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    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. UNITE

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l’exclusivisme nationaliste des byzantins. Nous avons vu, en effet, que le césaropapisme avait eu pour cflct de nationaliser la religion. Le basileus se considérait comme le souverain de l’univers. Tout ce qui était en dehors des frontières de son empire devait tôt ou tard lui appartenir et restait, en attendant, l’habitat des barbares. La vraie religion, l’authentique orthodoxie était celle dont il était le chef et le protecteur attitré dans ses Liais. Tout devait être conforme à cette norme. Ce qui en différait ne pouvait être qu’hétérodoxe. Du jour où le pape ne fut plus sujet de l’empire, du jour surtout où il se fit le promoteur d’un empire rival, d’un empire barbare, le schisme était virtuellement accompli.

IL Le schisme byzantin et l’unité de l’Église. - Quand ils parlent de l’unité de l’Église - il s’agit de l’unité de l’Église militante — les théologiens catholiques ont l’habitude de distinguer plusieurs sortes d’unités : unité de gouvernement, unité de foi, unité de communion ou de charité, unité disciplinaire, unité liturgique. La plupart des théologiens grécorusses, dans leurs manuels de théologie, parlent aussi de ces diverses unités, quittes à en donner des définitions divergentes. De ces unités multiples, il est évident que la principale est l’unité de gouvernement puisque l’Église est une société hiérarchique visible et qu’une société est une avant tout par l’autorité suprême qui la dirige et en maintient la cohésion dans tous les domaines. Nous allons donc rechercher tout d’abord les conséquences du schisme byzantin par rapport à cette unité primordiale. Nous parlerons ensuite de l’unité de foi ou de doctrine parmi les Églises autocéphales actuelles issues de ce schisme ; puis de l’unité de communion ou de charité. Nous terminerons en disant un mot de l’unité disciplinaire et de l’unité rituelle.

I. LE SCHISME BYZANTIN ET L’UNITÉ DE GOUVER-NEMENT ECCLÉSIASTIQUE. — 1° Si nous considérons ce que nous avons appelé l’Église gréco-russe, c’est-à-dire l’ensemble des Lglises autocéphales actuelles issues de l’ancienne Église byzantine, dans son organisation actuelle, il est trop visible qu’elle est privée de l’unité de gouverncmenL Ces Églises autocéphales, en effet, ne reconnaissent aucune autorité suprême commune et permanente, à laquelle elles soient tenues d’obéir. Il n’y a pour elles aucun centre d’autorité commun permanent, étendant sur chacune d’elles sa juridiction souveraine, comme cela existe pour l’Église catholique romaine. Chacune de ces Églises constitue une société religieuse numériquement distincte des Égiises-sœurs, indépendante de chacune d’elles, ayant son organisation particulière, son autorité suprême habituellement représentée par un collège ou synode. Nous avons un ensemble de républiques indépendantes les unes des autres, comme l’indique du reste suffisamment le titre d’Églises autocéphales. On ne peut pas rétablir, dans ce système, l’unité de l’Église, en disant que ces républiques ecclésiastiques constituent une fédération, une confédéral ion proprement dite, dans le genre de la confédération des Etats l’nis d’Amérique, car dans les États-Unis d’Amérique il y a une autorité centrale commune permanente reconnue de tous et édictant des lois, des ordres obligatoires pour tous. Il appert donc que le schisme byzantin a détruit l’unité visible proprement dite de l’Église considérée comme société.

2° Peut-on dire que le système des Églises autocéphales aboutit à une Société d’Églises semblable à la Société des nations qui a son siège à Genève ? Oui et non : oui en théorie, non en pratique. En théorie, en effet, les Églises autocéphales de rite byzantin reconnaissenl le concile œcuménique comme l’autorité visible suprême, à laquelle elles sont prêtes à obéir. C’est une autorité commune, niais une autorité trau sitoire. Tant qu’il dore, on peut dire que ces Lglises

possèdent une tête visible, ont un gouvernement unique, constituent une seule société, une seule Église. Comparées à l’Église catholique, elles en diffèrent alors en ceci que l’Église catholique possède une autorité commune permanente, tandis qu’elles n’ont qu’une autorité commune intermittente et transitoire. C’est un pou ce qui liasse pour les nations représentées à l’assemblée de Genève parleurs délégués. Le conseil de la Société des nations a cependant l’avantage d’être une réalité, non une pure fiction. Il se réunit une ou plusieurs fois par an. Le concile œcuménique, au contraire, est pour les Églises autocéphales une simple théorie. Jusqu’ici, de l’aveu de théologiens dissidents, aucune assemblée de ce genre ne s’est tenue en Orient depuis 787, et elle n’est pas près d’avoir lieu malgré les désirs quasi unanimes exprimés en ces derniers temps. C’est que ces Églises elles-mêmes ne sont pas d’accord sur les conditions requises pour constituer un véritable concile œcuménique, comme il sera dit plus loin. On aboutit dès lors à une impasse. Beaucoup de dissidents le reconnaissent et déclarent le concile œcuménique impossible tant que dure le schisme avec l’Église romaine. Autant vaut dire qu’une assemblée de cette espèce est pratiquement inexistante, que c’est une pure abstraction et que les Églises autocéphales ne peuvent arriver par cette voie à l’unité, unité qui ne serait d’ailleurs qu’intermittente.

3° Certains théoriciens subtils font ici une instance. Ils nous disent que les anciens conciles œcuméniques continuent à régir visiblement l’Église universelle en tant que leurs décrets sont reçus et appliqués dans toutes les Églises particulières. A l’unité visible de l’Église catholique, constituée par l’autorité vivante et permanente du pape, ils opposent l’autorité des conciles œcuméniques persévérant virtuellement dans leurs décrets. L’Église universelle est ainsi régie non par le pouvoir personnel d’un seul, mais par l’autorité collective de l’assemblée œcuménique des évêques, suivant le principe oligarchique ou collégial tant vanté par les théologiens russes contemporains sous le nom de sobornost, la conciliante, ou, si l’on veut, le parlementarisme. Mais il est évident que la lettre morte des anciens conciles ne peut tenir lieu d’autorité suprême visible pour une société d’hommes vivants. Cette sorte d’autorité est une pure fiction de l’esprit, une manière de parler qui signifie simplement que l’acceptation par toutes les autocéphalies des définitions dogmatiques des conciles donne à ces Églises un minimum d’unité dogmatique, et que la mise en vigueur des canons disciplinaires de ces mêmes conciles dans les diverses Églises leur confère l’uniformité de législation et de constitution, ce qu’on peut appeler l’unité canonique. Nous verrons, du reste, plus loin à quoi se réduit cette unité. Constatons pour le moment que ni l’unité dogmatique, ni l’unité de législation ou de constitution ne suffisent à faire des diverses autocéphalies une seule société religieuse, une seule Église, pas plus que plusieurs nations autonomes ayant adopté la même forme de gouvernement, le même code, la même législation ne constituent, de ce chef, une seule et même nation. Dès là qu’habituellement — on peut dire toujours — les Lglises particulières s’administrent d’une manière absolument autonome, il y a autant de sociétés religieuses, aulant d’Églises numériquement distinctes qu’il y a d’autocéphalies.

4° Ce qu’on peut concéder, c’est qu’à défaut d’unité numérique de gouvernement, les Lglises autocéphales possèdent une certaine unité spécifique, de constitution. Chez chacune d’elles, en effet, a prévalu, au lieu du gouvernement personnel d’un seul prélat, primat d’une autocéphalie entière, le système synodal ou collégial, la sobornost. L’autorité suprême ecclésiastique est dévolue à un synode, dont la composition est loin