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SCHISME BYZANTIN ET UNITÉ DISCIPLINAIRE


les deux rivales qu’avec leurs amies et leurs ennemies respectives. De même, les amies de l’une ne rompent pas avec les amies de l’autre ni avec les neutres. On ne tient aucun compte du 5e canon de Nicée. Les exemples abondent. Le plus remarquable, qui dure depuis soixante-six ans. est le cas de l’Église bulgare, anathématisée par le patriarcat œcuménique en 1872. Tandis que les autocéphalies de langue grecque ont adhéré à cette sentence, les autres Églises ont continué à communiquer aussi bien avec les Bulgares qu’avec les Églises de langue grecque. De même, de 1898 à 1909, il y eut schisme entre le patriarcat d’Antioche et les trois autres patriarcats orientaux ; mais les autres Églises ne modifièrent en rien leur attitude vis-à-vis des parties adverses, qui, à leur tour, en firent autant à leur égard. De nos jours, la confusion la. plus grande règne sur cette question de la communion ecclésiastique par rapport aux diverses hiérarchies russes. Certaines Églises communiquent avec les quatre principales hiérarchies russes : patriarchistes, synodaux, eulogiens, carlovitziens ; les autres avec trois d’entre elles, les autres avec deux, les autres avec une, sans que cela modifie en rien leur attitude à l’égard des autres autocéphalies. On a vu le patriarcat œcuménique accorder ses bonnes grâces également aux patriarchistes et aux synodaux russes, qui s’anathématisent mutuellement, aux eulogiens et aux carlovitziens, qui faisaient de même.

Bref, les relations entre les Églises autocéphales ressemblent, de nos jours, aux relations de nation à nation. Elles peuvent aller de l’alliance et de l’entente cordiale jusqu’à la rupture complète et à la guerre ouverte, en passant par les phases intermédiaires : froideur, relations tendues, retrait des ambassadeurs et rupture des relations diplomatiques. Et cela est logique, puisqu’en réalité il ne s’agit pas d’une seule Église mais de plusieurs sociétés religieuses distinctes et autonomes.

Par là s’expliquent aussi les manquements à la cinquième règle énoncée plus haut. On ne se soucie pas de consulter les Églises-sœurs quand il s’agit de régler une affaire importante, ou de leur communiquer les décisions prises. C’est ainsi qu’en 1925 l’Église roumaine s’est muée en patriarcat sans avertir ni le patriarcat œcuménique ni les autres Églises. Quant à la convocation d’un nouveau concile œcuménique, des tentatives ont été faites à plusieurs reprises depuis 1868 jusqu’à nos jours pour préparer une assemblée de ce genre. Aux invitations faites dans ce but par le patriarche œcuménique, plusieurs Églises n’ont pas répondu ; d’autres se sont prononcées contre l’opportunité, ou même ont fait valoir l’impossibilité d’aboutir à la réunion d’une assemblée vraiment œcuménique. On a bien eu, en 1923, un Congrès panorthodoxe, mais il portait mal son nom, car toutes les Églises n’y étaient pas représentées. Ce n’était également qu’une conférence orthodoxe partielle qui se réunit au Mont-Athos en 1930, en vue de préparer un présynode, TcpocrôvoSoç, prélude du synode œcuménique toujours attendu. Mais le présynode lui-même, convoqué pour 1932, a été remis sine die. Il ne faut pas oublier, du reste, que les Églises autocéphales ne sont pas libres de leurs mouvements et ne peuvent communiquer entre elles à leur gré. Elles doivent compter avec l’autorisation du pouvoir séculier, qui les maintient sous sa tutelle, comme il sera expliqué plus loin.

IV. LE SCHISME BYZANTIN ET L’UNITÉ DISCIPLI naire et rituelle. — Dans l’Église catholique, l’unité de la législation canonique découle tout naturellement de l’unité de gouvernement. Le pape est la suprême autorité législative qui veille à l’uniformité de la discipline générale tout en laissant subsister de légitimes coutumes locales. On ne peut s’attendre à trouver une pareille uniformité dans les Églises autocéphales de

rite byzantin. Ces Églises, en effet, sont étroitement soumises pour la plupart au pouvoir séculier, qui ne se fait pas faute de légiférer en matière ecclésiastique. Le césaropapisme législatif est un héritage de l’ancienne Église byzantine. Celle-ci possédait sans doute un recueil officiel de lois ecclésiastiques constitué par les canons apostoliques, les canons des anciens conciles œcuméniques et locaux et les décrets de certains anciens Pères, dont nous trouvons l’énumération dans le canon 2 du concile in Trullo, les 102 canons du concile in Trullo lui-même, toujours considéré comme œcuménique, les 22 canons du second concile de Nicée de 787, les canons des deux conciles photiens de 861 et de 879-880. En même temps que l’Église et à côté d’elle, les basileis byzantins n’avaient cessé de légiférer en matière ecclésiastique par leurs novelles. Après le VIP concile œcuménique, les patriarches byzantins, devenus en fait les vrais papes de l’Orient, commencèrent, de leur côté à donner des réponses canoniques officielles aux prélats qui les interrogeaient et à porter de nouveaux canons, comme faisaient les papes par leurs décrétales pour les Églises d’Occident. Tout cela constituait un assemblage fort bigarré et compliqué dont on fit des résumés sous le nom de nomocanons et de sijntagmata. L’élément principal de toute cette matière canonique était évidemment la législation des anciens conciles et des anciens Pères. C’est cette partie que les grands canonistes du xiie siècle, Zonaras, Balsamon, Aristène, commentèrent par le détail. Ces commentaires devinrent classiques non seulement pour les canonistes de l’époque byzantine, mais encore pour ceux de la période moderne. C’est également cette partie qui, parce qu’elle se présentait avec l’estampille œcuménique, a passé aux Églises autocéphales issues de l’ancienne Église byzantine, et c’est à son sujet qu’il y a lieu de se demander si elle représente encore de nos jours un élément canonique commun à toutes les Églises. Les théologiens et canonistes gréco-russes qui parlent de l’unité canonique des Églises autocéphales font sans nul doute allusion à cette partie de l’ancienne discipline de l’Église byzantine. Qu’en est-il en réalité ? Un canoniste russe va nous répondre pour la principale des Églises autocéphales, l’Église russe. Voici ce qu’écrivait en 1912 N. Souvorov dans la quatrième édition de son Manuel de droit ecclésiastique :

Une question capitale se pose relativement à la valeur pratique que possèdent toutes les règles empruntées d’une manière générale à Byzance, c’est-à-dire et les canons et les articles canoniques et les lz : -. Impériales 1 idet qui présida à l’édition imprimée de la Kormcaia Kniga (= le livre du gouvernail, le ll/, ô// iov des Grecs ou Corpus juris officiel de l’Église byzantine) était sans nul doute d’introduire dans l’usage commun de l’Église un recueil officiel, publié par l’autorité ecclésiastique et par suite exhaustif des règles pratiques du droit ecclésiastique, à l’exclusion complète non seulement de tous les statuts ou règlements de provenance russe, mais aussi des éléments byzantins non insérés dans la Kormcaia, comme les commentaires de Balsamon et la plus grande partie des commentaires de Zonaras… Nos Pères voyaient effectivement dans la Kormcaia Kniga piise dans sa totalité les règles des apôtres et des saints Pères. Pourtant, il était absolument impossible de s’en tenir pratiquement à ce point de vue, attendu que dans la Kormcaia étaient renfermés non seulement les règles canoniques poitées à différentes époques et pour divers cas particuliers, non seulement les lois ecclésiastiques des empereurs byzantins, mais des codes entiers de droit civil et criminel (Législation mosaïque, Ecloya, Prochiron), qui se contredisent l’un l’autre et s’excluent mutuellement. En outre, ils auraient toujours présenté la grosse difficulté de ne pas concorder avec l’état de la législation russe et d’aller au delà du cercle des attributions des organes de l’administration ecclésiastique, même en donnant à ces attributions toute l’ampleur qu’elles avaient au Moyen Age…

Dans la seconde moitié du xviii’siècle, le synode, dans l’instruction donnée à son représentant à la commission