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SCHISME BYZANTIN. LES AUTOC EPH ALIES


Manuel Comnène d’engager de continuels pourparlers politico-religieux avec-les papes. Ces empereurs caressent encore parfois le rêve de reconquérir l’Italie et de se faire couronner par le pape. Manuel Comnène surtout donna dans cette utopie. Pendant tout son règne, il se montra latinophilc, confia à des Latins les premières charges < ! < l’empire cl, en 1166, lit auprès du pape Alexandre III une démarche décisive. Le sébaste Jourdain, fils du prince Robert de Capoue, vint proposer au pape, de la part de l’empereur, la réunion des Églises. En échange, Manuel demandait à Alexandre III la couronne impériale et le rétablissement de l’unité de l’empire. Il s’engageait à l’aider financièrement pour vaincre la résistance des opposants. Le pape prit l’offre en considération. Les cardinaux Ubald d’Ostie et Jean des Saints-Jean-et-Paul se rendirent à Constant inople pour négocier. Le projet échoua, à la suite de joutes théologiques sur les points controversés, sans doute aussi parce que le basileus n’accepta pas la condition posée par le pape, qui demandait à Manuel de fixer sa résidence à Home. Nouvelles négociations unionistes vers 1170. Elles se heurtèrent à l’opposition irréductible du patriarche Michel III d’Anchialos. Cf. Chalandon, Jean II Comnène (1118-1143) et Manuel Comnène (1143-1180), Paris, 1912, p. 161-164, 564-568.

Inutile de dire que la quatrième croisade et la constitution d’un empire latin sur les rives du Bosphore rendirent de plus en plus difficile l’union religieuse ; mais ces événements eurent aussi pour effet de multiplier les pourparlers politiques en vue de la procurer. Il en a été suffisamment parlé soit à l’article Constantinoplk (Église de), t. iii, col. 1380-1396, soit à l’article Lyon (IIe concile de), t. ix, col. 1374-1410.

La réaction violente contre les Latins qui suivit la rupture de l’union conclue au concile de Lyon (1282), arrêta pour quelques années de nouvelles négociations. L’empereur Andronic II (1282-1328) repoussa toutes les avances qu’on lui fit jusqu’en 1323. Aussi voyonsnous les papes, pendant cette période, essayer de reconstituer l’empire latin, détruit par Michel Paléologuc en 1261. À partir de 1330, devant le péril de plus en plus menaçant des Turcs, que favorise la guerre civile entre l’usurpateur Jean Cantacuzènc et l’héritier légitime Jean V Paléologue, les pourparlers unionistes entre papes et empereurs deviennent continuels. Les papes se déclarent prêts à venir au secours des Byzantins, mais ils exigent auparavant la soumission de l'Église byzantine à leur autorité. Les empereurs, au contraire, veulent être aidés tout de suite et promettent de procurer l’union des Églises, une fois le péril écarté. C’est aussi durant cette période qu’on reparle de plus belle du concile œcuménique. Les Grecs ont complètement oublié le second concile de Lyon, qui pour eux ne compte pas, parce qu’il n’y a pas eu d’examen des questions controversées. Rome résiste d’abord et ne veut point qu’on revienne sur la chose jugée, si bien que le polémiste Nil Cabasilas (fl360), métropolite de Thessaloniquc, déclare que la persistance du schisme vient de ce que les Romains ne vculent pas qu’un concile œcuménique, semblable aux anciens conciles des huit premiers siècles, examine les questions controversées, mais prétendent tout dirimer de leur propre autorité comme des maîtres en présence <t-dociles disciples. De ecclesiarum dissidio, /'. G., t. CXLix, col. 684-685. On finit pourtant par leur accorder ce qu’ils demandaient. L’empereur Manuel Paléologue envoya une nombreuse délégation au concile de Constance en 1117 ; mais l’union ne put être réalisée, l'.n 1 138-1 139, après de longs pourparlers, on eut enfin le concile unioniste rêvé. On discuta longuement à Florence sur les principales questions controversées. Les Grecs, sans doute,

comme nous l’avons dit col. 1366, ne furent pas toujours libres de dire tout ce qu’ils pensaient, parce que l’empereur s’y opposait. Il y eut cependant enquête sérieuse sur tous les points et plusieurs des prélats orientaux sortirent de ces débats pleinement convaincus des vérités définies dans le décret d’union. Mais la masse du clergé, les moines et le peuple n'étaient point préparés à abandonner les dogmes des ancêtres. Il suffit de Marc d'Éphèse et de quelques autres meneurs pour faire avorter l’union si péniblement conclue. On ne put la promulguer officiellement à Sainte-Sophie que le 12 décembre 1452, six mois avant la prise de Constantinople par les Turcs. Alors que les Latins virent généralement dans la victoire des infidèles le juste châtiment de l’entêtement des Grecs à rester dans le schisme, les chefs des antiunionistes, tel GeorgesGennade Scholarios, considérèrent cet événement comme la punition de l’abandon de l’orthodoxie perpétré à Florence. Les Russes moscovites virent du même œil la catastrophe et commencèrent à concevoir des soupçons sur l’orthodoxie des Grecs. Il se trouva bientôt des théologiens pour parler de la translation de la primauté de Constantinople à Moscou, qualifiée de troisième Rome. Voir art. Russie, col. 243 sq.

IV. Le schisme a. l'état stable (xv « au xxe siècle). — Dans la période moderne, le schisme byzantin poursuit son évolution normale, conforme au principe qui lui a donné naissance. Tombée sous le joug des infidèles, l'Église de Constantinople voit bientôt sa primauté contestée par les groupes dissidents qui habitent hors des frontières de l’empire turc. Commencé déjà dans la période précédente, après la dislocation de l’empire byzantin qui suivit la quatrième croisade, ce morcellement s’est surtout accentué dans la première moitié du xixe siècle. Il a continué à la suite des changements opérés dans la carte politique de l’Europe et de l’Asie par la guerre balkanique et la guerre mondiale de 1914-1918. Cette division de l’ancienne Église byzantine en de nombreux groupes autocéphales et autonomes est comparable au phénomène de fissiparité ; c’est la loi du schisme installée dans le schisme même.

Durant la même période, l’hostilité à l'égard de l'Église catholique, loin de diminuer, est plutôt renforcée. Les tentatives d’union cessent complètement. La polémique antilatine bat toujours son plein et s’exaspère même à certains moments sous l’influence de causes diverses. C’est bien le schisme à l'état stable et vraiment définitif.

Par contre, dès la fin du xvr 3 siècle, des essais de rapprochement commencent à s’amorcer avec les réformés d’Occident. Ces essais sont devenus plus fréquents depuis un siècle, mais jusqu’ici ils n’ont pas eu plus de résultat que les négociations unionistes de la période byzantine avec l'Église romaine.

I. LE MORCELLEMENT DE L’ANCIENNE ÉGLISE BYZANTINE EN PLUSIEURS GROUPES AUTONOMES. LES ÉGLISES AUTOCÉPHALES NATIONALES. — La destruction de l’empire chrétien eut pour l'Église byzantine les plus graves conséquences. L’autonomie du patriarche œcuménique, son autorité, les limites mêmes de sa juridiction parurent d’abord s'être accrues sous le nouveau régime que Mahomet II et ses successeurs imposèrent à leurs sujets chrétiens. Le patriarche n’eut plus à compter avec le basileus qui menaçait périodiquement son indépendance par des tentatives d’union avec le pape. Par ailleurs, les sultans lui donnèrent un nouveau trait de ressemblance avec l'évêque de Rome, à la fois primat spirituel et roi temporel, en lui accordant une certaine juridiction civile sur ses ouailles. C’est sous la dominai ion turque, plus cpie sous le règne des basileis, que le patriarche œcuménique fit vraiment figure de pape des chré-