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    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. CARACTÈRES GÉNÉRAUX

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niques n’ont défini qu’un petit nombre de vérités et qu’il y aurait encore matière à de nombreuses définitions, c’est piur conclure avec le général A. Kireêv que ces nouvelles définitions ne sont nullement désirables et « qu’il y a assez de dogmes ». Cf. Revue internationale de théologie, 1904, p. 600-601.

Quant au conservatisme dans le domaine de la discipline et de la liturgie, nous avons déjà eu l’occasion d’en signaler les désastreux effets. Voir plus haut, col. 1351. Intégrer au dépôt révélé, comme quelque chose d’intangible, d’immuable et d’obligatoire pour tous les temps et pour tous les lieux, la vieille législation canonique ou rituelle du concile in Trullo, c’est lier l'Église avec les bandelettes d’une momie. Or, il est avéré que l'Église occidentale des huit premiers siècles a ignoré une bonne partie de cette législation de circonstance, établie pour la seule Église d’Orient, qui est constituée par les canons des sept premiers conciles œcuméniques ou des synodes locaux d’Orient énumérés par le concile in Trullo. « Par ce côté, écrit A. LeroyBeaulieu, l’orthodoxie gréco-russe a un manifeste désavantage vis-à-vis du catholicisme latin. Elle n’a point les mêmes ressources que l'Église romaine. Ne possédant pas d’autorité centrale, d’organe vivant pour commander au nom du Christ, elle ne peut, autant que sa grande rivale, s’accommoder aux nécessités des temps ou aux besoins des climats… Sans voix pour parler en son nom ni ressort pour la mouvoir, elle semble vouée au silence aussi bien qu'à l’immobilité. A force de se garder de tout changement, elle a pour ainsi dire perdu la faculté du mouvement. Elle ressemble à ses rigides icônes ; sa bouche comme la leur est close ; ses membres, raidis depuis des siècles, ne peuvent se ployer à volonté ; ils sont pour ainsi dire ankylosés. » Revue des deux-mondes, 15 août 1887, p. 861-862 ; reproduit dans L’empire des tsars et les Russes, t. iii, Paris, 1889.

Cette habitude de mettre sur le même pied que le dogme l'élément canonico-rituel de l’antique tradition constitue de plus un danger permanent de schisme intestin. Car l'Église gréco-russe s’est vue obligée, au cours des siècles, à faire des innovations dans les rites et la discipline, à procéder à quelques réformes. Qu’est-il arrivé dans ces cas ? De graves dissensions se sont produites parmi les fidèles, des schismes ont éclaté, dont le plus important et le plus tenace a été le raskol russe. Voir art. Russie, col. 292-3 14. Ce ritualisme exagéré n’est pas encore mort, même dans des pays policés comme la Grèce et la Roumanie, témoin les commencements de schisme occasionnés par l’adoption partielle du calendrier grégorien dans ces autocéphalies. Voir plus haut, col. 1378 et 1381. C’est sans doute la crainte de schisme cjui a empêché jusqu'à nos jours les patriarcats de Jérusalem, d’Antioche et de Serbie, l'Église bulgare et la plus grande partie de l'Église russe soit en Russie, soit ailleurs, de se rallier au nouveau calendrier sous la forme atténuée qui a été acceptée par d’autres Églises autocéphales. Certaines de ces Églises, en effet, ont excepté de la réforme le comput pascal fixé par le premier concile de Nicée. On voit par cet exemple comment se tiennent les deux termes : po'émique et maintien du statu quo dans tous les domaines.

3° Le statu quo pourtant n’a été maintenu par V Eglise gréco-russe que d’une manière relative. — A son point de départ même, c’est-à-dire à partir du jour où le schisme a été consommé, le conservatisme byzantin a présenté de graves lacunes. Il n’a pas retenu tout le patrimoine de l’antique tradition des neuf premiers siècles. Il en a éliminé ce qui gênait le schisme luimême, c’est-à-dire avant tout la primauté de juridiction suprême et universelle de l'évêque de Rome, reconnue d’une manière tout à fait explicite encore au

siècle de Photius. Cf. l’article Primauté romaine dans l'Église byzantine au ixe siècle, t. xiii, col. 357367. Au VIP concile oecuménique, on avait entendu aussi et approuvé la profession de foi de l’oncle de Photius, le patriarche de Constantinople Taraise, qui disait que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils. Or, à partir de Michel Cérulaire, l'Église byzantine et gréco-russe a généralement adopté sur ce chapitre la formule de Photius : Le Saint-Esprit procède du Père seul. De plus, dans le domaine liturgique et canonique, cette Église a sacrifié, quoique dans une mesure moindre que l'Église latine, au besoin d’introduire des changements. Cette constatation ne laisse pas que de la mettre dans une situation embarrassante vis-à-vis de l’histoire impartiale, comme aussi vis-à-vis de l'Église catholique, à laquelle on veut toujours reprocher ses innovations. Pour échapper à la contradiction, la polémique anticatholique devrait établir que les innovations dogmatiques et autres reprochées de nos jours à l'Église romaine n’ont commencé qu’avec le schisme, qu’elles n’existaient pas auparavant et que ce sont précisément ces innovations qui ont déterminé la sécession de l'Église orientale. Telle est bien la position classique des polémistes anciens et nouveaux qui veulent donner au schisme byzantin une attitude cohérente. A les entendre, l'Église byzantine s’est séparée I de l'Église romaine du jour où le pape a voulu s’arro ! ger un pouvoir effectif de juridiction sur les Églises orientales ; du jour où l’on a enseigné en Occident que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils et où l’on a ajouté le mot Filioque au symbole ; du jour où l’on a introduit l’usage du pain azyme pour la célébration du sacrifice eucharistique, etc. Malheureusement pour ces polémistes, de pareilles affirmations ne tiennent pas devant l’histoire. Les historiens et les théologiens gréco-russes de nos jours ont constaté eux-mêmes que cette position n'était plus défendable. Les meilleurs d’entre eux ne font pas difficulté de reconnaître qu’au moins à partir du v° siècle, l'Église d’Orient s’est inclinée devant l’autorité des pontifes romains dans les assemblées œcuméniques et que le pape saint Léon a parlé de sa primauté et même de son infaillibilité avec une précision qui n’a pas été dépassée par les définitions du concile du Vatican. Or, le pape saint Léon est un des docteurs œcuméniques dont la doctrine a été approuvée par les Pères du Ve concile général, et l'Église byzantine célèbre sa fête le 18 février en lui donnant les plus grands éloges. Des éloges semblables sont décernés, dans les livres liturgiques byzantins, à d’autres docteurs et saints personnages tant occidentaux qu’orientaux qui ont enseigné expressément les doctrines que l’on qualifie maintenant d’innovations latines, voire d’hérésies manifestes, qui rendent impossible l’union avec l’Eglise romaine. Parmi ces doctrines il faut signaler la primauté elîective de l’apôtre Pierre sur les autres apôtres, la primauté et le magistère infaillible du successeur de Pierre, l'évêque de Rome, la procession du Saint-Esprit du Père et du Fils ou du Père par le Fils, pour ne citer que les grandes questions qui ont alimenté la polémique antilatine depuis la séparation définitive. Devant une contradiction aussi éclatante, le mot incohérence vient de luimême aux lèvres. L’incohérence doctrinale, voilà la troisième caractéristique du schisme byzantin. Sous ce rapport, nous ne trouvons qu’une Église qui puisse être comparée à l'Église gréco-russe : c’est l'Église anglicane actuelle avec ses trois fractions disparates de haute Église, de basse Église et d'Église large. Ce caractère d’illogisme et d’incohérence apparaîtra encore plus manifeste par ce que nous allons dire dans les paragraphes qui vont suivre.

On pourrait pousser plus loin l’analyse et découvrir la source commune de ces marques distinctives dans