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SCHISME BYZANTIN. LES GRECS ET ROME


vcov, t. v, Athènes, 1855, p. 143-147 ; cf. L. Petit, L’entrée des catholiques dans l'Église orthodoxe, dans les Échos d’Orient, t. ii, 1898, p. 129-131. Par trois autres questions on repousse comme des théories erronées les dogmes catholiques de la primauté de saint Pierre et de son successeur, l'évêque de Rome, et l’infaillibilité de celui-ci.

A partir du xvie siècle, la polémique antilatine se fit, chez les Grecs, de plus en plus violente. Ce qui l’alimenta, ce furent surtout les efforts de la propagande catholique en Pologne et dans le Proche-Orient. Cette propagande, qui fut parfois maladroite et à tendance latinisante, connut pourtant de véritables succès et réussit à ramener à l’unité catholique des groupes importants de dissidents, à créer des Églises catholiques de rite byzantin. La plus importante de ces Églises fut l'Église ruthène du royaume de, Pologne, qui adhéra à l’unité catholique au synode de Brest en 1595 et groupa, dès le début, plusieurs millions de fidèles. Voir son article. Dans les premières années du xviiie siècle, naquirent les Églises roumaine et melkite catholiques. Depuis 1860, s’est constituée une petite Église bulgare unie, et plus récemment un petit groupe grec catholique. C’est la création de ces Églises unies de rite byzantin qui a le plus excité l’animosité des hiérarchies dissidentes et les a poussées aux représailles extrêmes dont nous allons parler. Il faut y ajouter l’apostolat des écoles congréganistes dans le Proche-Orient, qui s’est développé dans la seconde moitié du xixe siècle et qui battait son plein à la veille de la guerre mondiale de 1914.

2° L'Église grecque et l'Église romaine. — Les polémistes de la période moderne ressemblent à leurs devanciers de la période byzantine. Ils reprochent à l'Église catholique ses innovations ou kainotomies tant en matière dogmatique qu’en matière liturgique ou disciplinaire.

Parmi les innovations dogmatiques se trouve toujours la question du Filioque ; mais elle n’occupe plus, de nos jours, la première place. Elle a même été abandonnée récemment par un nombre respe (table de théologiens russes. La grande divergence sur laquelle on insiste depuis le xvie siècle et surtout au xixe et au xxe, c’est la primauté de juridiction de l'évêque de Rome sur l'Église universelle et son magistère infaillible défini au concile du Vatican. Certains théologiens dissidents vont jusqu'à dire que c’est là le seul point important, le seul empêchement dirimant de l’union des Églises. Mais ces minimistes sont de date récente. Les polémistes les plus medérés de cette période s’en tiennent, en fait de différences dogmatiques, aux cinq points définis dans le décret d’union de Florence. Quelques-uns même admettent l’essentiel de la doctrine catholique sur plusieurs de ces points et ne s’en écartent que sur des détails accessoires et des questions de terminologie. D’autres, au contraire, ont grossi démesurément le nombre des divergences et ont découvert de nouveaux griefs. Signalons parmi ceux-ci l’immaculée conception, la validité du baptême par infusion ou même la validité du baptême des hérétiques, l’existence du caractère sacramentel, l’existence d’une peine temporelle due au péché même pardonné, l’indissolubilité du mariage même en cas d’adultère, l’inspiration des livres deutéro-canoniques de l’Ancien Testament, etc.

Quant aux divergences liturgiques et disciplinaires, on ne craint pas, même à une date très rapprochée de nous, de reprendre les plus désuètes parmi les anciennes. Dans plusieurs listes officielles dressées par les patriarches orientaux, on voit reparaître le jeûne du samedi, les œufs et les laitages du carême, l’usage des boudins et des viandes étouffées. Ces derniers griefs étaient formulés encore en 1838 par le patriarche œcu ménique Grégoire VI dans une encyclique approuvée par les trois autres patriarches orientaux, sans parler des métropolites. Mansi-Petit, Concil., t. xl, col. 272. En 1848, dans leur réponse à Pie IX, qui leur avait adressé un appel à l’union, les quatre patriarches d’Orient ne craignent pas de reprocher aux catholiques, entre autres choses, l’usage des petites hosties, celui du pain azyme, la communion sous une seule espèce, le célibat des clercs, l’interpolation des écrits des saints Pères. Mansi-Petit, ibid., col. 377-418. Les azymes reviennent, en 1895, dans l’encyclique du patriarche œcuménique Anthime VII répondant à l’encyclique du pape Léon XIII Præclara gratulutionis, du 20 juin 1894. Si des documents officiels promulgués par la hiérarchie dissidente nous passions aux écrits des théologiens et des polémistes de profession, nous trouverions bien d’autres griefs surprenants. Au xvie siècle, par exemple, on attaque comme une innovation blâmable la réforme du calendrier opérée par le pape Grégoire XIII, réforme que, de nos jours, plusieurs Églises autocéphales ont enfin acceptée, en partie du n oins, non sans provoquer des menaces de schisme.

C’est lorsque la propagande catholique obtient quelque succès en Orient que la polémique dissidente se fait plus violente et plus aggressive. Ce fut le cas au xviiie siècle, lors de la création de l'Église melkite catholique en Syrie. On vit alors les quatre patriarches d’Orient dresser des listes officielles des kainotomies latines pour enrayer le mouvement vers l’union avec Rome. En 1722, une longue lettre dogmatique était adressée aux fidèles du patriarcat d’Antioche pour dénoncer les hérésies et erreurs latines, parmi lesquelles figuraient, outre les cinq questions résolues à Florence, le jeûne du samedi, le refus de la confirmation et de la communion aux petits enfants, la communion sous une seule espèce, l’administration de Y euchelaion ou extrême-onction aux seuls moribonds. Une admonition synodale du patriarche œcuménique Jérémie III y ajoutait les divergences sur l’abstinence quadragésimale et la « tétragamie ». Peu de temps après, en 1727, paraissait une nouvelle confession ele foi en seize articles, qui reprochait aux Latins, entre autres choses, d’admettre plus de sept conciles œcuméniques, de manger des viandes étouffées, de rejeter la doctrine palamite sur la lumière thaborique incrééc, d’enseigner l’indissolubilité du mariage en cas d’adultère. Le fanatisme anticatholique dépassa toute borne dans la seconde moitié du xviir 3 siècle. Alors que, depuis le concile de Constantinople de 1484, l'Église grecque avait reconnu la validité du baptême des Latins et ne réitérait à ceux-ci que le sacrement de confirmation, à leur entrée dans l'Église orthodoxe ; alors qu’au synode de Moscou de 1666-1067, les prélats grecs présents avaient persuadé aux Russes de renoncer à rebaptiser les catholiques, le patriarche œcuménique Cyrille V décréta, en 1755, que les papistes n'étaient que des infidèles et qu’il fallait les rebaptiser. Il est aujourd’hui prouvé que la décision de ce patriarche fut tout à fait anticanonique, les membres de son synode ayant refusé d’approuver une pareille innovation et ayant même réeiigé une contre-définition. Cf. Mansi-Petit, t. xxxviii, col. 575-634. Le décret patriarcal n’en a pas moins obtenu force de loi, à partir de 1774, dans les autocéphalies de langue grecque ou gréco-arabe, et il reste encore en vigueur. Si on y déroge parfois, pour des raisons spéciales, on explique ces exceptions par la curieuse théorie de « l'économie », d’après laquelle la validité des sacrements des hétérodoxes dépend de la volonté ele la véritable Église.

Malgré ces outrances polémiques, cette haine du Latin que les Grecs modernes ont héritée des anciens Byzantins, il y a eu parfois des accalmies, de courtes périoeles de relations cordiales, voire même une ou deux