Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/717

Cette page n’a pas encore été corrigée

L419 SCHISME BYZANTIN ET MAGISTÈRE ECCLÉSIASTIQUE

1420

établie par Catherine ii, insista encore tanl qu’il put pour obtenir la confirmation par l’autorité impériale « les canons

des sept conciles œcuméniques et des neuf conciles locaux ainsi que des lois grecques. Mais, d’une maniere générale, la pratique ecclésiastique fut déterminée non par les règles des apôtres et des Pères, mais par l’usage développé au cours des siècles ou par les lois d’origine nationale qui n’avaient pas été jugées dignes d’entrer dans la Kormëaia. Celle-ci, de celle manière, tout en tenant lieu pratiquement de recueil du droit en vigueur, servait à peine en réalité de source subsidiaire ou auxiliaire ; et cela doit s’entendre de tout son contenu, sans distinction des canons et des lois, des articles canoniques et des commentaires. Le Saint-Synode s’efforce habituellement de baser ses sentences judiciaires sur les règles canoniques, donnant ainsi à comprendre que, tout air moins pour la pratique judiciaire, les canons sont non la source subsidiaire mais la source principale et fondamentale. Mais, en fait, il est difficile de trouver un canon qui puisse s’appliquer littéralement à la pratique contemporaine, même dans les jugements, en particulier pour ce qiri regarde les châtiments pour les délits ecclésiastiques. D’ailleurs, môme s’il se rencontrait un petit nombre de canons susceptibles d’une application littérale, leur valeur pratique dépendrait non du fait de leur insertion dans le Livre des canons, ni même de ce qu’ils ont été portés par un concile œcuménique quelconque (car autrement on ne comprendrait pas pourquoi la majori té des canons ne sont pas observés dans la pratique), mais de ce qu’ils ont été reçus, assimilés par la vie ecclésiastique russe et sont devenus une partie du droit ecclésiastique national delaRussie.encomblant ses lacunes. …Plus la législation ecclésiastique nationale se développe et tend à tout embrasser, plus l’importance des règles byzantines diminue même comme source subsidiaire, pour la solution des cas pratiques, et il pourra arriver que cette importance se réduise à ce que le pouvoir législatif d’une Église locale ne verra dans les anciens canons que la base historique commune pour organiser le nouveau droit ecclésiastique et ne les prendra en considération que lorsqu’il s’agira de formuler une nouvelle loi. Kurz cerkovnago prava, 4e éd., Pétersbourg, 1912, p. 184-186.

Ce que vient de dire le canoniste russe pour son Église vaut aussi dans une bonne mesure pour les autres Églises autocéphales, y compris le patriarcat œcuménique. Sans doute on professe un profond respect pour la vénérable législation de l’ancienne Église byzantine. On en imprime le recueil avec des commentaires anciens et nouveaux ; mais ce recueil ne représente qu’une petite partie des lois en vigueur, et dans cette partie même on fait pratiquement un choix : il y a les canons qu’on observe et il y a ceux qu’on n’observe pas ; et comment les obs.erverait-on tous, puisqu’il y en a qui se contredisent (tout comme dans l'Église catholique, d’ailleurs, avant la récente codification). Nous avons signalé déjà quelques-unes des principales entorses données de nos jours à la législation œcuménique. Les statuts organiques de la plupart des Églises autocéphales sont en fait des lois qui ont été imposées par le pouvoir séculier et où les infractions aux anciens canons ne sont pas rares. Nous en reparlerons à propos des relations des Églises et de l'État. Nous avons vu quel cas on faisait des canons réglant la communion interecclésiastique. Bref, si l’on se place au point de vue de l’ancienne discipline, que l’on considère en théorie comme obligatoire parce qu'émanant des premiers conciles œcuméniques et des conciles locaux approuvés par eux, on peut affirmer que chacune des Églises autocéphales se meut plus ou moins dans l’illégalité et l’anticanonicité. C’est ce que faisaient remarquer récemment les partisans de l'Église synodale russe aux patriarchistes, qui leur reprochaient d’admettre le mariage des évoques contrairement à la législation du concile in Trulln. Ils n’avaient pas de peine à énumérer une série d’anciens canons ouvertement violés par leurs adversaires. Pour se tirer de l’impasse où elles se trouvent sous ce rapport — car en théorie, seul un concile œcuménique peut abroger ou modifier les décrets des conciles œcuméniques — les

Églises autocéphales n’ont d’autre ressource que de préjuger l’approbation d’un futur concile œcuménique pour les libertés qu’elles prennent vis-à-vis de tel ou tel ancien canon. C’est la conséquence inéluctable de l’absence de toute autorité commune permanente ayant le pouvoir de légiférer pour tous et d’adapter la discipline aux besoins des temps et des lieux. On voit dès lors à quoi se réduit l’unité canonique des Églises autocéphales. Elle ne concerne que la partie des anciens canons qu’on observe encore d’une manière plus ou moins approximative et certains usages empruntés à l’ancien droit byzantin et passés dans la pratique commune. Sur la législation matrimoniale il existait naguère des divergences assez notables entre l'Église russe et l'Église grecque. De nos jours, l’uniformité est en train de s'établir spécialement pour ce qui regarde les nombreux cas de divorce. Cf. l’article Mariage dans l'Église gréco-russe, t. ix. col. 23172335.

Si entre les Églises autocéphales l’unité disciplinaire est fort imparfaite, il faut reconnaître, par contre, que l’unité rituelle ou liturgique est à peu près complète. Cela vient sans cloute de ce que sur cette partie du ressort ecclésiastique l’influence du césaropapisme a été à peu près nulle. Dès le haut Moyen Age, l'Église byzantine réussit à imposer ses rites et ses usages liturgiques à toutes les Églises orientales demeurées fidèles aux définitions de Chalcédoine et à les transmettre aux peuples slaves venus à la foi chrétienne à partir du ixe siècle. Les livres liturgiques byzantins furent d’abord traduits en slavon, plus récemment en d’autres langues : roumain, finnois, esthonien, chinois, etc., sans parler du géorgien, beaucoup plus ancien comme langue liturgique que le slavon lui-même. Cette unité rituelle s’est assez bien maintenue, ce qui n’exclut pas certains usages particuliers introduits au cours des siècles dans telle ou telle Église particulière. L'Église qui s’est permis le plus d’innovations paraît être l'Église russe. Elle a complètement modifié l’office du dimanche de l’orthodoxie, élaboré un rite du sacre des empereurs sensiblement différent du rite byzantin. Ces changements ne sont pas négligeables, parce qu’ils ont une portée doctrinale. Les Grecs, eux aussi, dans de récentes éditions des livres liturgiques, ont fait quelques additions et suppressions dans le but de mettre en relief leur doctrine sur l'épiclèse eucharistique et d'écarter des témoignages gênants sur la primauté de l'évêque de Rome. Mais ces petites modifications ne détruisent pas l’unité de rite. Pour cette raison, l’appellation la plus satisfaisante qu’on puisse employer pour désigner l’ensemble des Églises qui constituent l'Église gréco-russe est celle-ci : Les Églises autocéphales de rite byzantin.

III. Le schisme byzantin et le magistère ecclésiastique.

L'Église a pour mission primordiale d’enseigner aux hommes la vérité révélée. C’est l’ordre que Jésus-Christ lui a donné en lui promettant sa perpétuelle assistance pour la préserver de toute erreur. Joa., xvi, 13 ; Matth., xxviii, 18-20. Aussi saint Paul appelle-t-il l'Église « la colonne et la base de la vérité. I Tim., iii, 15. Pour l'Église, enseigner la vérité révélée, ce n’est pas seulement l’exposer et la transmettre, c’est aussi l’expliquer, l'éclaircir en formules équivalentes adaptées aux besoins des temps et des lieux, en montrer des aspects restés d’abord inaperçus ; c’est la défendre contre les multiples erreurs qui peinent surgir. Par l’histoire des huit premiers siècles nous voyons que c’est bien de celle manière que l'Église a compris sa mission doctrinale. Mais son histoire ne s’arrête pas au ix 1 e siècle. L'Église doit poursuivre son œuvre jusqu'à la fin du monde en enseignant toujours la même vérité révélée et err la vengeant des erreurs nouvelles.

Or. si nous jetons les yeux sur l'Église byzantine, 'à