ont répétée et répètent dans leurs discours et dans leurs écrits.

Cette controverse sur la procession du Saint-Esprit, qui a été la grande base dogmatique du schisme byzantin durant de longs siècles, fournit une preuve apodictique de notre thèse. Car les théologiens et les polémistes dissidents ont mis sur pied une quinzaine d’explications divergentes et plus ou moins contradictoires de la formule communément, quoique non exclusivement, adoptée par les anciens Pères grecs : Le Saint-Esprit procède du Père par le Fils ; parmi elles se trouve l’explication catholique du concile de Florence. Voir Jugie, Theologia dogmatica dissideniium orienlaliurn, t. ii, p. 492-49(1. S’il y a un point que l'Église byzantine dissidente aurait dû trancher pour ses fidèles, n’est-ce pas celui-là? Elle a plusieurs fois essayé, mais elle n’y a pas réussi. Rien n’est démonstratif de son impuissance à terminer une controverse quelconque comme ces perpétuelles variations sur la première et la principale des questions dogmatiques débattues dès l’origine du schisme.

La primauté du pape.

 Pour ce qui est de la

primauté de juridiction du pape, dont parle le théologien Macaire, remarquons, tout d’abord, qu’au début l'Église byzantine n’a pas rompu avec le pape à cause de l’affirmation de sa primauté universelle, mais à cause de la violation de certains anciens canons, (h' l’usage du pain azyme, de l’addition et de la doctrine du Filioque, etc. Encore au xve siècle, l’un des principaux théologiens byzantins. SyméondeThessalonique, grand adversaire des Latins, écrivait ce qui suit : « Nous n’avons pas à contredire les Latins lorsqu’ils revendiquent la primauté pour l'évêque de Rome. Cela ne peut nuire à l'Église. Qu’ils nous montrent seulement que le pape persévère dans la foi de Pierre, qu’il est vraiment son successeur sous ce rapport et nous lui accordons tous les privilèges de Pierre et nous le reconnaissons pour le chef, la tête et le pontife suprême. Ces titres, la tradition écrite les décerne aux patriarches de Rome. Ce siège est apostolique et celui qui l’occupe est dit le successeur de Pierre, s’il est attaché à la Maie foi. Personne de ceux qui pensent et parlent selon la vérité ne contredira ci cela… Que l'évêque de Rome professe seulement la foi de Silvestre, d’Agathon, de Léon, de Libère, de Martin et de Grégoire, et nous le proclamerons vraiment apostolique et nous le considérerons comme le premier des pontifes et nous lui obéirons non seulement comme à Pierre, mais comme au Sauveur lui-même. » Dialogus contra hivreses, c. xxiii, P. G., t. clv, col. 120-121.