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SCHISME BYZANTIN. LE PATRIARCAT SERBE


tsars moscovites (1686). En perdant la Russie, le patriarcat grec de Conslantinople perdait, en fait, la prépondérance dans le concert des Églises autocéphales Issues du schisme byzantin.

Nous avons dit qu'à partir de 1461 l’Eglise russe devint en fait autocéphale. Mais cette autocéphalie ne fut reconnue en droit que sur la fin du xvie siècle, lorsque la métropole de Moscou fut érigée en patriarcat. Voir Russie, col. 272 sq. Profitant du passage à Moscou du patriarche œcuménique Jérémie II, le tout puissant ministre de Fédof Ivanovic, Boris Godunof, fit élever à la dignité patriarcale le métropolite de Moscou, Job, demandant pour lui le troisième rang dans la hiérarchie, après les patriarches de Constantinople et d’Alexandrie (1589). Au synode de Constantinople de 1590, les prélats grecs reconnurent d’assez mauvaise grâce le nouveau patriarcat mais lui assignèrent le cinquième et dernier rang. Boris Godunof insista vainement auprès des patriarches orientaux pour obtenir le troisième rang, que Jérémie II lui avait imprudemment promis. Un nouveau synode eonstantinopolitain tenu en 1593 confirma la décision de celui de 1590. Les patriarches orientaux affectèrent, du reste, de considérer le patriarcat moscovite comme un patriarcat mineur et le traitèrent comme ils traitaient les patriarcats d’Ipek et d’Ochrida, c’est-à-dire en le passant sous silence dans les documents officiels. Se référant à la vieille théorie de la pentarchie, ils ne comptaient que quatre patriarches orthodoxes, le cinquième, l'évêque de Rome, ayant fait défection. Quelques-uns en arrivèrent même à abandonner la comparaison des cinq sens du corps humain, dont on s'était d’abord servi pour légitimer le nombre de cinq, et comparèrent les quatre patriarches aux quatre colonnes du temple de l’orthodoxie. Cf. l’article Primauté dans l'Église gréco-russe, t. xiii, col. 378.

Mais l’importance de l'Église russe ne fil que grandir avec la puissance politique de l’empire des tsars. Le cinquième patriarcat devint en réalité le premier, tant par le nombre de ses fidèles que par son influence sur les autres Églises autocéphales. L’institution patriarcale, du reste, ne dura pas longtemps. Après le long et pénible conflit entre le tsar Alexis Mikhaïlovic (1645-1676) et le patriarche Nicon, elle s’avéra dangereuse pour l’omnipotence des tsars. Pierre le Grand la supprima en 1700 et la remplaça en 1721 par le SaintSynode dirigeant siégeant à Saint-Pétersbourg. L’organisme créé par Pierre le Grand, qui le fit approuver par les quatre patriarches d’Orient en 1723, a régi l'Église russe pendant deux cents ans, de 1721 à 1917. En 1917, au moment où commençait la révolution bolehéviste, le concile panrusse de Moscou rétablit le patriarcat en l’encadrant d’organismes parlementaires qui faisaient du patriarche un président d’assemblée plutôt qu’un véritable chef. La nouvelle institution, du reste, n’a pu fonctionner jusqu’ici d’une manière normale à cause de la persécution soviet icpie. Depuis la mort de Tikhon, le patriarche élu par l’assemblée « le 1917 (7 avril 1925), on n’a pas encore réussi à lui donner un successeur dans les formes prévues par le concile.

Depuis 1917, l'Église russe, tant par l’effet de l’atroce persécution dont elle a été l’objet qu'à cause des éléments de division qui la minaient sourdement depuis longtemps, est en pleine désagrégation. On ne compte plus les schismes, les factions, les Eglises rivales qui se sont formées depuis vingt ans tant à l’intérieur des Républiques soviétiques que parmi les liusses émigrés à l'étranger. Plusieurs de ces Kglises n’ont eu qu’une vie éphémère et oui déjà disparu. Une dizaine environ subsistent encore qui hier s’anathématisaient les unes les autres ou continuent de le taire.

tandis que les autres Églises autocéphales observent à leur égard les attitudes les plus contradictoires, chacune d’elles reconnaissant les unes et rejetant les autres sans aucune unité de vues. C’est la destruction totale, au sein de l'Église dissidente, de ce qu’on appelle l’unité de communion.

Patriarcat serbe.

 Tant qu’il dura, le patriarcat

serbe d’Ipek réunit sous sa haute juridiction plusieurs groupes distincts, qui finirent par constituer autant d'Églises autocéphales. Avant la guerre de 1914, on ne comptait pas moins de cinq Eglises serbes, dont quatre étaient complètement indépendantes ou autocéphales, et la cinquième tenait encore par un fil ténu au patriarcat de Constantinople. La première était la petite Église du Monténégro comprenant les fidèles de la principauté, c’est-à-dire environ 300 000. Pendant longtemps, c’est-à-dire de 1516 à 1851, son évêque ou vladika, en résidence à Cettigné, fut en même temps le prince temporel du pays. Dès le début du xviii s siècle il s'était mis sous la protection de la Russie et c’est à l'Église russe qu’il demandait le saint-chrême. La seconde Église serbe était le patriarcat de Carlovitz, commandant aux Serbes de Hongrie, qui dépassaient le million. Son histoire a été racontée et son organisation exposée à l’article Carlovitz, t. ii, col. 17541776. La troisième était constituée par les diocèses serbes de Dalmatic, d’abord rattaches au patriarcat de Carlovitz, puis, à partir de 1873, à la métropole serboroumaine de Cernovic ou Çernauti en Bukovinc, qui réunissait sous sa juridiction tous les « orthodoxes » de l’Autriche proprement dite. Ces diocèses serbes étaient depuis 1870, au nombre de deux : Zara et Cattaro. Après l’annexion plus ou moins complète de la Bosnie-Herzégovine à l’empire austro-hongrois en 1878, ces deux provinces échappèrent à la juridiction immédiate du patriarcat œcuménique. Celui-ci conservant le droit de présentation des candidats aux évêchés, tandis que le choix final était réservé au pouvoir séculier. Sur l'Église de Bosnie-Herzégovine, dont la population voisinait le million, voir l’article Bosnie-Herzégovine, t. ii, col. 1035-1059. Il y avait enfin V Église du royaume serbe gouvernée par un SaintSynode composé des évêques diocésains et présidé par le métropolite-archevêque de Belgrade. Après les accroissements reçus à la suite de la guerre balkanique de 1912-1913, cette Église comptait 3 700 000 fidèles. Dès 1832, elle avait obtenu une autonomie relative vis-à-vis du patriarche de Constantinople, qui correspondait à peu près à l’autonomie également relative du royaume serbe vis-à-vis de la Sublime Porte. L’autocéphalie complète suivit de près l’indépendance politique, conquise en 1878. Dès 1879, le patriarche œcuménique Joachim III délivrait à l'Église serbe sa (harte ou tomos d’autocéphalie. Aux termes de ce document, l'Église orthodoxe du royaume serbe était déclarée « canoniquement autocéphale, indépendante, s’administrant elle-même sous l’autorité et présidence de l’archevêque de Belgrade, métropolitain de Serbie, assisté, conformément aux saints canons, d’un synode composé des métropolitains de sa circonscription ». Le trait commun des règlements organiques multiples et souvent revisés que ces Églises serbes avaient reçus du pouvoir civil, él ait la subordination étroite à l'État. Dans le patriarcat de Carlovitz, on remarquait, en plus, la prépondérance de l'élément laïque dans l’administrât ion ecclésiastique.

Le traité de Versailles de 1919 ayant réuni en un seul État la presque totalité des territoires où se trouvaient les cinq autonomies ecclésiastiques serbes, il était logique que ces cinq groupes fussent réunis en une seule Église nationale englobant tous les fidèles du nouveau royaume yougoslave. Aussitôt la paix signée, le gouvernement de Belgrade s’est occupé de