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SCHISME BYZANTIN ET UNITÉ DE GOUVERNEMENT 1410

d'être toujours identique. En rigueur de droit, conformément aux anciens canons, tous les membres du synode autocéphalique devraient être des évêques. Mais il s’en faut qu’il en soit ainsi partout et toujours. Si nous jetons un coup d'œil sur l’organisation actuelle des Églises autocéphales, nous constatons quatre variétés de synodes : 1. le synode strictement épiscopal, dont tous les membres sont des évêques ; 2. le synode composé d'évêques et de membres du clergé inférieur ; 3. le synode composé d'évêques et de laïcs ; 4. le synode composé d'évêques, de clercs et de laïcs. Sous le rapport de leur durée, les synodes ou collèges sont permanents ou périodiques. Certaines autocéphalies n’ont qu’un synode permanent : ainsi le patriarcat œcuménique, l'Église bulgare, l'Église géorgienne. D’autres n’ont qu’un synode périodique : ainsi les Églises d’Alexandrie et de Chypre. Plusieurs autocéphalies ont à la fois un ou plusieurs synodes permanents, un ou plusieurs synodes périodiques et ces synodes sont ou purement épiscopaux ou mixtes. Ainsi l'Église russe patriarchiste, tel’e qu’elle a été organisée par le synode panrusse de Moscou de 19171918, est dotée de deux assemblées permanentes, l’une épiscopale, l’autre mixte, et d’un synode périodique mixte composé des évêques et d’une majorité de délégués clercs et laïcs, qui détient l’autorité suprême. L'Église roumaine est régie par deux assemblées permanentes et deux assemblées périodiques ; de ces quatre collèges deux sont épiscopaux, deux sont mixtes. Les Églises de Grèce et de Finlande ont un synode permanent et un synode périodique. En général, les synodes épiscopaliens s’occupent des affaires strictement religieuses ; les divers synodes mixtes, de l’administration des biens ecclésiastiques. On voit par là que l’unité de constitution dont nous parlons doit s’entendre au sens large et que la sobornost revêt des formes variées et pas toujours canoniques. Ce sont ces formes variées de haut gouvernement ecclésiastique, qui se sont substituées, dans la période contemporaine, à l’ancienne primauté canonique du patriarche de Constantinople, telle qu’elle se constitua durant la période byzantine, après qu’on eut rejeté la primauté de droit divin de l'évêque de Rome, successeur de saint Pierre.

Il ne faut pas oublier, en effet, que le principe de Pautocéphalisme national, tel qu’il est appliqué de nos jours, et qui a enlevé à l'Église byzantine séparée l’unité de gouvernement, est une nouveauté assez récente. Il a succédé, en fait, à la primauté de juridiction que s’arrogea le patriarche œcuménique après la séparation d’avec l'Église romaine. Cette primauté avait pour base la théorie de la translation de la primauté de l’ancienne Rome à la nouvelle ; primauté canonique sans doute, et non de droit divin, mais primauté effective et de juridiction, que le patriarche de Constanlinople a exercée en Orient durant de longs siècles. L'Église byzantine séparée avait alors une véritable unité de gouvernement, un véritable primat à l’image du pape de Rome, dont il prétendait être l’héritier. Nous avons exposé ailleurs les diverses théories sur le haut gouvernement ecclésiastique qui ont précédé l'éclosion de l’autocéphalisme national actuel. Voir l’article Primauté dans les Églises séparées d’Orient, t. xiii, col. 373-380. Il y a eu succession de doctrines disparates et contradictoires commandée par la nécessité d’adapter la théorie à la réalité.

5° De nos jours, l’ancienne primauté de juridiction du patriarche de Constantinople n’est plus admise en théorie, mais il en reste des vestiges dans la pratique. Une primauté de cette sorte est inconciliable avec le système de l’autocéphalisme national et ne serait réalisable que dans l’hypothèse d’un empire universel englobant sous une autorité commune toutes les

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nations de la terre. Aussi les théoriciens de l’autocéphalisme n’accordent plus à l'évêque de Constantinople qu’une simple primauté d’honneur et de préséance ; c’est le primus inter pares. Cette primauté honorifique, ils la fondent sur les mêmes anciens canons des conciles œcuméniques qu’on invoquait autrefois pour établir la primauté de juridiction, spécialement le 28e canon de Chalcédoine. Pris en eux-mêmes cependant, ces canons, comme nous l’avons vii, favorisent plutôt une véritable primauté de juridiction d’ordre canonique. D’ailleurs, la pratique actuelle n’est pas toujours conforme à la thèse des nouveaux théoriciens, qui se trompent certainement quand ils veulent l’appliquer au passé et nier que le patriarche œcuménique ait jamais joui d’un véritable pouvoir de juridiction suprême sur les trois autres anciens patriarcats d’Orient et sur d’autres Églises autonomes moins anciennes. Dans le tome synodal lui-même par lequel le patriarche Jérémie II reconnut, en 1590, la constitution du patriarcat moscovite, nous trouvons ce passage qui en dit long sur les prétentions papales des évêques de Constantinople encore à la fin du xvie siècle : « Le nouveau patriarche Job devra considérer le siège apostolique de Constantinople comme sa tête et son primat et le traiter comme tel, à l’exemple des autres patriarches : xocl v.sqoi.'Ary oojtou xal rpcoTov è'/îiv v.v.l vouiÇeiv tov àTCOCTToXixôv Opôvov KcùvaToevTtvou7r6Xewç ùtç, y.al oi Xoiirol £/ouai 7raTpi.âpyai.. » Cf. V. Regel, Analecta byzaniino-russica, p. 85-91. Évidemment de pareilles recommandations restèrent d’ordinaire lettre morte. Les Russes pourtant témoi gnèrent en certaines occasions beaucoup de déférence au patriarche œcuménique et le consultèrent sur des questions liturgiques, canoniques et même dogmatiques. Dans les décrets d’autocéphalie plus récents, la Grande Église de Constantinople, ne pouvant plus prétendre à l’ancienne juridiction, cherche encore à maintenir un reste de suprématie. Les Églises que l’on déclare autocéphales sont invitées à demander le saint-chrême à l'Église de Constantinople et à la consulter sur toute question majeure intéressant le bien général.

Dans la pratique, les autres Églises attribuent au patriarche œcuménique tantôt une simple primauté d’honneur, tantôt une certaine juridiction atténuée, selon qu’il y va de leurs intérêts. Inutile de dire que le Phanar fait toujours le meilleur accueil à toute démarche tendant à rétablir une suprématie perdue. Depuis la guerre de 1914-1918, on a vu un certain nombre d'Églises nouvelles ou nouvellement orga nisées s’adresser a Constantinople pour obtenir la reconnaissance officielle, l’autocéphalie ou la simple autonomie. C’est le cas pour les Eglises de Tchécoslovaquie, d’Esthonie, de Finlande, de Pologne, de l'Église russe de l’Europe occidentale de l’obédience du métro polite Euloge et tout récemment des Églises de Letto ine et d’Albanie. Les Serbes consultèrent le patriarcal œcuménique avant de constituer leur nouveau patriarcat d’Ipek en 192H. Par contre, l'Église roumaine en 1925 s’est muée en patriarcat sans en avertir, au préa lable, sa sœur de Constantinople. A l’exception du métropolite Euloge, les Russes émigrés se sont orga insés en dehors de toute intervention du patriarche œcuménique. Ils n’ont pas été les seuls à repousser les prétentions de ce dernier à la juridiction sur tous les orthodoxes dispersés hors des frontières des États où se trouve une Eglise autocéphale dûment établie, prétentions appuyées sur la finale du 28e canon du concile de Chalcédoine, qui rattache à la juridiction du siège de Constanlinople les évêchés sis en terre barbare limitrophes des diocèses d’Asie, de 1 hrace et de Pont. Remarquons pourtant qu’en ces derniers temps, devant le nombre croissant des autocéphalies, la muî XIV.

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